mardi 27 mai 2014

Soixante ans après Bandung, la coopération Sud-Sud tente de rééquilibrer les échanges mondiaux

Soixante ans après Bandung, la coopération Sud-Sud tente de rééquilibrer les échanges mondiaux

La coopération économique entre les pays du Sud évoluait timidement depuis la conférence de Bandung en 1955. Mais avec la montée en puissance de pays émergents ces dernières années, cette coopération tente de rééquilibrer les relations traditionnelles avec le Nord, estiment des observateurs.
Après avoir été considérés pendant longtemps comme étant les plus faibles contributeurs aux échanges mondiaux, les pays en développement, et notamment ceux émergents, sont devenus des acteurs principaux de l’économie mondiale.
Ainsi, le poids des pays riches qui était de 60% du PIB mondial au début du siècle ne représenterait plus que 43% de la richesse mondiale en 2030, note les experts du bureau pour l’Afrique du Nord de la CEA (Commission économique des Nations unies pour l’Afrique).
Les pays en développement, ou les pays du Sud, représentent désormais, en parité de pouvoir d’achat, plus de la moitié du PIB mondial.
En 2010, pour la première fois, la part des économies en développement dans les investissements directs étrangers (IDE) a rattrapé celle des économies développées.
La CEA souligne à ce titre "une prise de conscience croissante que les pays pauvres pourraient trouver des solutions appropriées, à faible coût et durables à leurs problèmes dans d’autres pays en développement plutôt que dans les pays riches du Nord". Car pour les pays du Sud, la coopération avec le Nord a maintenu un schéma de spécialisation traditionnel qui gardait la valeur ajoutée tirée de la transformation des matières premières pour le Nord.
La coopération Sud-sud permet également aux pays du Sud, dont l’Afrique, d’influer sur les négociations mondiales tant au niveau politique qu’économique, et ce, à travers des groupes de négociations plus ou moins forts, note la commission de l’ONU.
Les BRICS: un modèle à suivre
Le commerce Sud-Sud a, de son côté, progressé de 12% par an en moyenne, entre 1996 et 2009, soit 50% de plus que les échanges Nord-Sud.  Selon une étude de la CEA publiée en 2013, la position économique, politique et stratégique qu'occupent les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) à l'échelle mondiale, par exemple, est révélatrice du potentiel de la coopération Sud-Sud.
Ces pays représentent à eux seuls 40% de la population mondiale, plus d'un cinquième de la production mondiale et près d'un cinquième du volume des échanges commerciaux et des flux des IDE au monde.
L’Afrique a vu ses échanges commerciaux avec ce bloc doubler en cinq ans pour s'établir à 340 milliards (mds) de dollars en 2012 et devraient atteindre 500 mds usd en 2015.
Pour l’Algérie, la Chine, avec des exportations de 6,82 mds de dollars en 2013, a devancé pour première fois la France qui occupait la tête du classement des principaux fournisseurs du pays pendant des années. Cependant, la question stratégique reste de savoir si les économies émergentes joueront ou non un rôle de relais de la croissance dans ces pays, s’interrogent certains experts.
Intégration Sud-sud: encore  beaucoup d’obstacles
L’économiste à l’Institut de relations internationales et stratégiques (France) Philippe Hugon observe des tendances contrastées.  Dans les secteurs du bois ou des mines, où la Chine est fortement importatrice, les investisseurs dans les pays en développement se retirent et les exportations vers la Chine ralentissent nettement, fait-il remarquer.
Les économistes estiment qu’une croissance à deux chiffres de la Chine assurerait une croissance africaine de 6% en raison du poids de la demande chinoise en matières premières. En revanche, dans les secteurs du pétrole, du bâtiment et des travaux publics, des stratégies plus offensives apparaissent et les opérateurs des pays émergents tendent à prendre des places délaissées par les Occidentaux, note le même expert.
Cependant, éviter tout "amalgame" entre la réussite de la Chine et de l’Inde et l’essor des pays du Sud est de mise, souligne par ailleurs une récente étude du Centre de commerce international (ITC-Genève).
La croissance économique enregistrée dans nombreux pays moins développés ces dernières années a surtout reposé sur la simple hausse du prix des produits de base et non pas sur  l’accroissement de la capacité de production, souligne l’étude.
Les pays en développement produisent surtout des biens similaires, matières premières et produits de base, et n’ont donc pas grand-chose à offrir, estime l’ITC.
En plus, des exportateurs du Sud préfèrent encore les marchés traditionnels du Nord, pourtant très compétitifs, au moment où le commerce Sud-Sud peut  leur offrir des opportunités immédiates d’exportation à une échelle plus facile à gérer, observe-t-il.
Mais les barrières commerciales, beaucoup plus élevées que dans les pays développés, ainsi que les faiblesses de l’infrastructure physique et institutionnelle constituent encore de sérieux obstacles pour le développement de la coopération Sud-Sud, regrette l’ITC.
A la veille de la 17e conférence ministérielle du MNA (mouvement des pays non alignés), qui se tiendra à Alger du 26 au 29 mai, la levée de tous les obstacles pouvant entraver l’émergence d’une intégration économique Sud-sud concrète et bénéfique s’avère ainsi le principal challenge à relever par ces pays.

APS

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