mercredi 17 août 2011


Ramadhan à Barbès

Senteurs du bled et moments de ferveur religieuse

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A la cohorte de commerçants alignés le long de ce boulevard et la rue voisine de la Goutte-d’Or, sont venus se greffer des «commerçants» occasionnels, proposant une multitude de produits allant des simples gâteaux et mets traditionnels, aux téléphones portables high-tech, en passant par le prêt-à-porter et autres produits de pacotille et de chinoiserie. L’affluence y est telle que les passants, clients potentiels, ont du mal à se frayer un chemin dans ce quartier mythique, qui, au même titre d’ailleurs que le boulevard La Chapelle et les petites rues qui les enserrent, est essentiellement commerçant, converti en ce mois en un bazar à ciel ouvert. «Toutes ces senteurs qui enivrent me rappellent Bab El Oued, le quartier que j’ai dû quitter il y a 20 ans pour m’installer en France», confie une quadragénaire, dont la compagnie de ses deux filles en bas âge ne semble pas déranger outre mesure. «C’est un plaisir que je me fais à chaque fois que j’ai la nostalgie du pays. On trouve de tout à Barbès. Surtout les produits de cru», ajoute l’Algérienne, qui a fait le déplacement de Vincennes, ville célèbre par son château située à l’est de Paris. Parmi les commerces qui connaissent une affluence en cette période de l’année, dans le quartier de Barbès, il y a les boucheries «islamiques» qui ne désemplissent pas. 
Faisant valoir diverses certifications halal, ces commerces sont de plus en plus prisés en ce mois de Ramadhan. «Les riverains ont tendance à faire plus confiance au boucher du coin qu’à la grande distribution», explique Djamel, tenant boutique rue de la Goutte-d’Or. Le scandale suscité par un documentaire diffusé la veille du mois sacré par une chaîne de télévision française, semant le doute sur la licéité de certains produits halal, semble avoir influé sur le comportement des consommateurs.  «Nous tenons ces certificateurs à témoin devant Dieu. C’est à eux qu’incombe la responsabilité d’assurer un produit halal à l’ensemble de la communauté musulmane», martèle une cliente, approchée par l’APS. Actuellement, il n’existe pas en France une norme unique désignant le label «halal», une mission dévolue au Conseil français du culte musulman (CFCM) à sa création en 2003.   Pour l’heure, seules les mosquées de Paris, Lyon et Evry délivrent des cartes de sacrificateur, mais ce sont ensuite une multitude d’organismes qui effectuent des contrôles, notamment dans les abattoirs. Pour Amokrane, un octogénaire vivant en France depuis les années 50, le Ramadhan n’est pas uniquement une «affaire de bouffe». «L’exclusion est telle en France que les démunis parmi notre communauté algérienne se comptent par milliers», s’indigne-t-il, rappelant aussi que le Ramadhan est surtout un mois d’entraide et de solidarité envers les personnes en difficulté.   Avec son collègue Saïd, il est mobilisé, rue Affre, pour organiser la distribution de repas à emporter, préparés quotidiennement par des femmes bénévoles de l’association de la communauté des Algériens à Paris. Selon le président de l’association, Abdelkader Madi, ce geste est «le moindre que l’on puisse faire envers notre communauté en ce mois sacré». «On aurait voulu servir plus que la centaine de repas que nous préparons au quotidien, mais l’exiguïté de nos locaux fait que nous ne pouvons pas faire autrement», regrette l’octogénaire. Le même élan de solidarité est constaté à la mosquée Khaled Ibn El Walid, rue Myhra. Pas moins de 500 repas sont quotidiennement servis sur place, à l’heure du f’tour, selon son recteur, cheikh Hamza, qui parle d’une «tradition» que son établissement perpétue depuis dix ans. Coincée entre un hôtel et une librairie, la Mosquée, qui ne possède pas de dôme, accueille, chaque jour, des centaines de fidèles pour les prières surérogatoires (tarawih).  «Le Ramadhan est un mois de spiritualité et une occasion de se rapprocher davantage du Créateur. Ce n’est pas une question bassement culinaire, et c’est ce que nous essayons d’inculquer, notamment aux jeunes générations, parfois en proie à des problèmes existentialistes», confie le plus influent des imams du 18e arrondissement de Paris.

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