samedi 16 août 2014

En août 1944, on a débarqué en Provence

 
 En haut à gauche : Benyoucef Makarni, 95 ans 
 A droite : Arezki Medjahed, 99 ans 
 En bas à gauche : Alloua Amokrane, 91 ans 
 A droite : Mohand Ameziane Oukaour, 91 ans


Benyoucef, Arezki, Allaoua et les autres participent aujourd’hui à Toulon aux cérémonies du 70e anniversaire de l’opération Dragoon, où un hommage est rendu aux vétérans algériens qui ont participé à la libération de la France.
Pour l’occasion, Benyoucef Makarni a sorti sa plus belle chechia, sa cravate la plus habillée et, à la pochette de sa veste, a accroché ses médailles. Avec onze autres vétérans ayant combattu pour la France pendant la Seconde Guerre mondiale, il s’envole, ce mercredi 13 août, vers Paris -où François Hollande fera chevaliers de l’Ordre de la Légion d’honneur ceux qui ne le sont pas encore- puis vers Toulon. C’est là qu’aujourd’hui, lors des cérémonies organisées pour le 70e anniversaire du débarquement de Provence le 15 août 1944, où Abdelaziz Bouteflika sera représenté par Abdelmalek Sellal, le président français leur rendra hommage pour leur rôle dans la libération de la France, les campagnes de Tunisie et l’Italie, et dans la libération de Marseille, Lyon et Strasbourg.
De quoi faire remonter beaucoup de souvenirs dans la tête de Benyoucef, 95 ans, qui a gardé quasi intactes la mémoire des dates et des lieux. Surtout les villes de Corse d’où il a embarqué pour rejoindre Marseille. «J’étais chef d’équipe dans une section de transmission. Mon capitaine a été tué d’une balle, devant moi.» Mais le plus difficile restera pour lui la bataille de Monte Cassino. «La campagne la plus sanglante», se souvient-il, avant d’accélérer brutalement l’histoire pour arriver en 1956. «Nous, qui avions combattu pour la France, sommes devenus des terroristes», lâche-t-il avec un sourire en coin en évoquant «Ali Lapointe (un des principaux combattants de la Bataille d’Alger, ndlr), du même patelin que moi, Miliana.»
Dans cette délégation d’anciens combattants algériens, la plus importante des délégations étrangères, il y a aussi Mohand Ameziane Oukaour, 91 ans, de Bougie, qui fut le premier soldat à lancer un pont français sur le Rhin. «En tant que démineur, j’ai été un des premiers à débarquer dans la baie de Saint-Tropez, raconte-t-il. Au moment du débarquement, on se demandait comment sortir de l’eau, avec notre paquetage sur le dos. On ne pouvait pas emmener la barque sur la plage, il fallait nager et se disperser.
Quand nous sommes arrivés sur la plage, il y avait des Allemands, ils tiraient et on répondait. Et puis nous avons avancé jusqu’en Alsace où les Allemands ont bien résisté, puis en Autriche, où j’ai terminé la campagne en mai 1945.» Engagé, selon son témoignage, volontairement dans l’armée à l’âge de 19 ans, Mohand retournera en France après l’indépendance, envoyé par Boumediène, puis fera carrière... dans l’armée algérienne où il accèdera au grade de commandant.
Monte Cassino
Mais avant, il repartira combattre, en Indochine cette fois, à la tête d’une unité de Marocains. «J’y resterai 28 mois au lieu de 20. C’était plus difficile, parce que depuis 1942, ils étaient en guerre contre les Japonais, ils étaient bien formés. Et puis pendant qu’on sortait des rizières vidés par les sangsues, les Viets marchaient dans la jungle sans difficulté.» L’Indochine est un des souvenirs communs des vétérans. «Une guérilla, pas une vraie guerre, face à face comme nous l’étions avec les Allemands, souligne Allaoua Mokrane. A 91 ans, ce vétéran originaire de N’gaous était 2e classe dans les blindés. Entre le débarquement et Monte Cassino, les souvenirs se brouillent. «Nous sommes partis d’Arzew pour rejoindre Naples, nous avons mis huit jours pour arriver en Italie !»
Là, devant ses yeux, les mêmes images reviennent : celle d’une cathédrale et d’un bombardement américain «qui a duré du lever au coucher du soleil». Et de soupirer : «Oui, je vais recevoir la Légion d’honneur, mais c’est quand j’étais sergent qu’ils auraient dû me la donner  !» Arezki Medjahed, qui fêtera son 100e anniversaire en février prochain, se dit aujourd’hui «fier» d’avoir combattu aux côtés de la France. «J’ai été appelé à la caserne de Maison Carrée (El Harrach). Bien sûr, il fallait accepter, sinon ils nous fusillaient ou nous mettaient en prison. Mais pendant la guerre, chaque vendredi, à la mosquée, nous avons prié pour que la France se relève.» Jusqu’à ce 15 août 1944. «Nous avons débarqué dans six bateaux à Saint-Tropez, avec des Américains. On a marché, marché, on ramassait tout ce que les Allemands laissaient derrière eux.
On avait compris que c’était la fin.» Mobilisé à trois reprises, dont deux fois en Tunisie, le doyen des anciens combattants, versé à la 103e compagnie du service du matériel, se rappelle les lettres qu’il écrivait à sa famille. Soixante-dix ans plus tard, devant un parterre d’officiels, quand il ajustera ses médailles, il sait que tout lui reviendra : les figues et la galette que lui envoyaient ses proches, les nombreux amis tombés au champ de bataille et les heures passées dans le froid à monter la garde à la frontière avec l’Allemagne.

hier

Les 450 000 hommes qui ont débarqué en Provence appartiennent aux armées anglo-américaines et à l’armée française, issue des Forces françaises libres et de l’armée d’Afrique. Ensemble, ils se sont battus pour libérer la France. Après avoir combattu en Afrique, en Italie et ailleurs, ces combattants, de toutes les origines, et leurs chefs ont permis que l’opération Dragoon soit un succès.
Grâce aux forces combinées des hommes de la 7e armée américaine, de la 1re division aéroportée anglo-américaine et de l’armée B française, la Provence est rapidement libérée. Ces soldats étaient originaires de : Algérie, Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Congo, Côte d’Ivoire, Djibouti, Etats-Unis, France, Gabon, Guinée, Les Comores, Madagascar, Mali, Maroc, Mauritanie, Niger, République centrafricaine, Royaume-Uni, Sénégal, Tchad, Togo, Tunisie.
EL WATAN

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