lundi 4 août 2014

Au mépris du droit des conflits armés et des droits humains fondamentaux


Plus de 300 professeurs de droit international et experts en droits de l’homme appellent la communauté internationale à agir pour mettre fin à la « punition collective » de la population civile dans la bande de Gaza par Israël et pour établir les responsabilités de tous ceux impliqués dans les violations du droit international. 


Aujourd’hui, plus de deux cents spécialistes en droit international et défenseurs de droits de l’homme du monde entier, parmi lesquels d’anciens experts indépendants auprès de l’ONU et d’éminents professeurs de droit, ont publié une déclaration commune qui dénonce les graves violations et « le non respect des principes élémentaires du droit des conflits armés et des droits fondamentaux de l’ensemble de la population palestinienne » dans l’offensive israélienne en cours dans la bande de Gaza. La Déclaration appelle la communauté internationale, notamment l’ONU, la Ligue arabe, l’Union européenne et les États-Unis, à mettre en place un mécanisme clair afin d’établir les responsabilités pour ces violations du droit international. « La responsabilité ne peut pas être encore négligée et rejetée pour servir des intérêts politiques, notre intérêt doit être la protection des civils et la paix », affirme le professeur John Dugard, ancien Rapporteur spécial de l’ONU sur la situation des droits de l’homme dans les Territoires palestiniens occupés depuis 1967.
« Encore une fois, c’est la population civile non armée, ce sont les “personnes protégées” par le droit international humanitaire (DIH) qui sont dans l’œil du cyclone et qui sont victimes de représailles au nom d’un droit de légitime défense faussement interprété, invoqué après une escalade de la violence provoquée sous les yeux de toute la communauté internationale », affirme la Déclaration commune.
La Déclaration dénonce le mépris des principes fondamentaux du DIH, notamment le principe de distinction en vertu duquel seuls des combattants et des objectifs militaires peuvent être pris pour cible, ainsi que le principe de proportionnalité. Quelle que soit l’identité des auteurs, les attaques indiscriminées contre des civils sont non seulement illégales au regard du droit international, mais aussi moralement intolérables.
La Déclaration commune condamne les attaques contre des civils. « Des familles entières ont été assassinées. Des hôpitaux, des cliniques et des centres de réhabilitation pour des personnes handicapées ont été pris pour cible et ont subi de lourds dégâts. » Plus de 100 000 civils ont été déplacés. Comme nous avons pu le voir hier à Beit Hanoun, lors du bombardement d’une école de l’UNRWA (Office de secours et de travaux pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient) abritant des personnes déplacées – qui a provoqué la mort d’au moins quinze personnes, tandis qu’un grand nombre de femmes et d’enfants ont été blessés –, il n’y a pas d’endroits sûrs à Gaza.
La Déclaration rejette par ailleurs les allégations d’Israël qui affirme prendre des mesures adéquates pour éviter des victimes civiles dans la zone densément peuplée de Gaza : « Adresser un “avertissement” – comme la technique dite du “toquer au toit”, ou envoyer un SMS 5 minutes avant l’attaque –, cela ne change pas le fait qu’il est illégal de lancer sciemment une attaque contre une habitation civile sans démontrer sa nécessité militaire et au mépris du principe de proportionnalité. »
La Déclaration commune rappelle le verdict de la Mission d’établissement des faits des Nations unies constituée en 2009 après l’offensive israélienne “Plomb durci”, qui avait causé la mort de plus de 1 400 Palestiniens, en majorité des civils, dont plus de 300 enfants :
« Selon le Gouvernement israélien, les opérations militaires de Gaza avaient été programmées dans toute leur ampleur et dans tous les détails. Il a beau avoir cherché à les présenter essentiellement comme une réaction aux attaques à la roquette dans l’exercice de son droit de légitime défense, la Mission considère que son plan visait, au moins en partie, une cible différente, la population de Gaza dans son ensemble. » (A/HRC/12/48, par. 1883).
