lundi 22 octobre 2012

Les entreprises et les banques lancent un appel aux pouvoirs publics : “Libérez l’investissement !”


Si la contrainte de financement des projets d’investissements portés par des privés est reconnue par les uns et les autres, banquiers et chefs d’entreprise n’en ont pas la même perception.

Dans le contexte actuel de l’économie algérienne, marqué par une croissance molle et un taux de chômage toujours trop élevé, notamment chez les jeunes, l’avenir dépend, en grande partie, des PME-PMI et le développement de celles-ci, de la possibilité pour elles d’accéder à un financement efficace de leurs activités d’exploitation et d’investissement. Pour le président du Conseil d’orientation stratégique du Forum des chefs d’entreprise (FCE), “il faut aller vite” si l’Algérie veut rattraper son retard. Intervenant à l’ouverture, hier à l’hôtel El-Aurassi, de la première édition des “Journées de l’entreprise algérienne”, consacrée à la problématique de la relation entre l’entreprise et les banques, M. Omar Ramdane a qualifié “d’aberrant” l’inaccessibilité de certains secteurs pour les privés algériens, citant notamment les banques, mais également le transport aérien, la pétrochimie, l’amont et l’aval pétrolier… “Le privé doit pouvoir investir dans n’importe quelle filière et branche. On doit encourager nos chefs d’entreprise à investir et réduire la facture d’importation. Sinon, nous pourrions connaître de graves problèmes”, estime Omar Ramdane. Le patron de Modern Ceramics relève que l’Algérie est l’un des rares pays dans le pourtour méditerranéen et en Afrique à ne pas avoir de banque privée à capitaux nationaux sur le marché.
L’activité bancaire reste totalement entre les mains du secteur public (à 90%) ou du secteur bancaire à capitaux étrangers (à 10%). Il est vrai que les premières expériences d’implication du secteur privé national n’ont pas été concluantes. “L’expérience très négative” de la banque Khalifa, “a coûté de l’argent au Trésor, ruiné des épargnants et surtout causé de gros traumatismes”. “Est-ce que pour autant nous ne devons pas avoir des banques privées nationales comme cela se passe ailleurs ou chez nos voisins ?”, s’interroge Omar Ramdane. Le président du Conseil d’orientation stratégique qualifie aussi “de bonne chose” l’aisance financière dont jouit notre pays et les liquidités abondantes qui se trouvent au niveau des banques. Ce qui veut dire que l’épargne est très forte en Algérie. Cependant, cela ne se traduit pas sur le terrain.
Des chefs d’entreprise se plaignent de ne pas pouvoir mobiliser facilement des financements. Omar Ramdane plaide pour la promotion de champions nationaux, citant l’exemple de la Corée du Sud.

“Le secteur privé ne subit pas d’effet d’éviction”
Si la contrainte de financement de projets de développement portés par des privés est reconnue par les uns et les autres, banquiers et chefs d’entreprise n’en ont pas la même perception. M. Abderrezak Trabelsi, délégué général de l’Association des banques et des établissements financiers (Abef) relève dans sa communication que la répartition des crédits à l’économie, par secteurs, semble globalement favorable au secteur privé. “Le secteur privé ne subit pas d’effet d’éviction”, a-t-il affirmé, estimant que “c’est l’exemple type de faux débat”. Pour autant, le délégué général de l’Abef reconnaît que “d’une manière générale, le financement de l’investissement productif pose un énorme problème”. Selon lui, l’environnement de l’investissement est des plus défavorables et la communauté bancaire en subit les conséquences directes. “Il est extrêmement risqué de faire des montages financiers”, a constaté Abderrezak Trabelsi, relevant également que “la pénalisation de l’acte de gestion, un des freins les plus importants à l’expansion de l’activité de crédit”. Il cite, également, la pénalisation de l’infraction à la réglementation du change, “qui fait que dans une banque beaucoup de ressources et d’énergies sont affectées à cette composante tant le risque peut être très préjudiciable”.
Le délégué général de l’Abef indique que le leasing a connu un démarrage extrêmement encourageant. Cependant, l’introduction du nouveau système comptable, qui a modifié la spécificité fiscale du traitement du leasing, “risque de lui donner un coup de frein”. Du coup, l’Abef demande le maintien de cette spécificité. Parmi les autres contraintes au développement des crédits à l’économie, M. Trabelsi évoque, également, la faiblesse du tissu économique privé, la taille des entreprises, dont 95% sont des TPE, le mode de gouvernance des PME et la faible maturation des projets sous l’angle financier.

35 milliards de dollars circulent en dehors des banques

35 milliards de dollars circulent en dehors des banques, selon le directeur général de HSBC, M. Rachid Sekkak, affirmant que la liquidité en dehors du circuit bancaire croît plus vite que le Produit intérieur brut (PIB). Seulement deux tiers de la population algérienne. L’Algérie est le pays de la région où la densité du réseau bancaire est la plus faible. L’Algérie ne dispose que d’un point bancaire pour 25 700 habitants. Évoquant l’excès de liquidité bancaire, M. Sekkak a indiqué qu’à fin 2011 les reprises de liquidité, réalisées par la Banque d’Algérie sont estimées de 32 à 33 milliards de dollars.
En d’autres termes, 35% des ressources collectées par le secteur bancaire, public et privé, sont redonnées à la Banque centrale sous forme de reprise de liquidité. “Est-ce qu’un tel niveau de surliquidité n’est pas la preuve, tout simplement, d’une insuffisance d’opportunités d’investissement pour les banques”, s’interroge M. Sekkak, estimant que “les banques subissent un état de fait”. Évoquant son expérience à HSBC, M. Sekkak déclare : “Il y a très peu de demandes de crédit en dehors du refinancement des opérations de commerce extérieur et du financement en besoin de roulement.” “L’investisseur hors étatique est devenu une denrée très rare dans ce pays”, a-t-il estimé, plaidant pour “une politique d’offre au service des entreprises et de leur compétitivité”.
Cela passe, selon lui, par la détermination d’un cadre favorable à l’investissement productif qui élime les effets d’aubaines associés au commerce extérieur qui orientent fortement le comportement des opérateurs et des banques. “Beaucoup d’entre nous sommes pollués par la cocaïne du commerce extérieur”, a indiqué le directeur général de HSBC. D’où le nécessité d’une cure d’intoxication.

“Il faut libéraliser les financements concernant l’investissement”
Le FCE conclut que les banques et les entreprises algériennes ne sont, d’aucune façon, opposées entre elles, mais que, bien au contraire, elles se trouvent les unes comme les autres confrontées aux mêmes contraintes : celles d’avoir à constituer les bases d’une économie algérienne plus performante. “On doit trouver les moyens, nous chefs d’entreprise et de banques, pour construire un lien durable et utiliser les ressources en direction de l’investissement”, a suggéré le président du Forum des chefs d’entreprise, M. Réda Hamiani, plaidant pour “la libération des financements concernant l’investissement”. Pour le président du FCE, il faut rendre le commerce extérieur un peu moins attractif. M. Hamiani plaide également pour l’instauration d’un marché à terme de la devise au profit des entreprises. Dans ce cadre, le président du Fce propose de responsabiliser les banques sur la gestion des devises liées à l’exploration hors hydrocarbures et aux ressources de l’émigration, soit environ 5 milliards de dollars. M. Hamiani souhaite aussi la mise en place de bureau de changes, il annonce que le Fce veut promouvoir la création d’une association des usagers de la banque.
Meziane Rabhi
Liberté

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