vendredi 11 avril 2014

Algérie/élection présidentielle : les 15 axes stratégiques qui engagent l’avenir entre 2014 et 2020

Loin de la mentalité rentière (distribuer la rente pour apaiser transitoirement le front social), les véritables enjeux commenceront après le 15 avril 2014, car, quel que soit le président ou le gouvernement, l’Algérie devra faire face aux véritables problèmes dont la résolution impliquera, avec l’amenuisement des recettes d’hydrocarbures, de profonds ajustements politiques, économiques et sociaux. Or la majorité des candidats n’abordent pas ou très superficiellement les problèmes fondamentaux interdépendants qui engagent l’avenir tant de la société que de l’économie algérienne entre 2014 et 2020, que je recense au nombre de quinze.

Voici 15 axes stratégiques qui engagent l’Algérie sur la période 2014-2020.

1. Aborder, sans tabou et sans verser dans des attaques et analyses pernicieuses comme dans tous les pays démocratiques, le rôle de l’armée et des services de sécurité dans un État de droit ;

2. La réforme de l’école, qui s’est bureaucratisée, la dominance de la quantité au détriment de la qualité, mère de toutes les réformes, ayant des implications pas seulement économiques mais culturelles et politiques afin de façonner le citoyen algérien de demain, qui connaît une baisse alarmante du niveau du primaire au supérieur en passant par la formation professionnelle et posant la problématique de la maîtrise des nouvelles technologies ; 

3. En se focalisant sur la révision de la Constitution, l’Algérie dispose des meilleures lois du monde mais rarement appliquées, la mise en place opérationnelle de la bonne gouvernance, impliquant la refonte de l’État basé non sur des relations personnalisées mais sur un État de droit, l’indépendance réelle de la justice, le rôle des médias pour plus d’espaces de liberté, la lutte contre la corruption qui détruit la cohésion du tissu social et fait fuir les investisseurs potentiels et donc la mise en place d’institutions, s’adaptant tant aux mutations mondiales que locales tenant compte des anthropologies culturelles ;

4. Les impacts de la mondialisation, de la crise mondiale, les enjeux géostratégiques mondiaux dont le Sahel, l’intégration du Grand Maghreb et plus généralement de l’Afrique du Nord, pont entre l’Europe et l’Afrique, à enjeux multiples dont les avantages comparatifs de notre pays à terme devant s’inscrire dans cet espace euro-méditerranéen et euro-africain.
 
5. Les implications stratégiques de l’Accord d’association qui lie l’Algérie à l’Europe applicable depuis le 1er septembre 2005, l’Algérie ayant eu un répit de trois années, le tarif douanier zéro étant prévu en 2020. Comment donc mettre en place des entreprises compétitives en termes de coût/qualité à cet horizon ? Il en est de même de l’Accord futur qui sera encore plus contraignant de l’adhésion de l’Algérie à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) qui interdit tout monopole et toute dualité des prix, notamment de l’énergie.

6. Le futur rôle de l’État, loin du système centralisé jacobin, afin de réaliser une transition vers une économie de marché à finalité sociale, doit concilier efficacité et une profonde justice sociale ; 

7. Le problème de la régionalisation économique à ne pas confondre avec le régionalisme renforçant la symbiose État-citoyens à travers l’implication des collectivités locales, promettant toujours plus de dépenses publiques, notamment à travers la création de nouvelles wilayas avec de nouveaux fonctionnaires alors qu’il s’agit de réaliser un regroupement autour de grands espaces économiques dont le noyau est composé de centres de formation professionnelle et d’universités régionales se fondant sur des pôles d’excellence ; 

8. Le fondement du système bureaucratique qui produit la sphère informelle qui occupe plus de 50% de la superficie économique et plus de 52% d’emploi fonctionnant dans un État de non-droit, renvoyant au point précédent ; 

9. La gestion transparente de la rente de Sonatrach, pilier de l’économie nationale, devant autonomiser la rente des hydrocarbures, propriété de toute la collectivité nationale, le niveau des réserves des fossiles classiques, un débat serein national sur les subventions, sur l’avenir du pétrole/gaz de schiste et des énergies renouvelables et la transparence tant du placement à l’étranger que de la gestion des réserves de change ; 
 
