lundi 9 février 2015

Ces Algériens qui ne quitteraient leur pays pour rien au monde

Ces Algériens qui ne quitteraient leur pays pour rien au monde
"Ici les gens sont affectueux, ils sont moins stressés. En Algérie on est solidaire". Crédit photo Bachir Belhadj


En arrivant à Alger il y a quelques jours, on est tombé sur quelques jeunes désemparés. « Dès que j'ai de l’argent, je me casse de ce pays », nous disait écœuré Hamid, 20 ans, habitant de Bab El Oued. « Je veux rejoindre la France. Il n’y a rien pour nous ici», continuait Rachid, de la Casbah. Comme eux, ils sont nombreux à vouloir quitter un pays à « l’avenir bouché ». Mais certains tiennent un autre discours, des paroles qu’on n’a pas l’habitude d’entendre. « Plus on dit "C’est pourri", plus les gens finissent par le croire », dit Farid, de retour à Alger, après un exil de  5 ans en France. Comme lui, Samia et Kahina se sentent bien en Algérie. Ils nous expliquent pourquoi.


Samia, 30 ans, mariée, responsable des ventes dans une société pharmaceutique. Elle vit dans le quartier de Kouba.
« En 2007, je voulais partir en France pour finir mes études parce que la spécialité que j’avais choisie n’existait pas encore en Algérie, mais mon visa a été refusé. Mon diplôme en poche, j’ai été embauchée par une boîte danoise ici à Alger et dans le cadre de mon boulot, j’ai fait par la suite plusieurs voyages un peu partout dans le monde. Et aussi en France. J’avoue que c’est l’un des seuls pays où ça ne s’est pas très bien passé. Le Français croit que l’Algérien ne maitrise pas les subtilités de la langue. Il est souvent condescendant et ne nous traite pas d’égal en égal. Ce qui n’est pas le cas des Anglais. Eux, ne regarde que les compétences des gens. Et c’est la même chose au Brésil, où j’ai travaillé. J’ai reçu une offre pour aller travailler à Dubai : un meilleur salaire, un logement et une voiture de fonction en prime mais je me sens bien en Algérie. Ce n’est pas une société parfaite et je sais que beaucoup de jeunes galèrent mais ce pays avance. Il ira encore mieux si nous restons. Moi, je n’ai pas le « fantasme » de la France et je crois que nous sommes beaucoup dans ce cas ».

Farid, 35 ans, ingénieur, originaire de Bab El Oued.
« Depuis toujours, j’entends que l’Algérie c’est pourri, que la France c’est l’Eldorado. Alors, comme la plupart de mes copains de fac (NDLR : Farid a étudié à l’Université d’Alger), j’ai demandé un visa pour venir travailler en France. Ma première demande a été refusée mais j’ai insisté, croyant dur comme fer que je trouverai mon bonheur en France. Je travaillais à la Défense. Au bout de quelques temps, j’en avais marre des deux heures de transport quotidien. Et puis, le manque de soleil, le froid. Je suis musulman et à table, on me faisait souvent des remarques. Rien de méchant, c'est vrai mais à la longue, ça m'énervait. Certains collègues ne comprenaient pas qu'un gars comme moi "aussi ouvert", ne boive pas d'alcool.
Et quand j’ai su que je touchais moins que mes collègues français, ça a été la goutte d’eau de trop !  J’ai quitté Paris après cinq ans d’exil. A Alger, il y a quelques lenteurs administratives, de la corruption. Mais on est assez libre de dire ce qu'on veut. Les temps ont changé : y a qu'à lire la presse algérienne pour s'en rendre compte.
Parfois, mes collègues ici sont moins réactifs, c’est vrai mais dans la boîte pour laquelle je travaille, beaucoup ont eu une expérience à l’étranger, et on commence vraiment à être au niveau des autres. Je suis certain qu'on finira par rattraper notre retard.
A Alger, après le boulot, je vais souvent profiter de l’air de la mer. Je gagne moins bien ma vie qu’en France mais c’est relatif : la vie est beaucoup moins chère ici. Et puis, au moins ici, je me sens chez moi ».


Kahina, 29 ans, mariée. Elle est directrice commerciale. Elle vit à Dely Brahim, un quartier à l’ouest d’Alger.
« Un jour, un patron d’une multinationale en France m’a proposé de rejoindre son groupe avec un salaire conséquent. Il a été étonné que je refuse sa proposition. Aujourd’hui, en Algérie, j’ai une stabilité personnelle et professionnelle. Je suis heureuse dans mon couple et je m’épanouis dans mon travail. Une vie assez simple sur le papier, c’est vrai, mais je n’éprouve pas le besoin de vouloir plus. Ce que j’aime également en Algérie, ce sont les rapports humains. Ici, les gens sont affectueux, ils sont moins stressés. En Algérie, on est solidaire. En France, où j’ai été en formation pendant deux mois, personne ne venait me parler. J’avais l’impression de ne pas exister ».

Courrier de l'Atlas

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