mercredi 9 novembre 2011


Déclassement, déception et désespoir !


Désenchantement - On parle de plus en plus de clochardisation d’une élite que tout le monde destinait à un avenir des plus radieux.
Désespéré, Aïssa ? «Non, mais nous nous posons des tas de questions. Nous sommes moins motivés. Nous nous demandons ce que nous valons vraiment, puisque nous sommes constamment déclassés... Vous savez, pour arrondir mes fins de mois, je fais taxi clandestin en soirée, et je m’investis dans le club sportif de ma commune, ainsi que dans une association caritative», confie-t-il. «J’essaie néanmoins de relativiser. J’ai, toutefois, compris beaucoup de choses sur la nouvelle organisation de l’entreprise en Algérie, contre laquelle nous ne pouvons rien. Il faut maintenant rebondir, mais ce n’est pas facile. «Notre interlocuteur souhaite participer à des rencontres pour sensibiliser les patrons des entreprises sur le statut du cadre algérien… Mais cette fois-ci, il reste sur ses gardes.
Et il est inquiet. «Je redoute de voir l’entreprise algérienne perdre son rôle d’intégration sociale. Je crois que c’est très grave pour la société tout entière», analyse-t-il. Il explique aussi qu’il ne s’agit pas d’une revendication corporatiste, mais d’une préoccupation identitaire et surtout d’une crise grave du rapport des cadres et des élites au libéralisme. Comme dans toutes les crises, le recours est parfois judiciaire. «Souvent même.»
Les tribunaux sont devenus un lieu de refuge pour tous les cadres en mal de reconnaissance. «C’est désormais devant la justice que cette population fait reconnaître la qualité de son travail», reconnaît un inspecteur du travail. «Tout se passe comme si le juge, en donnant raison au salarié, louait ses compétences.
Au tribunal, l’employeur et le cadre sont en conflit le plus souvent, car le cadre se voit attribuer des fautes qu’il estime ne pas avoir commises», explique un conseiller au ministère de la Justice. Pour lui, aucun doute ! La hausse exponentielle des recours devant la justice est le signe avant-coureur d’une radicalisation, d’un mécontentement qui gronde. «Les cols blancs se rebiffent et sont devenus gris», prévient-il. Les chiffres semblent d’ailleurs lui donner raison. Rien que pour la wilaya d’Alger, on est passé de 3 575 recours en 2008 à 5 460 en 2010, soit 65% d’augmentation en deux années.
L’Acam et ses adhérents partagent le sentiment que «le cadre n’a effectivement plus d’état d’âme pour aller au tribunal ; et je serais tenté de dire : pourquoi en aurait-il ?», affirme le président de cette association. Tout comme son vice-président, El-Hachemi Bessaha, qui croit mordicus en la mobilisation des cadres moyens aux côtés des autres salariés. «Le ras-le-bol est tel que je crois que les cadres pourraient se joindre à des mobilisations syndicales», dit-il.
Optimiste ? «Sans aucun doute», répond le président de l’Acam. En majorité, les cadres pensent que les syndicats ne sont pas conscients de leur souffrance quotidienne. Pourtant, il est désormais acquis que les cadres moyens n’accepteront plus n’importe quoi de leurs différents employeurs. «Ils sont devenus des salariés comme les autres. Ils sont victimes de la mondialisation et de son ajustement en termes d’organisation de travail», confirme le vice-président de l’Acam. Et comme tous les salariés, il s’interroge : «Jusqu’où ira-t-on dans le libéralisme ?».

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