mardi 13 septembre 2011

Année 2011 : Un monde s’effondre


L’année en cours est loin d’être terminée mais on peut d’ores et déjà affirmer qu’elle marque un tournant dans l’évolution de la planète au cours de ce XXIe siècle. D’abord ‘le printemps arabe’ poursuit son évolution encore imprévisible avec la fin progressive du régime de Kadhafi, la répression sanglante menée par Bachir El Assad en Syrie contre des manifestants déterminés à promouvoir le changement et le long combat des Yéménites pour la démocratie.
Le monde arabe, avec les révolutions tunisienne et égyptienne notamment et les secousses enregistrées dans d’autres pays, a donc ouvert la voie mais ce sont paradoxalement les mouvements sociopolitiques non violents qui se sont déroulés ces derniers mois en Occident qui vont peser de façon décisive sur l’avenir de la planète.
En effet, l’Union européenne, après des décennies de progrès ayant conduit à la création de l’Euro, se heurte, à présent, à des obstacles quasi insurmontables dans le processus d’intégration. Les Etats-unis, de leur côté, doivent faire face à une rivalité exacerbée entre le camp ultra libéral incarné par le parti républicain et son aile extrémiste le tea-party d’un côté et le camp réformiste que représente Obama et le parti démocrate. Pendant ce temps, le Japon, une grande puissance du XXème siècle, se concentre sur les conséquences de son endettement excessif, du Tsunami et de la crise nucléaire ; tandis que la République populaire de Chine, qui assure désormais un rôle de leadership en Asie, fait entendre sa voix tout en évitant de se faire surprendre par ses problèmes intérieurs tels que l’inflation et les revendications des travailleurs et des citoyens.
Les rapports de force se modifient en profondeur dans les grands centres économiques du monde sans qu’on ne puisse prédire, pour l’instant, l’issue des confrontations actuelles. Le monde entier le constate et l’endure désormais : le développement sans entrave du capitalisme ne peut conduire qu’à des crises de plus en plus difficiles à surmonter. Les Etats-unis s’accrochent désespérément à une posture de leader du monde qui leur échappe de plus en plus. La dette américaine ne cesse de s’aggraver, dans un pays où le chômage se stabilise entre 9 -10 % et a engendré une pauvreté indigne d’une super puissance comme les Usa. Le plan de relance proposé par Obama suscite naturellement de grandes controverses.
L’Europe, paralysée par ses traditions sociales et le poids de ses logiques de solidarité dont le coût est devenu insoutenable dans un contexte de quasi stagnation, est confrontée elle aussi au poids d’une dette qui a pris dans certains pays des proportions inacceptables ; tandis que des millions d’Européens au chômage crient leur colère dans des manifestations ‘d’indignés’ dont l’ampleur ne cesse d’étonner, avec leur exigence de justice sociale et d’équité.
De toute évidence, ce n’est pas le prolétariat mais bien la jeunesse désemparée des sans logis, des sans emplois, etc., et les couches moyennes désormais marginalisées qui ont pris la tête des mouvements sociaux de cette année. Rien ne sera plus comme avant même si tout reste à inventer. Cette fois-ci, Israël est touché, lui aussi, de plein fouet malgré le problème palestinien. La crise du capitalisme ultra libéral est un fait indiscutable qui pose l’exigence de réformes profondes. Il n’en reste pas moins que les milieux financiers, qui contrôlent l’économie du monde, ne semblent pas encore avoir compris le message des populations qui se sont dressées pour exiger des changements structurels.
En mettant l’accent sur les politiques d’austérité budgétaire et de réduction de la dette plus que sur les changements de politique économique et financière, les grands pays capitalistes continuent de creuser leur propre tombe et ne peuvent qu’aggraver les crises en en reportant le traitement de quelques mois ou années. Aux Etats-unis, il n’est plus possible de favoriser l’enrichissement scandaleux de quelques milliardaires, ultra protégés par le système, au moment où la santé publique, l’éducation, l’emploi se dégradent pour la grande majorité de la population. Obama souhaite faire payer les banques. Il n’est pas sûr qu’il puisse aller au bout de sa démarche.
En Europe, on ne peut plus rêver d’une intégration continentale qui laisse à chaque pays une autonomie budgétaire économique et financière dont le résultat est de remettre en cause la construction européenne elle-même et d’appauvrir des millions de citoyens au profit de spéculateurs, de mafias et de financiers peu scrupuleux qui choisissent les pays les plus vulnérables comme la Grèce pour fragiliser l’Union.
Désormais, le Fmi et la Banque mondiale, qui étaient au chevet des pays africains et autres pays du tiers monde victimes de la crise de l’endettement au début des années 1980, se retrouvent trente années plus tard, au chevet des grandes puissances elles-mêmes, sans que leurs moyens d’intervention et surtout leur logique d’intervention n’aient réellement évolué.
Or, si l’échec des institutions de Bretton Woods dans le tiers-monde n’a eu que des conséquences globales limitées, il n’en sera pas ainsi de la crise actuelle qui se déroule dans un contexte de globalisation poussée de la planète et d’intégration sans précédent des économies, des marchés financiers et des sociétés connectées grâce à Internet les unes aux autres. Ces sociétés sont prêtes à se mettre en mouvement pour ne pas être laissées en rade.
En Amérique latine, notamment au Chili, les jeunes élèves et étudiants ont déclenché des manifestations contre le gouvernement pour l’amélioration de leurs conditions d’études. En Inde aussi des milliers de jeunes sont descendus dans les rues et la question de la corruption est devenue une préoccupation majeure dans la première démocratie du monde. En Chine communiste même, des revendications sociales de plus en plus pressentes se font entendre et les travailleurs exigent de recevoir une part équitable des fruits de la croissance économique du pays. Une protestation planétaire est en gestation dans l’esprit du mouvement altermondialiste pour exiger non plus seulement la démocratie mais aussi l’équité, la justice et le bien-être collectif.
A mon avis, rien ne pourra désormais sauver le système international en place et le pouvoir des banques et des financiers de la planète qui seront obligés de réguler de façon plus drastique les mécanismes actuels pour en finir avec les privilèges exorbitants qu’ils se sont accordés au mépris de la misère aggravée de milliards d’hommes et de femmes des pays du Sud d’abord mais de plus en plus aussi des pays du Nord. Plafonner les fortunes individuelles, mieux investir les bénéfices exorbitants des firmes au bénéfice des collectivités telles sont parmi les nouvelles exigences pour un développement durable.
L’utilisation des nationalismes étroits dans certains pays européens, du racisme et de la xénophobie dans d’autres, ne peut cacher longtemps encore l’exigence de réformes radicales que les financiers n’acceptent pas de gaieté de cœur et que les forces politiques et sociales acquises à ces changements devraient leur imposer au niveau national comme au niveau international à travers le système des Nations unies qui a l’obligation de promouvoir les réformes qui lui permettront de jouer davantage son rôle de sauvegarde de la paix et de droits des peuples.
L’Afrique subsaharienne, qui a été la région la plus vulnérable du monde depuis les indépendances des années 1960, continue de retenir l’attention de la communauté internationale par la stagnation économique, la dégradation de son agriculture et les dérives de la gouvernance politique, économique et financière. Tandis que la famine touche de nouveau la corne de l’Afrique et en particulier la Somalie, les grands pays comme le Nigéria, le Congo Kinshasa, le Kenya connaissent des troubles sociaux ininterrompus et d’autres comme l’Afrique du Sud, l’Angola et, bien entendu, le Zimbabwe sont traversés par des contradictions ethniques et raciales qui exigent des solutions appropriées avant qu’il ne soit trop tard.
En dépit de tout cela, force est de reconnaître que de nombreux pays d’Afrique noire connaissent une croissance et un renouveau économiques significatifs depuis une dizaine d’années, grâce à l’exploitation de leurs ressources minières surtout. L’Afrique noire est devenue, de nouveau, l’objet d’une compétition déclarée entre les grandes puissances économiques du monde, dont la Chine, engagées dans une nouvelle course aux matières premières dans le monde de pénurie dans lequel nous vivons.
Devenue indépendante, l’Afrique noire a la possibilité de tirer son épingle du jeu, dans l’environnement international actuel. Mais force est de constater que l’absence d’intégration régionale ou continentale limite terriblement sa marge de manœuvre en ce début du XXIe siècle, par ailleurs, si prometteur pour le monde noir qui aurait pu tirer le meilleur profit de la crise qui frappe les pays riches pour se constituer en pôle alternatif pour une croissance économique durable et solidaire de type nouveau.
En ce jour du Xe anniversaire des attentats du 11 septembre 2001, force est de constater que le spectre du terrorisme, qui continue de hanter le sommeil des Occidentaux, représente désormais un risque beaucoup moins grave que celui posé par ‘la dictature du marché’ et ses conséquences tels que l’instabilité et les mouvements hiératiques des bourses occidentales qui ne sont que le prélude à une crise économique mondiale sans précédent que les atermoiements des gouvernements ne peuvent plus gérer et que seules des réformes profondes et urgentes pourraient juguler. D’une certaine façon, la révolution mondiale est en marche. Elle sera relativement pacifique et démocratique mais elle entrainera des bouleversements sans précédent dans la vie des sociétés humaines et l’état de l’environnement.

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