jeudi 8 janvier 2015

La France en deuil

Pas de mauvaise blague, en ce jour noir où les locaux de Charlie Hebdo ont été attaqués par trois hommes armés, tuant au moins 12 personnes dans la rédaction. Pas de « où est Charlie ? ». Impensable, mais pourtant possible. La France regarde chancelante la large blessure infligée à sa fille liberté et tressaille devant le sang qui en coule. Elle revêt ce soir son étoffe funèbre.

Charlie Hebdo jouait avec le feu, diront les mauvaises langues, mais avec le feu d'une allumette : ses journalistes pouvaient craindre de légères représailles, mais pas pour leur propre vie. Parce qu'en France on ne meurt pas pour des mots ou des dessins. Parce qu'en France depuis longtemps on ne paie plus de sa vie pour de vulgaires plaisanteries. Insulter Allah, Dieu, Yahvé ou je ne sais quel entité transcendante n'est pas un crime répréhensible. Du moins par la justice. Tout au plus pouvaient-ils recevoir une sévère amende, pas des balles de kalachnikov. Peu importe après tout la nature polémique du journal, les premières pages teintés d'humour noir, les blagues qui gênent et vous font sourciller, on ne meurt pas pour des mots ou des dessins dans ce pays.

Contre qui s'emporter, si ce n'est contre ces prétendus séides d'Al-Qaida (leur affiliation au groupe terroriste n'est même pas encore prouvée), cette voiture aussi noire que ce jour qui a filé pour échapper à son jugement, ou ces coups de feu fracassants qui ont empli la rue Nicolas Apert, le XIe arrondissement et secoué tout un pays ? Il n'y a rien pour se défouler. Trois hommes seulement, c'est peu pour déverser sa rancœur. On évitera bien sûr une trop facile généralisation à la communauté musulmane, première victime de ce genre d'attentat perpétré au nom de ses croyances. Mais ça, c'est une évidence.

Cette mort est injuste, mais au-delà de l'horreur, elle est peut-être belle. Mourir avec ses convictions, la main sur le cœur, a quelque chose d'héroïque et d'enviable à certains égards. Les martyrs sont aimés. C'est bien là la seul lueur qu'on apercevra en cette journée de deuil, qui risque d'être longue. La blessure aura bien du mal à cicatriser.
Mediapart

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