Les étudiants diplômés de nos universités seraient plus enclins à s’orienter vers la création de leurs propres entreprises que vers le salariat, comparés à leurs confrères européens et canadiens.
C’est du moins ce qui ressort d’une étude qui vient d’être réalisée auprès d’un nombre d’étudiants algériens et dont les résultats ont été communiqués à l’occasion de la première conférence virtuelle sur l’entreprenariat des jeunes tenue, mardi dernier, à l’université de Bab Ezzouar (USTHB). Ces résultats semblent aller à contre-sens des chiffres de l’Office national des statistiques (ONS) relatifs à l’enquête sur l’emploi 2011 qui confortent le salariat comme principal mode d’insertion dans le monde du travail chez les diplômés universitaires. L’étude intitulée «Projets entrepreneuriaux chez les étudiants : états des lieux et comparaison internationale (Algérie, Canada, France, Belgique)» a été réalisée en collaboration avec des universités canadienne, française et belge.
Elle a porté sur un échantillon de 1.810 étudiants, dont 8% Algériens. Elle démontre que «l’intention d’entreprendre des étudiants algériens est plus élevée que celle des Canadiens et des Européens». Même constat en ce qui concerne «l’aspiration à l’identité d’entrepreneur, la clarté des buts entrepreneuriaux et l’attitude face à l’acte d’entreprendre» dont les indicateurs sont tous plus élevés que chez les étudiants canadiens et européens.
De quoi surprendre quand on regarde les chiffres de l’ONS dont l’enquête sur l’emploi en 2011 avait révélé que s’installer à son compte était la dernière option recherchée par les chômeurs diplômés pour s’insérer dans le monde du travail. Seulement 21,5% d’entre eux empruntaient ce chemin. La majorité d’entre eux (91%) avançaient comme premier recours l’inscription auprès de bureaux de main-d’œuvre, 84% les démarches auprès des entreprises et 77% l’utilisation de relations personnelles. Cette tendance ne concerne pas seulement les diplômés universitaires puisqu’elle touche également les chômeurs diplômés de la formation professionnelle et les chômeurs non diplômés qui sont respectivement 34% et 32% seulement à songer à s’installer à leur compte, selon la même enquête.
Facteurs subjectifs
Plusieurs étudiants rencontrés par ailleurs à l’occasion de la conférence ont avoué être davantage intéressés par «les multinationales ou partir à l’étranger» que créer leurs propres entreprises. Cette dernière option est considérée par certains d’entre eux comme «risquée» en raison «des conditions bancaires et des conséquences en cas d’échec». D’autres, en revanche, voient en l’entrepreneuriat «une chance de se faire un statut et de réaliser ses propres buts», ce qui est plus «intéressant que d’avoir quelqu’un sur le dos qui vous donne des ordres et qui est, souvent en plus, moins qualifié que vous», affirment-il.
Mais si l’envie d’entreprendre existe, sa concrétisation dépend de certains paramètres. Ainsi, les auteurs de l’étude avancent comme facteurs encourageants un environnement socioéconomique «favorable» expliqué notamment par un taux de chômage élevé chez les jeunes diplômés. Selon l’ONS, le chômage touche davantage les universitaires et plus particulièrement les diplômés que les autres catégories (16,1% en 2011 et 21,4% en 2010). A cela, il faut ajouter les mesures mises en place par les pouvoirs publics pour faire baisser le chômage global à travers les dispositifs de création d’entreprises comme l’Ansej et la CNAC.
Le salariat alléchant
L’ensemble de ces facteurs relativise les résultats de l’étude dont les auteurs ont souligné que «les normes subjectives sont plus marquées pour les Algériens que pour les Canadiens ou les Européens». En d’autres termes, l’entrepreneuriat chez les étudiants algériens relève davantage d’une exigence imposée par un contexte que d’un choix. Ce qui va davantage dans le sens des statistiques de l’ONS qui montrent que le salariat reste encore l’option privilégiée pour l’insertion dans le monde du travail. Selon l’enquête 2011, il constitue la forme d’emploi «dominante qui touche les 2/3 des occupés (67%)».
Plus précisément, l’emploi salarié constitue la forme d’emploi dominante pour les occupés diplômés représentant 83,5% de l’ensemble de cette population. L’ONS avait fait remarquer que «l’emploi salarié représente le débouché principal pour les diplômés du supérieur, alors que le travail indépendant reste marginal et presque limité».
La tendance est appelée à se poursuivre avec les dernières augmentations de salaire, d’après certains observateurs. Une source bancaire nous avait précédemment déclaré que «nous sommes dans un système qui conforte le salariat public en multipliant son pouvoir d’achat, ce qui est dangereux parce que cela réduit l’esprit d’entrepreneuriat et l’expansion d’entreprises privées». Selon cette même source, «il ne faut pas que les salariés (fonctionnaires ou du secteur économique public) soient les seuls à toucher des augmentations, de même qu’il ne faudrait pas que l’écart se creuse entre le travail salarié et non salarié auquel cas cela entraînerait une déprime du marché économique».
Au-delà des motivations qui poussent les futurs diplômés à l’entrepreneuriat, les chômeurs en Algérie sont loin d’avoir le choix et agissent davantage en fonction des options du moment. L’enquête de l’ONS avait fait ressortir que 62% des chômeurs sont indifférents au type d’emploi recherché qu’il soit un emploi salarié ou s’installer à leurs propres comptes, alors que 33% préfèrent un emploi salarié.
Safia Berkouk
EL WATAN
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