lundi 12 septembre 2011


« La fonction consulaire ne se limite pas à une prestation bureaucratique »
Rachid Ouali, consul général d’Algérie à Paris
 Ali Goudjil
El-Djazair.com : Il se dit que depuis votre récente prise de fonctions vous recevez et vous rencontrez sans discontinuer les ressortissants de la circonscription, qu'ils soient simples citoyens, responsables d'association ou personnalités de l'élite. Ces contacts vous ont-ils permis de vous faire une idée de la composante de notre communauté ?
Rachid Ouali :
 Je considère que le contact humain est primordial. Il me semble que la fonction consulaire repose essentiellement sur le raffermissement, la consolidation, le renforcement des liens entre nos compatriotes expatriés et le pays. Ces liens ne doivent en aucun cas, selon moi, être réduits à une prestation bureaucratique qui consiste, par exemple, à établir ou à renouveler, périodiquement, documents de voyage et d'identité. Le consulat général est un coin d'Algérie dans le pays de résidence, un point focal, un lieu de convergence. Nos concitoyens doivent s'y sentir chez eux, pouvoir s'y ressourcer, en quelque sorte. J'ai rencontré, tant à Paris qu'en province, une communauté viscéralement attachée à l'Algérie. Les gens, même s'ils résident depuis de longues années en France et qu'ils y sont parfaitement intégrés, éprouvent, et c'est un constat, beaucoup d'émotion, de plaisir et souvent de fierté en nous voyant aller à eux. Partout, le message qu'ils nous font comprendre est le suivant : « Que pouvons-nous faire pour l'Algérie ? Dites le nous ! » Et ils peuvent faire beaucoup pour leur pays, croyez-moi. Notre communauté recèle des compétences et des talents remarquables. On y trouve des entrepreneurs aux qualités managériales éprouvées, des professeurs de médecine et des chefs de service de CHU, des ingénieurs dans les spécialités les plus pointues, des chercheurs et des professeurs d'université de renom, des intellectuels de valeur etc. Tout n'est pas rose, évidemment. Confrontée, parfois plus que d'autres, aux problèmes inhérents au marché de l'emploi et fragilisée par une forte concurrence d'une main-d'œuvre, peut-être avantagée, provenant des pays de l'Europe de l'Est, notre communauté a sérieusement ressenti et ressent toujours les effets de la crise économique de 2008. Notamment, sa frange la plus vulnérable, celle confrontée au chômage et à la perte d'emploi. Certains de ses membres, surtout les vieux, les retraités, ne possèdent pas de revenus suffisants et sont souvent en butte à des problèmes sociaux, dont celui du logement n'est pas des moindres.
El-Djazair.com : Le président de la République a initié, ces derniers temps, des réformes politiques et sociales d'une ampleur sans précédent. En informez-vous nos ressortissants ?
Rachid Ouali :
 Je vous l'ai dit : nos ressortissants ont l'Algérie au cœur. Nombreux sont ceux qui sont branchés sur les télévisions nationales, qu'ils reçoivent par satellite et par internet. Ils lisent la presse nationale qu'on trouve dans les kiosques, le jour-même de sa parution, notamment à Paris. Ils consultent également la presse en ligne. Pour notre part, nous expliquons ces réformes. Nous avons diffusé largement tous les discours et messages du président de la République et le communiqué du Conseil des ministres du 2 mai dernier. Les orientations du président de la République au gouvernement ont été particulièrement commentées et appréciées par nos ressortissants, qui y voient une véritable feuille de route pour que notre pays inscrive résolument ses institutions dans le XXIe siècle, après avoir instauré, il y a deux décennies, le multipartisme, consacré la liberté de la presse et lancé des programmes de développement économiques et sociaux très ambitieux. Nous relayons également ces informations lors de nos rencontres avec les autorités françaises de la Circonscription. Nos sommes parfois surpris de constater que les responsables, qu'ils soient administratifs ou élus, savent que la presse algérienne est l'une des plus indépendantes et des plus libres du monde arabe. Certains nous ont même fait part de leur étonnement du fait que certains de nos quotidiens abordent des questions considérées comme « taboues » dans des pays de vieille démocratie…
El-Djazair.com : Vous avez rendu des visites de courtoisie, comme le veut l'usage, aux autorités du pays de résidence…
Rachid Ouali :
 Je dois dire que j'ai partout été reçu avec la plus grande courtoisie, et souvent avec chaleur, que ce soit par les représentants de l'Etat, comme les préfets, par des institutions comme les Chambres de commerce, ou par les maires et les autres élus. Les autorités françaises ont conscience du fait que l'Algérie est un grand pays. Nos ressortissants ne posent pas de problèmes particuliers aux autorités dans la mesure où ils sont parfaitement intégrés dans la société française, en raison de l'ancienneté de leur présence. Les maires les apprécient particulièrement, puisque certains d'entre eux sont élus dans les conseils municipaux, ou activent dans des associations d'utilité publique. Je me souviens, par exemple, avoir été reçu d'une manière particulière chaleureuse par Serge Barabry, président de la Chambre de commerce et d'industrie de Touraine (CCI) à Tours, en présence de Joël Fily, préfet d'Indre-et-Loire, et d'une dizaine de chefs d'entreprise du département. Ils ont écouté avec beaucoup d'intérêt ce que j'avais à leur dire sur la politique de développement initiée par le président de la République, sur l'actuel plan quinquennal et sur les opportunités d'investissement en Algérie. Des entreprises tourangelles, comme Faively, dans le métro d'Alger, ou Delta Informatique, sont déjà présentes en Algérie. À Tours comme dans d'autres chefs-lieux de départements, les chefs d'entreprise m'ont écouté avec beaucoup d'attention, s'étonnant eux-mêmes de n'avoir pas plus de liens économiques avec un pays comme le nôtre, qu'il considèrent comme proche tant par la géographie que par la proximité née de l'Histoire et renfermant un potentiel énorme en ressources humaines. Quant aux relations en matière de séjour de nos compatriotes, vous savez qu'elles sont régies en particulier par l'accord bilatéral du 27 décembre 1968 modifié. Nous veillons à en faire respecter l'esprit et la lettre par le partenaire français, tout en assurant sa mise en œuvre loyalement et de bonne foi.
El-Djazair.com : Dans ce même ordre d'idées, quelles répercussions le durcissement de la politique migratoire de la France, ces dernières années, a-t-il eues sur la communauté algérienne ?
Rachid Ouali :
 Permettez-moi de ne pas faire de commentaires sur la politique française, car je suis tenu au devoir de réserve. Il est néanmoins évident que nos ressortissants ressentent l'impact de certaines décisions et subissent de plein fouet les répercussions des différents débats et des polémiques de ces derniers mois, sur l'identité nationale, sur la burqa, l'islam, l'immigration, etc. Je précise, encore une fois, que les lois sur l'immigration promulguées ces dernières années n'ont pas, sur le plan juridique stricto sensu, d'impact sur le séjour de nos ressortissants en France, puisque les accords internationaux priment sur la législation interne. Cependant, les effets de cette série de lois se font ressentir, notamment sur le nombre de visas accordés ou dans les domaines que l'accord bilatéral n'a pas prévus, ou n'a pas explicités.
El-Djazair.com : Revenons, si vous le voulez-bien, aux activités du consulat général. L'exigüité de vos locaux fait qu'il est particulièrement difficile d'accéder aux services…
Rachid Ouali :
 Nous sommes en pleine période pré-estivale, et l'affluence est particulièrement importante. Mais, même en période normale, nous avons de la peine à faire face, car les murs, hélas, ne sont pas extensibles, et la cage d'escalier, comme vous l'avez constaté, est trop étroite, et nous ne disposons pas de salles d'attente. Nous avons actuellement plus de 162.000 immatriculés, et ce nombre est en constante augmentation. La mise en place de la plateforme du passeport biométrique, à compter du 24 novembre prochain, impose des contraintes qu'il faudra lever, sans que les dispositions prises se répercutent sur les autres services. Pour l'heure, nous avons pris des dispositions pour recadrer au mieux les activités, pour faciliter du mieux possible l'accueil des ressortissants, qui se présentent, bien souvent, en famille, avec bébé et poussette. Nous avons apporté des améliorations partout où cela état possible, y compris dans la formulation des énumérations des pièces demandées sur notre site web pour la constitution des dossiers. Nous transmettons l'information par l'internet et par le biais des associations d'Algériens, qui jouent très bien leur rôle de relais avec nos concitoyens. Nous nous efforçons de faire mieux chaque jour, sans être parvenus encore à l'idéal. L'idéal serait, bien sûr, de disposer de locaux plus vastes… D'une manière générale, nous nous inscrivons dans la continuité de l'action des consuls généraux qui ont eu en charge la Circonscription par le passé, pour améliorer la qualité du service et promouvoir l'image de marque de l'administration algérienne.
El-Djazair.com : Vous commémorez la journée de l'étudiant….
Rachid Ouali :
 Le 19 mai 1956 a consacré l'engagement de la jeunesse intellectuelle algérienne dans la lutte pour la libération nationale. La grève des études et des examens lancée par l'Ugema fut un acte politique majeur. Nous avons un certain nombre d'étudiants boursiers du gouvernement algérien ou dans le cadre de la coopération algéro-française. Nous avons également des chercheurs et des enseignants qui complètent leur formation ici. Par ailleurs, la Circonscription compte près de 20.000 étudiants et lycéens issus de la diaspora. Tous ces jeunes constituent une richesse et un atout considérable pour l'Algérie. C'est vers eux, pour eux, et permettez-moi de le dire, par eux, que nous organisons cette commémoration au Centre culturel algérien, en présence de personnalités nationales. Ce n'est pas une action ponctuelle. Nous comptons la développer, la poursuivre, notamment dans le cadre de la fête de l'indépendance et de la jeunesse du 5 Juillet, mais aussi et surtout, au moyen de rencontres aussi fréquentes que possible…
El-Djazair.com : Selon ce que nous en savons, il n'existe pas, au niveau des consulats d'Algérie, de service chargé de la promotion économique de l'Algérie...
Rachid Ouali :
 Effectivement, la promotion économique de notre pays entre pleinement dans les missions diplomatiques et consulaires. La structure chargée de cet axe de travail demande, certes, à être étoffée. Il n'est point besoin d'organigramme pour assumer certaines missions, qu'il faut inscrire, par ailleurs, dans le cadre de l'action de notre diplomatie. Cet aspect de la mission découle des articles 12 à 16 du décret présidentiel du 1er décembre 2002 fixant les attributions des chefs de postes consulaires. C'est dans ce contexte que nous avons organisé récemment des rencontres avec des chefs d'entreprises et des associations de responsables économiques franco-algériens, notamment lors de la venue de M. Benmeradi, notre ministre en charge de l'Investissement et de la PME. Nous envisageons l'organisation, dans les semaines qui viennent, de rencontres entre ces mêmes chefs d'entreprise et leurs homologues venant d'Algérie. Comme la composante jeune de notre communauté bénéficie également de toute notre attention, des rencontres sont prévues entre des dirigeants de PME et de jeunes diplômés binationaux chômeurs.

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