jeudi 13 mars 2014

Les instances internationales au chevet de l’économie tunisienne : Opération de sauvetage de l’icône du Printemps arabe

Pour être l’unique modèle à sauver dans le printemps arabe, notamment après l’adoption de la nouvelle Constitution et l’installation d’un gouvernement de technocrates pour veiller à la dernière phase de transition, la Tunisie ne cesse d’attirer les décideurs des institutions financières internationales, accourant au chevet de l’économie tunisienne afin de lui trouver la recette idoine pour un sauvetage impératif. Mais il ne suffit pas de faire le check-up.
Tunis
De notre correspondant


Quelle thérapie pour faire sortir la Tunisie de la crise ?  En moins de deux semaines, ont transité par Tunis Donald Kaberuka, le président de la BAD, Massoud Ahmed, le directeur pour le Moyen-Orient et l’Asie centrale du FMI, Inger Andersen, vice-présidente de la Banque mondiale pour la région Moyen-Orient et Afrique du Nord, ainsi que Philippe de Fontaine Vive, vice-président de la Banque européenne d’investissement (BEI), en plus d’une pléiade d’experts. Le passage à Tunis de ces gros calibres de la finance internationale indique que l’on s’intéresse de près à cette opération de sauvetage de l’économie tunisienne, notamment en ce qui concerne les solutions à prescrire afin qu’elles soient en harmonie, aussi bien avec les espoirs des citoyens que des capacités du pays.
A cet effet, des réunions de travail ont été tenues par les délégations de la BM et du FMI avec les experts du gouvernement, des principaux partis politiques et organisations de la société civile (UGTT/Utica), piliers du Dialogue national. L’objectif, selon l’économiste Mahmoud Ben Romdhane, ce n’est pas de se limiter à trouver des solutions pour le budget 2014 mais, plutôt, «aider à asseoir les bases d’un nouveau modèle de développement en Tunisie, en mesure de faire renaître l’espoir né du départ de Ben Ali un certain 14 janvier 2011». C’est ce qui justifie par ailleurs l’implication de toute la société civile et et la classe politique dans la recherche de cette perspective, afin de parvenir à une proposition consensuelle pouvant être accompagnée de mesures impopulaires. C’est par ailleurs la raison pour laquelle Mehdi Jomaa a dit aux Tunisiens les quatre vérités concernant la situation désastreuse de leur économie. «Tout le monde doit être averti et, surtout, impliqué», insiste l’économiste.
Soutien entier
En constatant la succession des visites de ces barons de la finance internationale en Tunisie, il est clair que l’on veut sauver l’économie tunisienne en rééquilibrant ses ratios fondamentaux fortement déstabilisés pendant ces trois dernières années. Avec la venue aux commandes du pays de managers de la trempe de Mehdi Jomaa (Hutchinson-Total) ou Hakim Ben Hamouda (BAD), issus du monde du business international, les leaders du monde international de la finance traitent désormais avec leurs «collègues», ce qui constitue déjà un avantage considérable pour la Tunisie, sans oublier ce devoir moral de «sauver» l’expérience tunisienne, l’unique à posséder les ingrédients pour réussir, comme l’ont affirmé François Hollande ou John Kerry, lors de leurs passages respectifs à Tunis.
Le sauvetage de cette expérience a besoin d’un fort levier socioéconomique pour résorber les problèmes du chômage, de la pauvreté et du déséquilibre régional, qui ont été à la base de la révolution tunisienne.La transition démocratique en Tunisie ne saurait réussir sans une attaque de front de ces problématiques. Une deuxième chance s’offre donc à la Tunisie. L’objectif est de «focaliser sur la reprise économique, dans la mesure où l’économie n’est pas encore parvenue à relayer les acquis politiques et sociaux», comme l’a assuré  la vice-présidente de la Banque mondiale pour la région Moyen-Orient et Afrique du Nord, Inger Andersen, lors de son récent passage en Tunisie.
Les experts financiers internationaux tiquent toutefois devant le déséquilibre de la balance de paiements du pays avec un chapitre compensation dépassant largement les quatre milliards de dinars, soit près du cinquième du Budget. Le problème, c’est que cette compensation représente un choix stratégique en Tunisie depuis son indépendance avec la subvention des produits alimentaires de base et du transport, en plus de la gratuité de la scolarité et du développement de la santé publique, sans oublier la compensation de l’énergie.
D’où la grande problématique à résoudre de manière concertée afin de faire sortir l’économie de l’abîme et redonner de l’espoir à toutes les catégories sociales. La venue des grosses pointures de la finance internationale traduit des dispositions pour venir en aide à la Tunisie. Encore faut-il que l’élite tunisienne fasse preuve de savoir-faire afin que les citoyens reprennent confiance en leur révolution et que la place de Tunis attire de nouveau les capitaux. Un nouveau défit à relever.

 

Un déficit budgétaire qui suscite des inquiétudes

Selon le président de l’Association des économistes tunisiens, Mohamed Haddar, l’inquiétude provient essentiellement du retard constaté dans la reprise économique en Tunisie après le creux du à la révolution. «La production n’a pas encore repris comme il se doit et les investisseurs ne sont pas encore de retour», constate Professeur Haddar, qui ajoute que «c’est inquiétant de voir un déficit budgétaire de près de 08 % et un creux de 16,3 % du PIB dans la balance commerciale, sans parler des difficultés du système bancaire». Professeur Haddar conclut à «des difficultés structurelles de l’économie».
En termes de chiffres, la Tunisie compte une population de 10,9 millions d’habitants, dont 3.978.600 sont actifs, selon les statistiques de l’Institut national des statistiques (INS). Le taux de chômage est estimé à 15,3 % (12,8 % chez les hommes et 21,9 % chez les femmes). Le nombre de chômeurs est estimé à 609.900, dont 242.300 de diplômés du supérieur. Avec un taux de 41,9 %, la gente féminine est plus touchée par le chômage des diplômés que la gente masculine qui n’enregistre que 21,7 % de chômeurs.
En termes de ratios globaux de macroéconomie, le PIB de la Tunisie est estimé à 72 Milliards de dinars tunisiens, soit près de 35 Milliards d’Euros. La moyenne de revenus par tête d’habitant s’élève à 3300 Euros. Le Salaire minimum garanti en Tunisie (SMIG) se situe à la hauteur de 140 Euros. Le Budget prévisionnel 2014, préparé par le gouvernement de Ali Laâreyedh et qui va être révisé par le nouveau gouvernement de Mehdi Jomaâ, s’élève à 28,3 Milliards de dinars, soit près de 13 Milliards d’Euros, avec un déficit prévu de 08 %.
Le taux de croissance du PIB a été évalué à 2,6 % en 2013 après 03 % en 2012 et (-1,8 %) en 2011. Il est estimé à 2,5 % en 2014 et «pourvu qu’il soit supérieur», espère le ministre de l’Economie et des Finances, Hakim Ben Hamouda, «si le secteur du phosphate reprend comme il faut», précise-t-il. La balance commerciale vit un gap inquiétant de près de 12 Milliards de dinars, soit plus de 15 % du PIB, en 2013 et 2012 avec des exportations de l’ordre de 27.701 MD et 26.547,6 MD, alors que les importations s’élèvent respectivement à 39.509,4 MD à 38.178 MD. (M.S.)
 El Watan

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire