lundi 31 janvier 2011

ALORS QUE L'ETAT A ENGAGÉ UN PLAN DE DÉVELOPPEMENT DOTÉ DE 286 MILLIARDS DE DOLLARS
Les institutions peinent à communiquer sur leurs actions

Alors que des milliards de dollars sont investis annuellement pour améliorer les performances de l'économie et répondre aux préoccupations sociales des citoyens, l'Algérie donne l'illusion d'un pays figé, qui peine à opérer son décollage économique. Cette image, répercutée à l'envi par les médias étrangers, relance le débat sur la communication institutionnelle qu'il est grand temps de réformer.
Importations massives de céréales et de produits alimentaires, instructions aux entreprises d'ouvrir de nouveaux postes de travail, réactivation de l'opération 100 locaux par commune, «permanisation» de travailleurs contractuels, application moins rigoureuse du code de la route, la panoplie de mesures prises par le gouvernement en vue d’atténuer les tensions sociales ne fait que s'allonger.
Mais, chaque ministre se croyant obligé de «mieux dire» que ses collègues, les Algériens ont eu droit à une véritable avalanche de bonnes nouvelles censées les rassurer sur la volonté de leurs dirigeants de prendre à bras le corps les principaux problèmes auxquels ils font face dans leur vécu quotidien.
Or, à bien y réfléchir, ce flot d'informations rassurantes n'apporte rien de vraiment nouveau du moment que toutes les actions promises par ces décideurs sont déjà inscrites dans le vaste programme de développement quinquennal pour lequel l'Algérie a engagé plus de 286 milliards de dollars.
L'on sait, en effet, que les actions prioritaires du gouvernement s'articulent, essentiellement, autour de la satisfaction des besoins sociaux, à travers la réalisation d'un ensemble de projets structurants, d'abord pour  asseoir les bases d'un véritable décollage économique du pays, ensuite pour répondre à une demande sociale de plus en plus forte exprimée par une population en perpétuel accroissement.

«286 milliards pour le développement, aucun centime pour la communication»
La faille est, sans conteste, dans la manière de communiquer des institutions étatiques dont le gouvernement. En fait, explique le Pr Youcef Aggoun, spécialiste en sciences de la communication, «sur le budget dégagé pour la réalisation du plan quinquennal 2010-2014, il n'y a aucun centime qui a été dégagé pour la communication, c'est-à-dire qu'il n'existe pas de chapitre consacré à la communication du plan, alors que toutes les actions de développement en découlent».
Le Pr Aggoun se dit étonné de cette lacune, considérant que la communication sectorielle ne permet pas d'apprécier à sa juste dimension un plan aussi grandiose, qui plus est doté d'un budget de plus de 286 milliards de dollars. «De mon point de vue, un tel projet (le plan, ndlr) exige la mise sur pied d'une agence de communication spécialisée», précise-t-il,  recommandant de prendre exemple sur l'agence installée par le ministère de la Culture pour la gestion des grands projets culturels.
«Parce qu'il est structurant et que ses impacts sont immenses sur la vie économique, sociale et culturelle du pays, le plan 2010-2014 mérite qu'il soit médiatisé de façon structurée, organisée et coordonnée», ajoute notre interlocuteur qui souhaite une meilleure cohérence dans la façon de communiquer des institutions publiques. «Ce ne sont pas les actions qui manquent, dit-il, c'est la communication qui ne suit pas», précise le Pr Aggoun, qui relève que la multiplicité d'intervenants dans ce domaine n'est pas pour clarifier ces actions.
Les spécialistes de la communication, dit-il, ont constaté cette lacune qui fait que chacun communique pour soi alors que la logique veut qu'il y ait «une stratégie de communication d'Etat».

Paupérisation de l'information
«C'est pour cette raison qu'on assiste parfois à une cacophonie, parfois à un silence, parfois il y a du bruit, et cette démarche a de quoi dérouter les observateurs car elle n'est pas conventionnelle du point de vue des spécialistes de la communication», indique notre interlocuteur qui estime urgent de désigner une structure gouvernementale dont la mission est de gérer la communication «hors du secteur de la communication».
Certes, relève notre interlocuteur, les ministères disposent de structures chargées de communiquer sur l'activité de leur secteur, mais leurs actions de communication demeurent très limitées et qui plus est contrariées par le phénomène de rétention de l'information. «Mais ceci est un autre débat», s'accorde-t-il, expliquant que l'on constate de nos jours une baisse de la qualité de l'information par rapport aux décennies écoulées et ce, en dépit du développement spectaculaire des moyens de communication modernes.
«Il faut réhabiliter la fonction communication», indique le Pr Aggoun qui relève que, «paradoxalement, au moment où les outils de communication se développent, les nôtres ne sont pas au diapason». Il estime que «nos institutions doivent rattraper ce retard rapidement pour faire face à toutes les formes de communication», cette question ne tenant qu'à un effort d'organisation et de moyens.
Questionné sur le contenu des médias nationaux, le Pr Aggoun estime qu'il y a perte de la qualité de l'information,  cause de l'indigence de la communication institutionnelle.
«Parce qu'on ne distribue plus aux journalistes de dossiers de presse, de communiqués et de données écrites, on assiste souvent à des prises de bec entre journalistes et responsables, à des procès en diffamation, sinon à des mises au point et autres précisions qui décrédibilisent les deux protagonistes», fait-il remarquer, appelant à une réforme profonde de la communication institutionnelle «si l'on veut aller vers des institutions modernes».
Ali Laïb

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