jeudi 2 juillet 2015

Le malaise des binationaux : « la France n’assume pas sa mixité »

Les grands événements sportifs fédèrent toutes les nationalités. Aperçu, lors de la finale de la Coupe du monde de 2006.  PHOTO ARCHIVES LUDOVIC MAILLARD
Un matin, place de la Fosse aux Chênes à Roubaix. Trois jeunes sortent d’un commerce, un chocolat chaud à la main. Karim, Nadir et Brahim ont passé la vingtaine. Depuis qu’ils ont arrêté l’école, ils se retrouvent chaque jour au pied des immeubles. Sorte de rituel. Contrairement à leurs parents, ils sont nés en France. Pourtant, à l’image du joueur de football Sofiane Feghouli, ils ne se sentent pas pleinement intégrés dans la société. « Régulièrement, on nous rappelle qu’on n’est pas de vrais Français, par une remarque ou un regard  », commence Karim. Depuis les attentats des 7, 8 et 9 janvier, tous sentent une tension. «  Il y a un après Charlie Hebdo . Les contrôles de police sont plus fréquents. On nous prend pour des braqueurs ou des terroristes en puissance. Les gens regardent trop de films !  », regrette Nadir.

Roubaix-Tourcoing : une difficulté de plus

Au cours de la discussion, le groupe va s’étoffer jusqu’à réunir une petite dizaine de personnes. Tous partagent le même ressenti : la double nationalité n’ouvre pas de porte surtout quand elle se voit. «  Pour trouver un job, on doit en faire deux fois plus que les autres  », explique Nadir. «  Trois fois plus, quand tu habites Roubaix-Tourcoing  », ajoute Karim. Génération «  sacrifiée  », «  perdue », leurs mots sont durs. «  La France n’assume pas sa mixité.  »
Aborder la question de la double nationalité dérange. «  Allez voir ailleurs, il y aura peut-être de vrais Français pour répondre  », nous assène-t-on en entrant dans un café tourquennois. Sur la Grand-Place la discussion s’engage plus facilement. Autour d’un café, Belkacem, 45 ans, évoque cette différence. «  On sent qu’il y a un petit quelque chose qui cloche quand on parle avec les gens. On ne nous dit rien, mais ça se sent  », explique le maçon, installé à Tourcoing depuis 20 ans. Diffus, le malaise est tenace. «  On n’est jamais à 100 % égaux  », assure Kamel, Algérien qui vit à Roubaix depuis 10 ans. Ici, on est mieux reçu qu’ailleurs en France, mais il y a toujours quelqu’un pour te dire de rentrer chez toi .  » Autrement dit, au Maghreb.

« On est entre deux »

Une idée improbable pour Mossa, franco-algérien de 40 ans. «  On vit depuis si longtemps en France qu’on n’est plus que de passage en Algérie. On est entre deux. Ce n’est pas évident.  » À la table voisine, Ali, 22 ans, Tunisien, a fui la révolution pour gagner la France en 2011. Depuis, il subit une autre forme de discrimination : «  entre ceux nés en France et ceux nés de l’autre côté de la Méditerranée.  »

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