lundi 27 juin 2011

44e Festival national du théâtre amateur de Mostaganem

El Djifa ou l’amour interdit



Wafia Sifouane 

Pour le troisième soir de la compétition de la 44e édition du Festival national du théâtre amateur (FITA) de Mostaganem, le public, comme à l’accoutumée, a répondu à l’appel des planches et s’est manifesté en grand nombre à la salle de spectacles de la maison de la culture Ould Abderrahmane Kaki. Ce soir-là, sur la scène, il y aura la troupe théâtrale El Nahda Menaïlia, venue de Bordj Ménaïel pour présenter la pièce El Djifa (le cadavre), une œuvre qui, contrairement à son titre évocateur, traite de l’un des thèmes les plus complexes et les plus beaux à la fois : l’amour, qui a inspiré tant de poètes, d’artistes et d’historiens. Mais bien avant de découvrir la pièce, les festivaliers ont eu droit à la projection d’un mini-reportage consacré à cette 44e édition du FITA. D’une durée de dix minutes, le documentaire est revenu sur l’ambiance de la soirée inaugurale du festival avant de faire découvrir aux spectateurs les préparatifs de dernière minute. Bien que cette projection soit jugée prématurée et aurait dû être programmée pour la clôture, les spectateurs ont toutefois apprécié ce petit geste des organisateurs, car le public mostaganémois nourrit un sentiment de fierté à l’égard du Festival du théâtre amateur qu’il considère comme «un enfant du pays» qui fait honneur à la région. Après ce petit intermède, place à l’art. C’est dans un décor feutré dominé par la couleur rouge et fait d’une table et de deux chaises que la pièce s’amorce. Saïd et Akila, deux jeunes amants, forment un couple pas comme les autres, et pour cause, Saïd est accro à la drogue tandis que Akila est considérée par la société comme une femme de mœurs légères.
Ces deux êtres marginalisés ont trouvé refuge dans l’amour qui les unit. Ils vivent leur passion sans retenue, avec ses bons moments et ses revers. Leur amour est aussi fort qu’ils sont fragiles. Sous la carapace qu’ils se sont constituée pour se préserver du regard des bonnes gens, deux cœurs battent, mais s’emballent parfois quand la peur de se perdre s’insinue. Le lien qui les unit devient entrave. Saïd est un homme très jaloux de l’indépendance de Akila qui l’est tout autant de sa liberté pour laquelle elle a sacrifié jusqu’à sa réputation. Ecrite et mise en scène par Ibrahim Nefnef, la pièce est enrichie par des tableaux
chorégraphiques et elle joint la force du texte à l’expression corporelle, un choix intelligent qui compense très bien le manque de moyens des troupes indépendantes qui ne peuvent s’offrir le luxe d’une véritable conception de lumière et de composition musicale. S’agissant du texte, l’auteur a opté pour une écriture riche en  rimes, avec un grain d’humour qui allège la pièce. Avec ce choix du thème de l’amour, l’auteur a voulu souligner par cette œuvre le poids de la société, des traditions et du «qu’en-dira-t-on» dans les rapports entre individus, même si c’est une relation d’amour, surtout si c’est une relation d’amour. Car la fille, plus que le garçon, se doit de se soumettre aux carcans de la société, sous peine d’être mise au ban et considérée comme une «djifa», un cadavre en putréfaction. La pièce met bien en évidence le fait qu’on n’en veut pas autant à Saïd d’être drogué que d’avoir une relation avec une fille ayant mauvaise réputation. Sur le plan de l’interprétation, on notera que les deux comédiens ont été à la hauteur, même si par moments ils ont eu du mal à suivre le changement de situation et d’ambiance, ce qui est certainement dû  au manque de répétitions avant la représentation.  

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