10. En l’absence d’une véritable politique salariale, qu’il faut différencier des traitements, le problème du marché du travail conciliant flexibilité, efficacité et notamment du danger des sureffectifs de la fonction publique (plus de 2,1 millions en janvier 2014), où l’on ne résout pas les problèmes de l’emploi par l’administration ou des emplois rentes fictifs ; 

11. Lié à l’amélioration du système de santé dont les hôpitaux connaissent une gestion défectueuse, malgré les compétences, l’assainissement des caisses de retraite qui doivent être gérées dans la transparence loin du syndicat unique, qui risquent l’implosion en cas de chute du cours des hydrocarbures devant combiner les systèmes de répartition et de capitalisation; 

12. La dynamisation de la Bourse des valeurs en léthargie depuis des décennies, la réforme du système financier, les banques publiques accaparant plus de 90% en 2013 du crédit total octroyé se cantonnant dans le rôle de guichets administratifs ;

13. L’épineux problème du foncier que l’on livre à des prix exorbitants et souvent sans les commodités ; pourquoi le non-attrait de l’investissement direct étranger hors hydrocarbures et la règle contraignante des 49/51% que l’on généralise aux secteurs stratégiques et non stratégiques ? 

14.Comme si c’était un péché originel, en l’absence d’une économie de marché spécifique qui est caractérisée par la dominance du secteur privé productif, le secteur d’État devant évoluer dans un cadre concurrentiel, aucun candidat n’aborde franchement un programme daté de la démonopolisation et de la privatisation, processus complémentaire permettant la transition vers l’économie de marché et la croissance économique conciliant efficacité économique et une profonde justice sociale. 

15. L’avenir du pouvoir d’achat des Algériens lié à la maîtrise de l’inflation compressée artificiellement par les subventions, dont 70% dépendent de la rente des hydrocarbures. Les taux d’intérêt bonifiés dans ce secteur qui tendent à se généraliser ne peuvent continuer que si le cours des hydrocarbures se maintiennent à un niveau élevé , l’Algérie de 2010/2014 fonctionnant sur la base d’un cours du baril supérieur à 100/110 dollars - sinon l’on risque de se retrouver avec une bulle immobilière comparable à celle des États-Unis, car les emprunteurs ne pouvant pas rembourser à la fois la fraction du capital et les intérêts composés en cas de chute du cours des hydrocarbures avec des risques de faillite des banques primaires.

En résumé, la population algérienne désabusée, avec une jeunesse consciente, ne croit plus en des discours démagogiques et des promesses sans lendemain. C’est faute de confiance en l’avenir, du divorce croissant entre État et citoyens que tous les segments de la société veulent leur part de rente et immédiatement, quitte à conduire le pays au suicide collectif. Or, l’Algérie entre 2017 et 2025 connaîtra certainement des tensions budgétaires.
 
L’Algérie est à la croisée des chemins avec tous les scénarios possibles. Le dépassement de la crise systémique impliquera une moralité sans faille de ceux qui auront à gérer la Cité, donc l’instauration d’un État de droit ( indépendance de la justice et adaptation du cadre juridique par rapport aux réalités locales et mondiales) et donc une nouvelle gouvernance, devant distinguer la stabilité dynamique avec l’implication des citoyens par la démocratie, de la stabilité statique source d‘immobilisme pouvant conduire à la déflagration sociale. La stabilité, préservant des intérêts étroits de la rente d’une minorité, ne saurait signifier statu quo pouvant conduire à une déflagration sociale à terme.

Sans démocratie, un État de droit et le retour à la confiance, il ne peut y avoir de développent en ce monde turbulent et en perpétuelle évolution où toute nation qui n’avance pas recule, devant différencier stabilité statique, source de statu quo pour préserver les intérêts étroits d’une minorité, et stabilité dynamique facteur de progrès économique et social qui implique de profondes réformes macro-économiques et institutionnelles impliquant un profond réaménagement des structures du pouvoir algérien. 

Les Afrique

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