jeudi 22 novembre 2012

Perspectives de la coopération algéro-française ?


L’Algérie est un partenaire stratégique en matière d’énergie pour la France et généralement pour l’Europe (concurrent de la Norvège et de la Russie). Et ce, à travers Medgaz (Europe, via Espagne), Transmed (Europe, via Italie, le projet Galsi étant actuellement en suspens), les prévisions étant une exportation totale de 85 milliards de mètres cubes gazeux à l’horizon 2015, dont une grande partie en direction de l’Europe. Il faudrait entrevoir également le développement de l’énergie solaire qui peut donner lieu à une coopération par la promotion de multitudes de PMI/PME du fait des données concernant l’épuisement à terme des énergies fossiles en Algérie, dont la durée de vie des réserves en termes de rentabilité financière : 16 ans pour le pétrole, 25 ans pour le gaz, en tenant compte de la forte consommation intérieure et des prévisions d’exportation. Avec un territoire de 2,5 millions de km2, et une démographie dynamique (taux de croissance de 2%/ an avec 37 millions d'habitants fin 2011, 42 millions en 2020, 50 millions en 2030). les richesses de son sous-sol (pétrole et surtout gaz : 4ème exportateur mondial), l’Algérie dispose d’une situation macroéconomique relativement saine avec une dette extérieure de moins de 3% du PIB, des réserves de change importantes de plus de 193 Mds USD (couvrant 3 ans d'importations), malgré une reprise de l’inflation qui devrait clôturer en tendance annuelle à plus de 8% en 2012, et un chômage qui touche une grande fraction de jeunes et récemment les diplômés , la diversification de l’économie, la modernisation et le développement des infrastructures, l’investissement et la création d’emplois sont les grands axes de la politique de développement du pays. Un vaste plan d’investissements sur la période 2009-2014 de 286 Mds USD est en cours de réalisation. Dans le cadre d’un partenariat gagnant -gagnant la coopération entre l’Algérie et la France peut être renforcée. Selon le trésor français, avec une part de marché de 15% et des exportations, la France est l’un des tous premiers investisseurs en Algérie avec un stock d’IDE estimé à 1,9 Md € (Banque de France) en 2010. 450 entreprises françaises sont présentes en Algérie et génèrent 35 000 emplois directs et 100 000 emplois indirects. Si l’on s’en tient aux aspects économiques, l’objectif de la visite du président français François Hollande s’inscrit dans le cadre de la volonté des deux pays de dynamiser les relations par le biais de partenariats interentreprises, de type gagnant-gagnant, en synchronisant nos actions afin de rapprocher des intérêts économiques et commerciaux des entreprises des deux rives de la Méditerranée, notamment les partenariats publics et privés, la formation, le transfert de savoir axé sur les innovations en Algérie. Plusieurs accords par le passé ont matérialisé la coopération algéro-française. Dans le domaine énergie, l’accord signé en 2003, entre l’Agence de promotion et de rationalisation de l’énergie (APRUE), côté algérien, et l’ADEME, Agence française de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, ainsi qu’entre l’entreprise nationale Sonatrach et Gaz de France par les PDG des deux compagnies. On relèvera par ailleurs que les investissements en hausse de Total marquent le retour des Français dans le secteur des hydrocarbures en Algérie, où ils ont été supplantés par les Américains et les Britanniques dans les années 1990-2000. Concernant les services, on ne saurait ignorer la présence de banques françaises en Algérie, à l’instar de BNP-Paribas et de Société Générale, ainsi que d’assureurs français, comme Axa, et de nombreuses PME/PMI dans l’industrie et le bâtiment et travaux publics. Concernant l’usine Renault l’ex ministre de la promotion de l’Investissement algérien avait d’affirmé en juillet 2012 que l’Algérie produira des voitures Renault, 75 000 unités par an. Or, les normes internationales pour les voitures de moyenne gamme tendent vers 300 000 à 400 000 unités par an. Il s’agit donc de répondre à des questions stratégiques de faisabilité de tout projet. Construit-on actuellement une usine de voitures pour un marché local ou régional, voire mondial, afin de garantir la rentabilité financière face à la concurrence internationale ? Cette filière n’est-elle pas internationalisée – des sous segments s’imbriquant au niveau mondial et : quelle sera la capacité de production, à quels coûts, hors taxes, l’Algérie produira-t-elle cette voiture d’autant plus que l’on peut interdire les importations? Et que se passera-t-il, en tendance, lorsque le dégrèvement tarifaire allant vers zéro reporté à 2020 selon les accords qui lient l’Algérie à l’Union européenne ? Comme il ya lieu de revoir le mode d’attrait de l’investissement productif étranger afin qu’il puisse se développer davantage en Algérie, ce qui pose la problématique à la suite des dernières mesures adoptées des 49/51%. En effet, lors de mes visites à l’étranger, j’ai pu constater que la majorité des investisseurs internationaux– pas seulement les Français – sont réticents quant à la règle des 49/51%. En dehors des secteurs stratégiques, il serait souhaitable d’aller vers des critères plus positifs pour l’Algérie, à savoir une balance technologique et financière positive, et faire participer notre émigration, qui a acquis un savoir-faire. La loi de finances complémentaire 2009, avalisée par celles de 2010/2011, prévoit pour le commerce 30% au maximum pour les étrangers et 70% pour les nationaux. Pour l’agriculture, la nouvelle loi foncière 2010 restreint presque toute activé pour les étrangers. Concernant l’encadrement de l’investissement étranger dans les services, BTPH et industries y compris les hydrocarbures et les banques-assurances, le privé étranger doit avoir au maximum 49% et le local 51%. Pour être en position de force dans les négociations internationales à la lumière des nouvelles mutation géostratégiques mondiales, l’Algérie faire des efforts pour réformer structurellement ses institutions et l’économie, aller vers l’Etat de Droit, plus de démocratie en luttant contre la corruption socialisée qui menace les fondements de l’Etat algérien (bonne gouvernance) évitant le statu quo suicidaire.
Conclusion
Il faut le reconnaître que les relations économiques entre l’Algérie et la France, malgré des discours de bonnes intentions, sont loin des attentes des deux pays. La visite du président François Hollande en Algérie permettra t- elle de relancer la coopération entre l’Algérie et la France grâce à un partenariat stratégique qu’il s’agit clairement de définir ? Car les échanges se limitent essentiellement aux hydrocarbures pour la partie algérienne, aux services, notamment bancaires, l’agroalimentaire, les produits pharmaceutiques et les produits issus de l’industrie automobile – pour la partie française, alors que les potentiels sont énormes. Sous réserve de profondes réformes micro-économiques et institutionnelles, une visibilité et cohérence dans la politique socio-économique évitant l’instabilité juridique perpétuelle qui décourage tout investisseur dans le moyen et long terme, expliquant la dominance du commerce et de la sphère informelle qui contrôle plus de 40% de la masse monétaire en circulation et 65% des segments de produits de première nécessité, l’Algérie a toutes les potentialités pour passer d’une économie de rente à une économie hors hydrocarbures. Elle peut, sous réserve d’un réalisme politique qui doit trancher avec les nostalgies dépassées des années 1970, devenir un pays pivot dans l’espace euro-méditerranéen, au sein du Maghreb pont entre l’Europe et l’Afrique, principal défi du pays entre 2012/2020. Dans ce cadre l’Algérie et la France, tout en n’oubliant pas le devoir de mémoire, doivent dépasser les préjugés, de projeter vers l’avenir et entreprendre ensemble au sein de ces espaces mondialisés (1).
Dr Abderrahmane Mebtoul, Professeur des Universités, expert international en management stratégique

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