jeudi 24 octobre 2013

Les jeunes, touchés de plein fouet par la pauvreté

Une marche contre les discriminations a eu lieu à Paris, le 17 octobre dernier, lors de la journée mondiale contre la pauvreté et l'exclusion.
INFOGRAPHIE - Le nombre de personnes pauvres n'a cessé d'augmenter depuis 2004. Mais la situation française reste moins préoccupante que celles de ses voisins européens.

La pauvreté gagne du terrain en France. Tel est l'enseignement de l'enquête sur l'état de la pauvreté en France, publiée récemment par l'Observatoire des inégalités. Depuis le milieu des années 2000, le nombre de personnes pauvres n'a cessé d'augmenter, atteignant 8,8 millions en 2011.
Avec l'augmentation du taux de chômage, la précarité professionnelle est sans surprise la première cause de pauvreté. «Après 2007 et le début de la crise, on a constaté une hausse de la pauvreté, analyse Julien Damon, professeur associé à Sciences Po. Le choc du chômage a induit un système dual dans lequel les personnes en CDI et les fonctionnaires bénéficient d'un système de protection sociale très indulgent alors que les précaires peinent à y accéder.»
Et même ceux qui ont la chance de trouver un emploi ne sont pas épargnés par la pauvreté: la France compte aujourd'hui près de 2 millions de travailleurs pauvres. Ce phénomène s'explique par «la faiblesse des salaires dans de très nombreux secteurs et notamment par le niveau du salaire minimum», indique l'étude, mais aussi par «le temps partiel» et «le fractionnement des emplois».
Premiers touchés: les jeunes. Aujourd'hui, plus d'une personne pauvre sur deux a moins de 30 ans. Leurs difficultés à s'insérer sur le marché du travail, même après de longues études, les pénalisent durablement. Et avec un taux de chômage des 15-24 ans qui n'est plus descendu au-dessous des 20 % depuis le début de la crise, les perspectives d'amélioration sont ténues.

Infographie France PAUVRETE
Mais la pauvreté n'est pas qu'une question d'argent, comme le souligne Bruno Tardieu, délégué national de l'association ATD Quart-Monde. «Il est réducteur de parler de pauvreté uniquement en termes monétaires. La pauvreté est d'abord l'accumulation de plusieurs précarités.» Et notamment celle des liens familiaux, fragilisés par la multiplication des séparations de couples. Or, les familles monoparentales ont davantage de risques que les autres de tomber dans la précarité puis la pauvreté.
La difficulté à se loger et un accès restreint aux soins constituent également des facteurs majeurs de précarisation. Louis Maurin, Valérie Schneider et Nina Schmidt, auteurs de l'analyse de l'Observatoire des inégalités, estiment à ce titre qu'il est temps de mettre en place «de véritables politiques de l'emploi, de construction de logements, d'accès à la santé et une vraie réforme de l'éducation».

La France, bonne élève de l'Europe

Pourtant, la situation de la France est loin d'être catastrophique. Avec un taux de pauvreté de 14,3 %, elle se situe en dessous de la moyenne européenne, à 16,9 % et fait même partie des bons élèves du continent, aux côtés de la Norvège (10,5 %), des Pays-Bas (11 %) et de l'Autriche (12,6 %). Si l'on considère la grande pauvreté*, la France est même deuxième derrière l'Autriche.
Pour préserver ce statut privilégié au sein du Vieux continent et enrayer la hausse de la pauvreté, tout n'est pas, là encore, question d'argent. «La hausse de la pauvreté n'est pas du tout une question de manque de moyens, précise Julien Damon. Injecter davantage d'argent dans la lutte contre la pauvreté ne serait pas une bonne idée.» La France est d'ailleurs le pays de l'OCDE qui dépense le plus pour son système de protection sociale.

Pour le professeur de Sciences Po, mieux vaudrait rationaliser les dépenses en mettant en place des politiques publiques capables de «simplifier le système de protection sociale et lutter contre le chômage» ainsi qu'une «politique familiale pour faire en sorte que les gens se séparent moins». Et appliquer les recettes qui fonctionnent dans d'autres domaines, comme l'idée d'un «travailleur social référent», sur le modèle du «médecin traitant» dans le parcours de soin.
Les associations luttent, elles, davantage sur le terrain de la représentation de la pauvreté et la lutte contre les discriminations à son encontre. «Nous souhaitons une plus grande accessibilité aux droits, comme la facilitation de l'accès à un logement social, détaille Bruno Tardieu. Il faut aussi que la relation à la population défavorisée change. Nous demandons ainsi que la discrimination pour cause de précarité sociale soit inscrite dans la loi et soit combattue au même titre que les autres discriminations.» Une pétition en ce sens doit être remise prochainement au gouvernement.

*revenus inférieurs à 40 % du revenu médian, soit 386 euros. Le salaire médian s'élève en France à 964 euros. La moitié des Français gagne plus et l'autre moitié moins.

Le Figaro

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