samedi 6 décembre 2014

Sammy Oussedik. Expert financier : «Personne ne donne rien gratuitement»

Sammy Oussedik


Sammy Oussedik a été fondateur et président de la première banque d’affaires en Algérie en 2000, Algiers Investment Partnership (AIP). Il est  expert auprès du Conseil français des investisseurs en Afrique, président du cercle de réflexion, Cercle Ptolémée.
-Le partenariat industriel avec la France est-il gagnant-gagnant ?
Il faut savoir d’où parle-t-on et de quoi on parle. L’Algérie est aujourd’hui marginalement insérée dans la mondialisation. Mono-exportatrice d’hydrocarbures, elle est à la marge dans la mondialisation en cours. La part de l’activité industrielle dans le PIB de l’Algérie se situe entre 4 et 5%. La France, dont l’industrie est en crise, est elle à 14-15%. Tel est l’état des lieux que l’on peut dresser. Aussi, lorsque l’on a une industrie qui «pèse» seulement 4% du PIB national, toute possibilité d’insertion dans une chaîne de production de valeurs internationales est la bienvenue. Gardons à l’esprit que les relations internationales sont régies par des rapports de force, personne ne donne rien gratuitement.
Aussi, à nous de valoriser nos atouts (énergie, taille du marché, proximité géographique…) et de négocier au mieux ce partenariat. D’autant que le contexte actuel, avec la crise durable qui sévit, en particulièrement en Europe, et notre relative assise financière (qui, elle, ne va pas durer) est favorable. Je voudrais ajouter que le monde a changé, les rencontres ministérielles ne suffisent plus à garantir le succès de ce genre de partenariats. Concrètement, cela veut dire qu’il convient de mettre au cœur de la démarche nos entreprises et nos managers. Parler entreprises et projets. A nous de le comprendre et d’agir en conséquence. Enfin, tout discours sur le partenariat doit se traduire rapidement par des projets concrets sinon il s’agira, encore une fois, d’une occasion manquée.
-Faut-il considérer la colocalisation comme  une  chance  pour l’Algérie ?
C’est un levier et une affaire d’opportunité. Levier, car s’insérer dans un processus de coproduction peut être un moyen de booster nos grosses PME, de les rendre plus efficaces et d’améliorer leur compétitivité. De repositionner, à terme, notre économie. J’utilise également le terme d’opportunité, car il renvoie à la capacité de pouvoir agir et réagir rapidement. Or ce qui caractérise notre système, que j’appelle la «matrice», c’est l’inertie.C’est pourquoi aller vers la colocalisation va demander de revoir nos habitudes et nos mentalités. Etre en mouvement dans un monde qui accélère. Il convient aussi de ne pas perdre de vue que de nombreux obstacles en interne se dressent devant cette volonté de mouvement. La partie corrompue de la bureaucratie, les lobbys liés aux importations ou encore le pouvoir de l’informel sont de puissantes forces qui vivent tout changement comme une atteinte à leurs intérêts. D’elles, nous ne pouvons attendre qu’une résistance acharnée.
-Vous êtes l’auteur du Rapport «Reset Algeria», une note rédigée à la veille de  l’élection présidentielle de mars 2014, dans laquelle vous préconisez «une perspective», «une vision», une «dynamique» nouvelle.
En effet, à travers cette note, que j’ai nommée «Reset Algeria» pour mieux insister sur la notion de remise à zéro, de nouveau départ,  je pose comme postulat le fait qu’il convient de rompre avec les pratiques, les logiques et les hommes du passé. C’est-à-dire de remettre au niveau des standards internationaux l’économie nationale, de réhabiliter la production, de mettre fin à une redistribution inefficace, voire perverse, de la rente, et enfin de réduire la corruption qui apparaît dans bien des cas comme un mode de redistribution et de régulation sociale. Mais aussi aller vers un renouvellement des élites politiques, économiques et administratives en y injectant plus de jeunesse, de compétences et d’expérience internationale.
J’ajoute enfin qu’une simple réforme de la gouvernance souvent évoquée ne serait pas suffisante, la réponse devrait être politique et s’accompagner d’un réel projet mobilisateur et multidimensionnel, notamment en direction de la jeunesse.J’écris également dans ce document que la fenêtre d’opportunité, afin d’amorcer une nouvelle donne, était d’environ 24 mois. Neuf mois se sont déjà écoulés, hélas, sans changement notable. J’y prévois et anticipe la chute de nos recettes d’exportation et notre retour, à moyen terme, sur le marché international des capitaux. Hélas, ces prévisions commencent à s’avérer exactes.
Je fais un point sur les mesures économiques les plus urgentes à mettre en place, tout en soulignant que l’essentiel réside dans la méthodologie et les valeurs qui fonderaient ce programme. En un mot, cohérence et efficience devraient être les maîtres mots d’une autre politique.Enfin, j’introduis, à travers la  problématique de l’éducation  et  de la  formation,  l’impérieuse  obligation  d’«up grader»  notre  économie  afin  de  lui  assurer  un  rang  et  un  rôle  nouveaux  dans une économie mondiale de la connaissance globalisée et connectée.  
EL WATAN

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