mardi 12 mars 2013

Ce que la chute de l'emploi des cadres dit de la France


Dans son enquête annuelle, l'Apec prévoit une résistance de l'emploi des cadres en 2013 et une « reprise progressive des recrutements » à partir de 2014. Ces deux affirmations sont hélas démenties par les projections les accompagnant. L'évolution du marché de l'emploi des cadres n'est pas bonne et fonctionne comme un révélateur de crise. En cela, elle exprime l'ampleur de notre affaiblissement.
De 1985 à 2007, trois cycles se succèdent en portant à chaque reprise plus haut le volume des embauches de cadres. Une rupture s'observe à cette date, marquant l'entrée de la France dans un équilibre du sous-emploi. Après la crise de 1987, la reprise donne sept années de croissance des embauches de cadres (1993-2001). Le cycle suivant n'en produit plus que trois (2004-2007), le dernier plus que deux (2010-2011). Pire, le point haut de 2011 reste inférieur à celui des deux cycles précédents et l'atonie prévaudra en 2013-2017.
S'il est vrai que l'avenir se joue dans une économie des savoirs et de la connaissance, dans l'innovation et la recherche, il est vain de penser sauver la collectivité en consacrant attention et moyens aux emplois non qualifiés et en en faisant porter le coût par les emplois qualifiés et bien rémunérés. Il faut avoir, par ailleurs, présent à l'esprit que souvent seuls ces emplois offre un solde net positif entre créations et destructions de postes et qu'ils l'alimentent toujours.
D'où vient l'affaissement de la création de ces emplois ? De l'essoufflement, de l'insuffisance des investissements, véritables moteur de la création d'emplois comme l'a montré le modèle économétrique de l'Apec. L'inflexion n'est pas le seul fait de la crise puisqu'elle lui est antérieure. Celle-ci donne plus d'ampleur aux conséquences irrémédiables de la dégringolade du taux de marge des entreprises qui de ce fait ne peuvent ni investir ni croître, de la destruction de l'investissement public par les choix en faveur de la consommation et des dépenses de fonctionnement, de la polarisation des aides publiques en faveur des emplois peu ou pas qualifiés.
Aucune politique économique ne se dessine depuis près de trente ans. Les mêmes résignations se lisent dans les fantasmagories selon lesquelles une réduction du chômage passe par un meilleur accompagnement des chômeurs sans avoir à déployer une politique créatrice d'emplois nouveaux. La croissance ne viendra pas de l'Esprit saint visitant l'Europe un jour de révélation, mais de nous-mêmes, de nos efforts en faveur de la réussite scolaire, en faveur des capacités d'investissement des entreprises, de la mobilisation des finances publiques pour répondre par exemple aux besoins criants en logement ou en infrastructure.
L'inanité de la politique du logement, ruineuse pour les finances publiques et radicalement inefficace, est révélatrice d'une légèreté collective. Depuis des décennies nous dépensons 4 % du PIB en aides pour manquer d'un million de logements, la situation ne pouvant qu'empirer avec la croissance attendue de la population. Rien n'est entrepris alors que ce besoin appelle un million d'emplois nouveaux sans qu'il soit nécessaire de les subventionner, mais en réorientant les politiques publiques. Nous fûmes capables d'accueillir dans l'urgence des rapatriés d'Algérie ou de construire des villes nouvelles en se libérant de la contrainte foncière, mais désormais il semble que rien ne soit possible. Où est le politique quand les besoins de la population n'inspirent plus l'action publique ?
Jacky CHATELAIN
Les Echos.fr

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