samedi 3 novembre 2012

ENTREPRISES ALGÉRIENNES Aider les plus performantes


On n'aide pas les entreprises pour le plaisir, mais pour soutenir leurs efforts de compétitivité
Nul ne peut nier les efforts déployés par les gouvernements successifs de notre pays et visant à aider la production nationale.
Il suffit de rappeler, si besoin est, l'aide apportée aux entreprises algériennes sur de longues périodes et sous différentes formes et, bien entendu, personne ne trouvera à en redire sur le principe. Il n'est pas besoin que l'on vienne nous parler de chômage, de l'avenir de nos enfants et de l'entrée de notre pays à l'OMC pour que l'on saisisse l'importance et la nécessité de l'aide de l'Etat aux producteurs nationaux. Si, cependant, sur le principe il n'y a rien à dire, sur la manière dont cela se passe chez nous, par contre, tout est à revoir car tout laisse à désirer.
Si, aujourd'hui, on en est encore à appeler les Algériens à consommer local pour aider la production nationale et si l'on en est encore à demander à l'Etat de taxer les importations de manière à favoriser cette même production, c'est que - et il faut l'admettre - la manière dont a été conçue et menée jusque-là cette aide à la production nationale a été tout simplement du n'importe quoi.

Il est temps que certaines voix se taisent et que certains se retirent
A ceux qui ne font pas de différence entre la politique et l'économie et qui ne savent donc pas que, contrairement à ce qui se passe dans le monde opaque de la politique, les erreurs en économie se paient cash et sans délai, il y a lieu de rappeler que l'on aide la production nationale pour l'aider à être plus compétitive et non pour augmenter son «incompétitivité». Les Etats le font partout dans le monde, c'est vrai, mais partout dans le monde cela a donné des résultats. Pourquoi ce n'est que chez nous que cela doive ne pas en donner?
Il est temps de revenir au bon sens et de cesser d'insulter l'intelligence des Algériens qui savent être indulgents, et ils le sont parfois même au point de laisser passer certaines grossièretés au nom de l'intérêt national et pour le besoin des exigences du moment. Mais, entendons-nous bien, les Algériens ne sont pas plus dupes que d'autres. Ils sont capables de juger les actes à leurs résultats et, sur ce plan-là, les résultats de l'aide apportée aux entreprises nationales privées et publiques ne sont pas flatteurs. Pour preuve, nous en sommes toujours à une dépendance à 98% de notre sous-sol. La question qui se pose est simple: à quoi a servi toute l'aide accordée à la production nationale? A quoi a servi réellement la protection dont a bénéficié cette production? Absolument à rien!
On n'aide pas les entreprises pour le plaisir de le faire mais pour soutenir leurs efforts de compétitivité, la seule à même de leur assurer, d'abord, une survie et, ensuite, une part du marché. Si, maintenant, toute l'aide dont ont bénéficié les producteurs nationaux n'a rien donné, on est en droit de poser sérieusement la question de son efficacité dans ce cas précis et de soulever, a postériori, celle relative à l'utilisation de l'argent public à bon escient.
Il ne fait pas de doute que l'approche de l'aide aux entreprises nationales n'a rien donné et l'une des conclusions immédiates à tirer est qu'il faut changer d'approche. Pour cela il est nécessaire de changer les hommes aussi. Ceux qui ont réfléchi au problème l'ont mal fait. Ceux qui ont proposé des solutions n'ont pas trouvé les bonnes. Il est temps que certaines voix se taisent et que certains se retirent. Pour le grand bien de nos entreprises justement.

