mardi 19 juillet 2011

Les chiffres sonnent comme une alarme : un million de jeunes de moins de 30 ans sont actuellement au chômage. Le chômage des jeunes, qui n'est jamais descendu en dessous des 15% depuis 1982, a atteint un record en 2010 à 24%. Depuis 20 ans, le taux de chômage des jeunes est plus de 2 fois supérieur à celui du chômage global.

Des chiffres forts, durs, qu'il faut pourtant regarder avec attention. Car ces statistiques ont tout d'un miroir déformant.

Qu'entend-on par jeunes ?

Certains chiffres vont de 15 à 25 ans, d'autres poussent jusqu'à 29 ans. Or, la situation d'un jeune de 25 ans finissant ses études n'a rien à voir avec celle d'un adolescent de 15 ans quittant le collège sans formation. Notons que 16% de nos jeunes quittent le système scolaire sans diplôme.

Il faut donc cesser de mettre tous les jeunes dans le même panel : on ne peut plus dire que les 11 millions de jeunes âgés de 15 à 24 ans en France forment un groupe homogène. On ne peut traiter ce problème sans une approche segmentée.

Les moins qualifiés sont disqualifiés

Il est vrai que près de 30% des 15-19 ans subissent le chômage. Mais seulement 16% de cette tranche d'âge est "active". Cela crée une distorsion mathématique qu'il ne faut pas oublier.

En réalité, le chômage des moins de 19 ans n'est pas un problème d'emploi… mais d'échec scolaire. Voici 150.000 jeunes qui sortent chaque année du système scolaire et auxquels les dernières stratégies politiques pour ne pas dire électoralistes répondent - hors sujet - par des contrats subventionnés de formation ou d'autonomie coûteux et pas si efficaces qu'on le prétend (60% d'échec en moyenne). Alors que c'est d'une deuxième chance d'éducation dont ces jeunes ont besoin. Une deuxième chance d’éducation rassemblant tous les héritages sociaux et culturels du pays.

De même, le chômage des 20-24 ans concerne en fait 500.000 jeunes sans qualification sortis du système universitaire.

Encore une fois, nous sommes face à un problème d'orientation et d'adaptation de l'offre de formations aux besoins du marché du travail… Il ne s'agit pas tant d'un problème d'emploi. Des besoins du marché du travail qui sont tout à la fois orientés vers des métiers manuels, des métiers du tertiaires (service, commerce,…), mais aussi les métiers de l’innovation.
Un problème que les CIVIS et autre "revenu contractualisé d'autonomie" (en cours d'expérimentation) ne pourront résoudre sans un rapprochement de l'offre de formation avec les besoins des entreprises et plus particulièrement les TPE/PME qui crées plus de 80% de l’emploi depuis 15 ans, mais qui peinent toujours autant à recruter les talents dont elles ont besoin, notamment dans le secteur de l’innovation.

Il faut miser sur l'apprentissage

Comment expliquer l'importance du chômage des jeunes en France par rapport à certains pays anglo-saxons et scandinaves notamment ?

C'est parce que ces Etats ont toujours valorisé les formations d'apprentissage, d'alternance et le cumul emploi-études que leur taux d'emploi des jeunes est supérieur de 10 points en moyenne au notre.

Il faut dire que l'alternance représente 11% des jeunes en Allemagne, contre 5% en France. Le cumul emploi-études, c'est 40% des jeunes scandinaves contre 7% des français.

De nombreuses études démontrent que les formations en alternance et l'apprentissage sont de plus en plus reconnus comme des voies de réussite à la fois par les jeunes et les employeurs.

Plusieurs études montrent que ces formations permettent une meilleure insertion sur le marché de l'emploi. Pourquoi ? Simplement parce que ces formations sont directement en prise avec la réalité du marché du travail local. Ce travail local qui permet de solidifier l’ancrage des PME dans le tissus économique régional.

Conséquence, les demandes de formation se sont accrues en 2010. Le nombre d'entrées en formation en alternance a dépassé les 410.000, dont les 2/3 en apprentissage. Seulement voilà, les Centres de Formation n'ont pas les moyens de répondre à ces demandes.

Trop d'employeurs rechignent encore à prendre un apprenti, de peur de perdre du temps, de perdre en productivité et/ou de perdre leur argent. C’est sans doute oublier la responsabilité qui incombent à tous les entrepreneurs de détecter et de former les futurs talents dont nos secteurs ont besoin et plus encore notre économie.
Sans cela, les entrepreneurs scient lentement mais surement la branche sur laquelle ils sont assis. Vous pouvez disposer du plus beau projet entrepreneurial du monde, la différence se fait toujours avec les femmes et les hommes et la capacité que vous avez en tant qu’entrepreneur à former ses hommes et ces femmes. Assurez l’employabilité de ces talents, c’est garantir le progrès de notre économie.

Autre problème : l'Etat et les Collectivités considèrent les entrepreneurs comme des consommateurs d'aides ou de subventions. Depuis 1970, ce sont plus de 35 "contrats aidés" qui ont vu le jour pour favoriser l'emploi des jeunes. Ainsi, en quarante ans, une forme d'assistanat de l'artisanat s'est organisée : désormais, pour un employeur, il est difficilement concevable de payer un apprenti plus de 1.000 € par mois. Comme chacun sait, il est aisé de vivre décemment avec cette somme ! Stoppons la stupidité de cette approche qui fabrique à grande vitesse de la misère sociale en produisant des travailleurs pauvres.

Trop de chefs d'entreprises n'embauchent un apprenti que s'il est éligible à certaines aides. Or, ces aides sont restreintes à des "publics cibles", fermant la porte à beaucoup de jeunes plein de talents et d’allant.

De plus, ces dispositifs sont si divers et concernent tellement d'acteurs que peu d'entreprises savent qu'elles y ont droit. Le maquis juridique entourant l’ensemble de ces dispositifs est tel que même si vous envisagez d’y faire appel, vous aurez vite fait de mettre dans la balance le temps consacré à cela versus le temps dévolu au développement de vos marchés.

Enfin, ces dispositifs incitent les entreprises, mais ne prennent jamais en compte les besoins des apprentis, en matière de logement et de transport notamment. Je pense en particulier aux apprentis qui, en zone rurale, dépendent de leur véhicule personnel pour se rendre du Centre de Formation à leur employeur : qui les aide à financer leur permis de conduire ? Ne parlons même pas de l’acquisition du véhicule. Le coût du logement qui se trouve proche de la zone d’emploi est tel qu’il n’autorise pas l’apprenti à vivre à proximité de son lieu de formation.
De plus, les apprentis accélèrent le coût social du transport, puisque de nombreuses études montrent aussi que le stress des usagers des transports se rendant à leur travail est tel que beaucoup d’entre eux arrivent lessivés dans leur entreprise dès le début de la journée.

Changeons de cap

Nous sommes face aux résultats de l'évolution de notre système éducatif, aux résultats de choix politiques et culturels confirmés depuis 30 ans, de gouvernement en gouvernement, de droite comme de gauche.

La solution au chômage des jeunes dépend donc d'un changement de politique. Il doit avoir pour axe majeur la mise au centre du système de l’apprenant face aux besoins sociétaux et économiques présentés par notre pays. Arrêtons de mettre au centre de nos décisions une certaine idée de la France que se font quelques technocrates dans le confort des cénacles, avec des enfants qui sont à la naissance tirés d’affaire, car la fée carnet d’adresse s’est penchée sur leur berceau. Tant mieux pour eux, mais que fait-on pour les autres ? Tous les autres ?

Commençons par mettre dans la boucle de conception de ces politiques de formation les chefs d’entreprises qui sont autant d’observatoires salvateurs de l’évolution de notre économie. Faisons le ménage dans les mesurettes empilées à la veille d'élections, qui enferment chacun dans des petites cases. Des cases où la jeunesse se sent légitimement étriquée, tant elle revendique son ambition à participer à la construction d’un destin commun.

Continuons par adapter les mesures aux situations locales, en acceptant que Paris et sa région sont un formidable trompe l’œil, pour obtenir une analyse large des problèmes, in fine proposer des solutions adéquates.

Donnons aux centres de formation les moyens de construire un accompagnement global des jeunes, leur permettant de retrouver confiance en eux. En clair la formation ne saurait se circonscrire au savoir-faire, mais devrait s’étendre au savoir être. C'est une clef indispensable pour se mouvoir dans un contexte mondialisé qui bouge vite.

N’oublions jamais que l’on reconnaît la qualité d’une société à sa manière de traiter ses « derniers de la classe ».

Je parle de cette jeunesse qui n’est au mieux considérer que comme une variable d’ajustement. Bâtir sa confiance en l’avenir, lorsque l’on mesure tous les jours le peu de considération que vous apporte une partie des décideurs économiques et politiques du pays, avouez que cela n’est pas chose aisée !

Car, c'est bien de cela qu'il s'agit : permettre à la jeunesse de notre pays de retrouver confiance dans l’avenir et ne pas avoir la tentation d’un vote extrême dont on sait aujourd’hui qu’il risque d’amener la France bien loin de ses idéaux de solidarité et de justice social pour tous.

Alain Dolium

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