vendredi 15 novembre 2013

La France invitée á relancer ses relations avec les pays africains

L’Afrique, c’est bien autre chose que les meurtres de Kidal (Mali), les noyades des migrants près de l'île italienne de Lampedusa ou les exactions des soldats de Bangui (République Centrafricaine), contrairement à ce que croient bien des Français. C’est à ce travail de vérité que s’est attelé le rapport d’information «L’Afrique est notre avenir», présenté, le 29 octobre, au Sénat et codirigé par Jeanny Lorgeoux (PS, Loir-et-Cher) et Jean-Marie Bockel (Union centriste, Haut-Rhin), ancien secrétaire d’Etat à la coopération.
A vrai dire, comme l’explique Lionel Zinsou, président du fonds d’investissement PAI Partners, il s’agit moins d’un rapport que d’un livre, certes copieux (502 pages), mais ambitieux, puisqu’il prétend changer le regard de nos compatriotes sur un continent en pleine mutation qui comptera 2 milliards d’habitants aux portes de l’Europe d’ici quarante ans.
Ce «livre» a le mérite d’expliquer la complexité de l’Afrique où la pauvreté est en recul relatif, mais le nombre de pauvres en augmentation, où la croissance est meilleure qu’avant, mais pas formidable pour autant, où les gouvernements gouvernent mieux, ce qui ne fait disparaître ni les Etats faillis et ni les chefs de guerre.
LA NÉCESSITÉ D'UN « AFRO-RÉALISME »
Autre mérite, il n’évite aucun des dossiers sensibles qui lient et séparent l’Afrique et la France: les opérations militaires, dont «Serval» au Mali est le dernier exemple; le franc CFA; les expulsions des immigrés africains illégaux par charter; la Françafrique; l’intrusion de la Chine, etc.
Il en ressort deux conclusions. La première est la nécessité d’un «afro-réalisme». Malgré leur gouvernance toujours approximative, leurs 400 millions de personnes vivant avec moins de 1,25 dollars par jour et leurs économies peu diversifiées, les Afriques blanche et noire connaissent un développement soutenu et accéléré. Avec le surgissement d’une classe moyenne dans les grandes cités en train d’y pousser comme des champignons, ce sont 320 millions de consommateurs qui entendent profiter des fruits de la croissance.
La deuxième conclusion est que la France doit cesser «d’osciller entre ingérence et indifférence», selon Jean-Marie Bockel, car «l’échec de l’Afrique serait un cauchemar». En raison de son intimité historique avec ce continent, la France a de nombreux atouts pour l’aider dans son décollage. Mais elle doute d’elle-même : « Ratera-t-elle son émergence ?», demandent les rapporteurs, alors que «l’Afrique est notre avenir».
Dix priorités et 70 mesures sont proposées pour «relancer les relations de la France avec les pays africains ». Car, critique Jeanny Lorgeoux, «notre politique africaine a évolué moins vite que l’Afrique elle-même».
Cette rénovation suppose d’abord de «tenir un autre discours sur l’Afrique», un discours sans complexe et qui ne soit pas passéiste. Reprenant une critique de la Cour des comptes, le rapport demande une réunification de la politique africaine sous la responsabilité d’un ministère de la coopération débarrassé des tutelles du Quai d’Orsay et de Bercy.
L'ÉCONOMIE D'ABORD
Plaçant l’économie au premier rang, il demande de «mettre fin à l’hémorragie des services économiques français en Afrique» et d’appuyer la reconquête des marchés africains par les entreprises hexagonales. Pas de sécurité sans développement , mais pas de développement sans sécurité: il souhaite que la présence militaire française soit maintenue.
Sans s’enfermer dans la défense d’une démocratie formelle de type occidental, la France doit promouvoir le pluralisme politique et les contre-pouvoirs. Elle est appelée à cesser les incohérences de sa politique migratoire qui tente d’attirer les élites africaines tout en compliquant leur arrivée et leur séjour dans l’Hexagone. Aussi est-il proposé de créer des visas pluriannuels pour les étudiants et illimités pour les doctorants.
Entre choix stratégiques renouvelés et améliorations institutionnelles ou réglementaires, les auteurs entendent «dessiner les contours de ce que devrait être demain une relation adaptée à un continent en pleine transformation, une relation adulte, renouvelée autour d’un partenariat fondé sur des intérêts respectifs assumés». Une aide à la réflexion et à la prise de conscience.

Le Monde

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