Ne gaspillons pas l'argent public
Nos maux à nous proviennent, entre autres, du fait que l'on charge n'importe qui de n'importe quoi et ce n'est donc pas un hasard si, chez nous, n'importe qui fait n'importe quoi... A l'arrivée, il ne faut plus s'étonner qu'un ministre de l'Intérieur trouve légal le marché parallèle des devises, que le gouverneur de la Banque d'Algérie le désavoue, que l'Algérie ait des bureaux de change privés autorisés que personne ne connait et dont les députés ne demandent même pas à connaitre l'identité des propriétaires. Ces députés dont une majorité n'a jamais lu un livre selon une vidéo qui circule sur YouTube. Tout nage dans le désordre en fin de compte. Un désordre qui, rappelons-le, a permis de transférer les fonds des entreprises publiques vers les caisses d'une certaine Banque El Khalifa. Un acte que certains veulent bien nous faire oublier mais qui demeure tel un témoignage de l'histoire contre ceux qui ont miné la situation financière de ces entreprises.
Quelqu'un demandait un jour à un penseur ce qu'il pouvait faire pour servir l'islam. Le penseur le regardait longuement et scrutait sa barbiche désordonnée, son kamis mal entretenu et son pantalon trop court avant de lui répondre: «La meilleure façon de servir l'Islam est de t'en éloigner!». De même, la meilleure manière dont certains pourraient aider nos entreprises et notre économie en général est qu'ils prennent leur retraite et qu'ils laissent les gens travailler. Assez d'aide à ceux qui ne peuvent l'utiliser à bon escient. Assez d'assistance à ceux qui ne peuvent se relever. Pour pouvoir tirer quelqu'un du fond du puits, il faudrait au moins qu'il tende la main afin que l'on puisse le tenir par le bras. Si, maintenant, il s'entête à garder la main derrière le dos, on ne peut pas passer l'éternité à vouloir l'aider. Aide-toi, disent certains, et Dieu t'aidera. Les canards boiteux coûtent trop cher au pays en fin de compte!
Lorsqu'on réfléchit à un niveau macroéconomique, il faut avoir le courage de reconnaître que l'aide ne peut être éternelle et que, par conséquent, on est obligé de laisser tomber les plus faibles. Les pays ne gagnent pas la lutte de la compétitivité avec des entreprises faibles et pour cela, ils ne se donnent pas le droit, comme veulent le faire certains chez nous, de gaspiller des ressources en les injectant là où elles n'ont aucune rentabilité. Dans une économie de marché on ne maintient pas les plus faibles au sérum du mensonge et de l'illusion, on propulse plutôt les plus forts. Si, maintenant, on raisonne au niveau microéconomique, on est obligé de concéder que l'entreprise privée est une affaire privée dont l'objectif premier est de réaliser du profit. Le citoyen n'est en aucun cas coupable de ses échecs pour avoir à supporter ses erreurs de gestion ou son incapacité à rester en vie et l'on n'a pas le droit de gaspiller l'argent de ce citoyen sans résultat en plus.

Quelle est notre stratégie en matière de PME?
Nous ne sommes pas contre l'aide aux entreprises. Nul n'ignore, en effet, l'importance des PME au niveau de l'emploi, du PIB, de la production etc. Mais on parle bien ici de la PME, c'est-à-dire d'entreprises capables d'aider leur pays car nous pensons que tant qu'elles participent à la croissance, les entreprises méritent d'être soutenues mais, à partir du moment qu'elles deviennent plutôt un fardeau pour l'économie de leur pays plutôt qu'un levier de croissance, ces entreprises devraient être considérées autrement. Tant qu'on y est, pourquoi ne pas donner de primes de rendement aux chômeurs?
Il n'y a pas longtemps, le patron de nos patrons avait demandé à ne pas payer d'impôts et voilà qu'aujourd'hui le SG de l'Ugta qui demande de l'indulgence aux citoyens quant aux niveaux bas de qualité des produits nationaux. On croirait rêver! Ce n'est pas en fermant les yeux sur le niveau non adéquat de qualité que l'on aide nos entreprises à s'élever et à s'affirmer, c'est en leur exigeant plus qu'aux autres qu'on pourrait les aider à s'améliorer. Ce n'est pas en taxant les produits d'importation que l'on aiderait les nôtres à devenir meilleurs, c'est en les poussant à affronter meilleur que soi qu'on les pousserait à trouver une place sur un marché de plus en plus difficile.
Cette politique qui a consisté à miser sur les sentiments en chatouillant la corde du nationalisme dans une question de management est une mauvaise politique. C'est un comportement inapproprié et une culture incompatible avec les exigences du management des entreprises. A la limite, nous dirions même que cela a été une politique irresponsable. La preuve est donnée par ces résultats, qui sont là, aussi lamentables que les 2% hors hydrocarbures que nous comptons dans nos exportations. Revenir après cela et demander au gouvernement à taxer les importations pour aider la production nationale ne peut être assimilé qu'à du n'importe quoi et les arguments à cette demande ne peuvent pas tenir la route.
Après tant d'années d'aide sans suite, il était plutôt de notre droit de nous attendre à ce que l'on vienne nous décliner une stratégie réelle et sérieuse pour la promotion du produit «made in Algeria» et pas une autre manière de camoufler les échecs répétés. Il était de notre droit aussi de nous attendre à ce qu'on nous parle de territoires, de clusters, d'avantages concurrentiels, de compétitivité des nos entreprises, de création de la demande, d'attraction des investisseurs étrangers, de produits nationaux aux normes internationales, de pénétration de marchés internationaux par certains de nos produits etc. Et qu'est ce qu'on nous dit? Les uns ne veulent pas payer d'impôts, les autres veulent encore de l'aumône sur le dos des citoyens. Eh bien, non! Cela ne fait pas sérieux, messieurs. Pas sérieux et pas responsable du tout!
Retirons donc le tube de sérum et que les meilleurs restent. Ceux-là mériteront toute l'aide de l'Etat et nous saurons être indulgents en tant que citoyens, en tant que consommateurs et en tant que compatriotes. Parler au nom des entreprises algériennes, lorsqu'on dit de telles aberrations, est mauvais en soi car on diminue de la sorte le mérite des bonnes entreprises, celles qui ont su s'élever et avoir des produits qui s'exportent. Que ceux qui demandent de l'aumône à l'Etat le fassent, au moins par pudeur, au nom des faibles et des incapables mais pas au nom de toutes les entreprises quand même.
Par ailleurs, il serait intéressant de savoir quelle est la stratégie mise en place par l'Etat pour les entreprises et, surtout, pour les PME. Quelle mission accorde-t-on à ces entreprises? Quelle est notre vision en ce qui les concerne? Quels objectifs avons-nous tracés quant à l'exportation? Quant aux parts de marchés? Dans quels secteurs exactement? Et quelle est la place de l'innovation dans tout cela? Comment sera organisée cette innovation? etc. Il est bien fini le temps où l'on pouvait gérer des ministères sans diplômes et être directeur d'entreprise sans avoir jamais fréquenté l'école? Il est bien loin ce temps-là. Nous sommes à un moment où la mondialisation fait ravage dans les rangs des entreprises les plus compétitives et, de notre temps, l'innovation devient incontournable pour ceux qui désirent arracher une part du marché ou, du moins, survivre. A croire cependant ce que l'on voit, chez nous, on innove dans la manière de cacher les échecs et de camoufler les défaillances. Et, le comble, comme si de rien n'était, ce sont toujours les mêmes qui parlent et qui continuent de proposer.

«Que ton enfant soit beau et tout le monde l'embrassera»
L'aide à une entreprise peut revêtir des formes multiples et variées. Mais la meilleure est sans doute celle qu'elle se donnera à elle-même. Tant sur le marché national que celui international, il n'y a qu'un seul critère qui soit valable pour la présence ou non d'un produit ou d'un service quelconque. Il s'agit de la valeur qui est ajoutée à ce produit ou ce service ou, pour être plus juste, il s'agit de la valeur de l'offre de l'entreprise. Cette valeur peut concerner directement ou non le produit ou le service en question. Il suffit, comme disent les gens du marketing, qu'elle soit «visible» par les consommateurs. Il ne fait dès lors aucun doute que les efforts de nos entreprises doivent être orientés non pas sur le produit ou service mais sur la qualité du produit ou service et sur le processus qui assurera cette dernière.
Si les produits nationaux trouvent du mal à se vendre c'est qu'ils ne renferment pas assez de valeur offerte. Cette valeur-là ne peut malheureusement pas s'améliorer par la taxation des importations ou par l'encouragement à consommer local, mais grâce à des stratégies de développement des entreprises et des stratégies d'innovation.
Les entreprises ont besoin d'être bien gérées pour arriver à améliorer leur capacités compétitives. Un proverbe bien de chez nous dit: «Jib oualdek zine elli wala y boussou» (que ton enfant soit beau et tout le monde l'embrassera). Lorsque nos entreprises arriveront à offrir des produits ou services valables, tout le monde en redemandera sans doute. En attendant, changeons la manière de les aider en les rendant plus responsables et moins dépendantes de l'aumône.
 

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