Un matin, place de la Fosse aux Chênes à Roubaix. Trois jeunes sortent d’un commerce, un chocolat chaud à la main. Karim, Nadir et Brahim ont passé la vingtaine. Depuis qu’ils ont arrêté l’école, ils se retrouvent chaque jour au pied des immeubles. Sorte de rituel. Contrairement à leurs parents, ils sont nés en France. Pourtant, à l’image du joueur de football Sofiane Feghouli, ils ne se sentent pas pleinement intégrés dans la société. « Régulièrement, on nous rappelle qu’on n’est pas de vrais Français, par une remarque ou un regard », commence Karim. Depuis les attentats des 7, 8 et 9 janvier, tous sentent une tension. « Il y a un après Charlie Hebdo . Les contrôles de police sont plus fréquents. On nous prend pour des braqueurs ou des terroristes en puissance. Les gens regardent trop de films ! », regrette Nadir.
Roubaix-Tourcoing : une difficulté de plus
Au cours de la discussion, le groupe va s’étoffer jusqu’à réunir une petite dizaine de personnes. Tous partagent le même ressenti : la double nationalité n’ouvre pas de porte surtout quand elle se voit. « Pour trouver un job, on doit en faire deux fois plus que les autres », explique Nadir. « Trois fois plus, quand tu habites Roubaix-Tourcoing », ajoute Karim. Génération « sacrifiée », « perdue », leurs mots sont durs. « La France n’assume pas sa mixité. »
Aborder la question de la double nationalité dérange. « Allez voir ailleurs, il y aura peut-être de vrais Français pour répondre », nous assène-t-on en entrant dans un café tourquennois. Sur la Grand-Place la discussion s’engage plus facilement. Autour d’un café, Belkacem, 45 ans, évoque cette différence. « On sent qu’il y a un petit quelque chose qui cloche quand on parle avec les gens. On ne nous dit rien, mais ça se sent », explique le maçon, installé à Tourcoing depuis 20 ans. Diffus, le malaise est tenace. « On n’est jamais à 100 % égaux », assure Kamel, Algérien qui vit à Roubaix depuis 10 ans. Ici, on est mieux reçu qu’ailleurs en France, mais il y a toujours quelqu’un pour te dire de rentrer chez toi . » Autrement dit, au Maghreb.
« On est entre deux »
Une idée improbable pour Mossa, franco-algérien de 40 ans. « On vit depuis si longtemps en France qu’on n’est plus que de passage en Algérie. On est entre deux. Ce n’est pas évident. » À la table voisine, Ali, 22 ans, Tunisien, a fui la révolution pour gagner la France en 2011. Depuis, il subit une autre forme de discrimination : « entre ceux nés en France et ceux nés de l’autre côté de la Méditerranée. »
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