mardi 8 janvier 2013

Comment l'Etat peut-il combattre le chômage? Les emplois d'avenir, une recette qui n'a pas fait ses preuves

Si la hausse s'atténue un peu par rapport à octobre, elle n'empêche pas le nombre de chômeurs d'approcher son record historique.



Les emplois aidés sont-ils la panacée pour lutter contre le chômage des jeunes ? Telle semble être la conviction du gouvernement Ayrault, qui propose comme mesure phare la création de 150 000 emplois d'avenir d'ici à 2014 à destination des jeunes peu diplômés des quartiers défavorisés.

Des emplois essentiellement subventionnés dans le secteur public et semi-public, avec une aide de l'Etat représentant 75 % du smic (35 % dans le secteur marchand). Cette mesure semble pourtant à bien des égards dérisoire face à l'immense gâchis du chômage qui atteint près du quart des jeunes de 15 à 24 ans. Pire, il s'agit d'une vieille recette qui a montré son inefficacité par le passé pour réinsérer durablement les jeunes sur le marché du travail.
Le candidat Hollande avait pourtant mis au coeur de sa campagne présidentielle cette jeunesse sans diplôme et sans emploi. Chaque année, 120 000 jeunes sortent non diplômés du système scolaire, avec, pour seul horizon, celui de la précarité.
Les jeunes non qualifiés constituent l'essentiel du bataillon des chômeurs : leur taux de chômage est jusqu'à 16 points supérieur au taux moyen de chômage des jeunes. Lorsqu'ils ne sont pas au chômage, ils enchaînent intérim et contrats à durée déterminée sans jamais réussir à se stabiliser sur le marché de l'emploi.
TAUX DE CHÔMAGE SUPÉRIEURS À LA MOYENNE EUROPÉENNE
Exclus du marché du travail, sans représentation politique, ils sont en outre privés de l'essentiel de la protection sociale.
Cette mesure révèle l'aveuglement des pouvoirs publics face aux échecs des politiques passées, et leur peu de cas de l'évaluation des politiques publiques. Cela fait plus de trois décennies que la jeunesse française souffre de taux de chômage supérieurs à la moyenne européenne. Et que les gouvernants de tous bords usent les mêmes recettes inefficaces.
Après les travaux d'utilité collective, contrat emploi-solidarité, contrat d'avenir, contrat d'accompagnement dans l'emploi... voici maintenant les emplois d'avenir.
Toutes les évaluations montrent pourtant que ces emplois n'offrent pas d'avenir. C'est la conclusion de John Martin, directeur de la division "emploi" de l'Organisation de coopération et de développement économiques, dans une synthèse des politiques de l'emploi en France et à l'étranger : les emplois subventionnés dans le secteur non marchand ne permettent pas aux jeunes bénéficiaires de s'insérer durablement sur le marché du travail.
Pire, les bénéficiaires de certains programmes subventionnés peuvent avoirmoins de chances d'insertion stable sur le marché du travail qu'en l'absence d'emplois aidés. Ce même constat d'échec a déjà été fait par des institutions aussi diverses que la Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques ou la Cour des comptes.
EFFET STIGMATISANT
Les raisons de cet échec sont nombreuses : les qualifications acquises sont faibles et ne correspondent pas aux attentes du marché du travail, les jeunes cessent leur recherche active d'emploi ou de formation ambitieuse, et le secteur associatif ou public ne maintient en poste ces nouvelles recrues que le temps de la subvention. Il se pourrait même que ces emplois aient un effet stigmatisant, lesentreprises redoutant que les jeunes passés par ce type de programme aient plus de difficulté que les autres.
Quel pourrait être un programme ambitieux pour cette jeunesse ? A très court terme, les leviers d'action les plus efficaces sont l'allégement des charges sur les jeunes au niveau du smic, un accompagnement renforcé dans la recherche d'emploi, et une formation assidue pour les décrocheurs.
Malgré les effets pervers sur la compression des salaires, les plans de type "zéro charge" permettent de préserver les emplois occupés par des jeunes dont les qualifications et la productivité sont insuffisantes par rapport au smic. Les emplois aidés peuvent apporter un complément, mais seulement s'ils se concentrent dans le secteur marchand où ils offrent une formation en adéquation avec les attentes des entreprises.
L'accompagnement et la formation intensive des jeunes chômeurs non qualifiés sont le deuxième levier essentiel. C'est la leçon du Danemark qui a réussi à éradiquer de façon importante le chômage des jeunes. Tout jeune Danois, qui est non-qualifié et au chômage depuis trois mois, doit suivre une formation qualifiante d'une année et demie, en contrepartie de l'accès aux allocations chômage.
DÉVELOPPER LA CONFIANCE EN SOI
Par ailleurs, l'information sur tous les jeunes décrocheurs est centralisée pour qu'ils soient pris en charge le plus rapidement possible. La France est très loin d'un tel service d'accompagnement : seul un jeune chômeur sur dix a au moins un entretien par mois pour l'accompagner dans sa recherche d'emploi.
Naturellement, à moyen terme, on ne saurait se satisfaire de soigner les conséquences sans s'attaquer aux causes de l'absence de qualification des jeunes. Les expériences étrangères montrent que l'une des clés du décrochage scolaire est l'absence d'acquisition de compétences sociales (estime de soi, autonomie, capacité de dialogue avec les autres...).
Ces compétences sociales, ou non cognitives, expliquent même davantage l'insertion sur le marché du travail que les compétences scolaires des jeunes qui ont grandi dans des milieux défavorisés, comme le montrent de nombreuses expériences aux Etats-Unis ou au Québec. Développer la confiance en soi chez les jeunes dès le plus jeune âge, voilà un contrat de confiance, un contrat d'avenir!
Le monde

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