dimanche 9 février 2014

Le dernier cri de la valée du M'Zab

Le dernier cri de la vallée du M'zab

Des dizaines de Mozabites se sont rassemblés jeudi à la Maison de la presse à Alger.
Combien de morts faut-il pour que les autorités interviennent efficacement. Qui éteindra le feu de la «fitna»? Combien de mausolées, tombes, maisons, magasins, voitures faut-il encore brûler et saccager dans les quartiers de la ville de Ghardaïa pour stopper ce conflit intercommunautaire qui n'a que trop duré?
Si dans la capitale pour les autorités, le temps est encore aux interrogations, dans la vallée du M'zab, deux communautés s'exterminent depuis très longtemps maintenant. «Nous voulons comprendre simplement pourquoi Ghardaïa connaît depuis deux mois maintenant le même chaos?», s'écrit Abou Radia El-Djazaïri, un des porte-parole des Mozabites qui ont observé, jeudi dernier devant la Maison de la presse Tahar-Djaout (1er-Mai à Alger), un rassemblement en signe de détresse quant aux graves incidents qui frappent leur communauté. «On n'arrête pas d'enterrer nos enfants; Abderhamani, Kbayli, Khaled, Azeddine,... sans parler de plusieurs autres personnes gravement blessées qui se retrouvent actuellement au niveau de l'hôpital dans un état critique, pourquoi ça ne s'arrête pas? A ce point que les autorités ne s'intéressent plus à nous et demeurent préoccupées par la prochaine élection?», poursuit Abou Radia, d'une voix enrouée par la colère.

Pourquoi?
Le temps n'était pas à l'émotion, mais à la responsabilité et à la sagesse pour les dizaines de Mozabites qui brodaient pacifiquement banderoles et pancartes.
«Est-ce que Ghardaïa n'est pas l'Algérie? Ça nous posera aucun problème, mais qu'on nous le dise seulement!» «Tiguentourine fait partie de l'Algérie et non pas de Ghardaïa?» Plus révélateur que ça, il n'y en a pas! Derrière cette série de cris éclos, une image choquante, celle de l'efficacité d'intervention des autorités pour régler un problème dans une région et son contraire dans une autre. La démonstration était faite non pas par la force des mots et des discours, mais par le silence affiché par ces dizaines de personnes bien dressées dans leurs bottes au coeur de la capitale. L'image interpelle en plus qu'elle démasque la réalité sur les raisons de la crise qui secoue cette région. «Nous voulons que cette effusion de sang cesse. Nous voulons comprendre le pourquoi du mutisme des autorités. Nous voulons qu'une certaine presse cesse d'instrumentaliser et d'enfler les événements qui secouent Ghardaïa», s'écrie-t-il.
Ce qui ce passe dans la vallée du M'zab n'est autre qu'une volonté d'effacement d'une identité programmée. La solution? «Il faut une étude approfondie de la population de Ghardaïa. Il y a des spécificités que tout un chacun est tenu de respecter. Personne ne peut porter atteinte à l'identité d'autrui. L'Etat se doit de nous protéger. A l'instant même, des maisons et des quartiers entiers prennent feu. Des personnes s'entre-tuent en direct. Ne soyons pas naïfs; de combien est la superficie de Ghardaïa? Est-ce possible que les autorités ne parviennent pas à assurer la sécurité? Est-ce possible que les politiques disent qu'ils ne parviennent pas à intervenir? C'est ça l'Etat algérien?», lâche-t-il, avant de terminer avec cet appel en direction des pouvoirs publics: «Ksar Ghardaïa est pourtant très petit par rapport au Ksar d'El Mouradia!».

Le laxisme tue aussi
Parmi les manifestants mozabites déplacés dans la capitale, on a rencontré une des personnalités faisant partie des sages du M'zab. Lui, c'est Abou Chakib Ahmed, élu indépendant à l'Assemblée populaire de la wilaya de Ghardaïa en 1991 et 1996. Voilà sa lecture de la crise: «Il y a un laxisme de la part de tous les responsables. Il y a une non-application des lois de la République. Le citoyen a le droit d'être protégé comme le dit la Constitution. Il faut que la loi s'applique sur toutes les personnes arrêtées. On a prouvé leur complicité, leurs crimes, certains avec la main dans le sac et ils ont été relâchés. Ceci est inadmissible. Celui qui a commis un crime doit être jugé et puni. Cette impunité est inadmissible.» Selon M.Abou Chakib, les Mozabites ne demandent que la paix. «Nous avons des spécificités qu'on veut qu'elle soient respectées et sauvegardées. Qu'on ne s'ingère pas dans nos affaires. Nous sommes une communauté sage, pacifiste et c'est l'Histoire qui le dit», dit-il. En tout cas, si le retour au calme n'a pas pu être rendu possible malgré les maintes commissions de sages mises en place, malgré toutes les tentatives de conciliation, pour M.Abou Chakib, la raison incombe à la communauté adverse qui, selon lui, fait toujours dans la provocation. «Nous, ce que nous avons fait n'est autre qu'une légitime défense. On ne peut pas voir sa maison brûler, ses biens dilapidés et volés sans réagir. Tout les jeunes Mozabites ont étés arrêtés en position de légitime défense», fait-il savoir. On n'a jamais voulu approfondir l'analyse du problème que connaît Ghardaïa. Il faut étudier et prendre le problème d'une manière sérieuse pour voir les véritables raisons de tout cela. C'est un problème qui date depuis 40 ans. Depuis l'époque du parti unique à Ghardaïa. Ce parti n'a pas arrangé les choses dans cette lointaine contrée du pays. Il a nourri la différence, la haine sociale avec tout ce que cela peut engendrer comme danger, instabilité et frustration. Les conséquences de cette irresponsabilité sont aujourd'hui visibles et exprimées de manière violente. «C'est la responsabilité de l'Etat. Nous sommes sous une loi républicaine. Nous sommes protégés par les articles de la Constitution et de la République. L'Etat n'a qu'à appliquer la loi de la République qui est simplement la protection des personnes et des biens. Une chose qui n'a jamais été faite! Au contraire, par endroit et par moment, il y a eu même de la complicité et nous l'avons prouvé», conclut-il.
La situation à Ghardaïa demeure comme un incendie, un feu dont la fumée échappe à travers le laxisme des pouvoirs publics et qui ne cesse d'être soufflé par les semeurs de troubles en allumant d'autres incendies. Encore du laxisme et la prochaine évolution de la crise aura vaincu l'Algérie.

L'expression

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