C’est également ce que l’on peut dire sur l’actuelle offensive israélienne. Selon le professeur Richard Falk, « il est inacceptable que la communauté internationale ne prenne aucune mesure alors que la population civile de Gaza est bloquée dans une région en guerre, surpeuplée, sans lieux ni voie de refuge face à de terribles dangers ».
La Déclaration commune replace l’actuelle offensive israélienne dans le contexte plus large des souffrances auxquelles se confrontent les Palestiniens de Gaza et rappelle que « l’ensemble de la population de la bande de Gaza, durant plus de 7 ans, a été virtuellement emprisonnée par le régime de bouclages imposés par Israël ». L’impunité, stipule la Déclaration, doit cesser.
Enfin, la Déclaration commune appelle la Palestine à saisir la Cour pénale internationale (CPI) « afin d’investiguer et de lancer des poursuites au vu des graves crimes contre le droit international commis dans les Territoires palestiniens par toutes les parties au conflit » et dénonce « les scandaleuses pressions exercées par plusieurs États et par les Nations unies sur le Président Mahmoud Abbas dans le but de décourager le recours à la CPI ».
Le 27 juillet 2014 (traduction du 29 juil. 2014, mise à jour le 31 juil. 2014)
Premiers signataires de la Déclaration commune sur l'offensive d'Israël à Gaza :
John Dugard, Richard Falk, Alain Pellet, Georges Abi-Saab, Vera Gowlland-Debbas, Chantal Meloni, Roy Abbott, Lama Abu-Odeh, Susan M. Akram, Taris Ahmad, Maria Anagnostaki, Antony Anghie, Nizar Ayoub, Valentina Azarov, Ammar Bajboj, Samia Bano, Asli Ü Bali, Jakub Michał Baranowski, Frank Barat, Emma Bell, Barbara Giovanna Bello, Brenna Bhandar, George Bisharat, Barbara Blok, John Braithwaite, Michelle Burgis-Kasthala, Eddie Bruce-Jones, Sandy Camlann, Grazia Careccia, Baris Cayli, Antonio Cavaliere, Kathleen Cavanaugh, Elizabeth Chadwick, Donna R. Cline, Karen Corteen, Andrew Dahdal, Teresa Dagenhardt, Luigi Daniele, Alessandro De Giorgi, Paul de Waart, Gabriele della Morte, Max du Plessis, Noura Erakat, Mohammad Fadel, Mireille Fanon-Mendés France, Michelle Farrell, Daniel Feierstein, Eleonor Fernández Muñoz, J. Tenny Fernando, Amelia Festa, Katherine Franke, Jacques Gaillot, Katherine Gallagher, Avo Sevag Garabet, Jose Garcia Anon, Irene Gasparini, Stratos Georgoulas, Haluk Gerger, Hedda Giersten, Javier Giraldo, Carmen G. Gonzales, Penny Green, Katy Hayward, Andrew Henley, Christiane Hessel, Paddy Hillyard, Ata Hindi, François Houtart, Deena R. Hurwitz, Perfecto Andrés Ibánes, Franco Ippolito, Ruth Jamieson, Helen Jarvis, Ioannis Kalpouzos, Victor Kattan, Michael Kearney, Yousuf Syed Khan, Tarik Kochi, Anna Koppel, Karim Lahidji, Giulia Lanza, Daniel Machover, Tayyab Mahmud, Maria C. LaHood, Louise Mallinder, Triestino Mariniello, Mazen Masri, Siobhan McAlister, Liam McCann, Jude McCulloch, Yvonne McDermott Rees, Cahal McLaughlin, Araks Melkonyan, Antonio Menna, Naomi Mezey, Michele Miravalle, Sergio Moccia, Kerry Moore, Giuseppe Mosconi, Usha Natarajan, Miren Odriozola Gurrutxaga, Georgios Papanicolaou, Marco Pertile, Andreas Philippopoulos-Mihalopoulos, Antoni Pigrau Solé, Joseph Powderly, Tony Platt, Scott Poynting, Chris Powell, Bill Quigley, John Quigley, Zouhair Racheha, Laura Raymond, Véronique Rocheleau-Brosseau, David Rodríguez Goyes, Alessandro Rosanò, Jamil Salem, Mahmood Salimi, Nahed Samour, Iain GM Scobbie, David Scott, Phil Scraton, Rachel Seoighe, Tanya Serisier, Mohammad Shahabuddin, Dean Spade, Per Stadig, Chantal Thomas, Kendall Thomas, Gianni Tognoni, Steve Tombs, Paul Troop, Valeria Verdolini, Francesca Vianello, Aimilia Voulvouli, Namita Wahi, Sharon Weill, Peter Weiss, David Whyte, Jeanne M. Woods, William Thomas Worster, Maung Zarni
Mediapart

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