A Porto Alegre, théâtre de la rencontre, à Alger, à Paris ou à Marseille, les célébrations sont à la hauteur de la performance réalisée par la sélection algérienne. Dimanche 22 juin, les Fennecs ont largement dominé la Corée du Sud (4-2) lors de leur deuxième match du Mondial brésilien. Trente-deux ans, presque jour pour jour, que les Algériens n'avaient pas remporté une rencontre de Coupe du monde. C'était le 24 juin 1982, en Espagne et la bande à Rabah Madjer avait battu le Chili (3-2). Le festival offensif face aux Coréens permet aussi aux Fennecs de devenir la première équipe africaine à inscrire quatre buts dans un match du Mondial.
Critiqué par la presse algéroise après la défaite inaugurale face à la Belgique, le sélectionneur bosnien Vahid Halilhodzic savoure sa revanche : « L'Algérie a fait un match héroïque, je félicite tous les joueurs. Je dédie cette victoire aux supporteurs de l'Algérie et au peuple algérien qui attendait ça depuis trente-deux ans. Ça a été une victoire de l'orgueil. » « C'est toujours bon de rentrer dans l'histoire du football algérien. Je pense qu'on a montré un beau football, surtout en première période », se félicite le capitaine Madjid Bougherra, né à Longvic en Côte-d'Or.
La résurrection du football algérien laisse apparaître un paradoxe qu'incarne le capitaine des Fennecs : sur les vingt-trois joueurs présents au Brésil, dix-sept possèdent aussi la nationalité française dont seize sont nés en France. Face à la Corée du Sud, huit des onze titulaires possédaient cette double appartenance. Beaucoup sont issus des centres de formation professionnelle français. Certains même, comme les leaders techniques Yacine Brahimi (INF Clairefontaine) ou Sofiane Feghouli (Grenoble Foot 38) ont connu des sélections sous le maillot bleu en catégorie de jeunes.
Ce bouleversement, qui permet à des joueurs d'enfiler la tunique de leur pays d'origine après avoir porté celui de leur pays de naissance, est le fruit d'un intelligent lobbying du président de la Fédération algérienne, Mohamed Raouraoua. En 2009, lors du congrès de la FIFA à Nassau (Bahamas), il parvient à faire voter ce point de règlement et ouvre une autre voie à de nombreux joueurs binationaux. En Algérie, ces « nouveaux » Fennecs suscitent autant d'espérance que d'exigence. Lors de la dernière Coupe d'Afrique des nations, en 2013 en Afrique du Sud, l'élimination au premier tour avait été ressentie très durement au pays.
« IL FAUDRA JOUER AVEC LE COEUR D'UN VRAI ALGÉRIEN »
Rencontré mardi 17 juin à Belo Horizonte (Minas Gerais), avant le premier match face aux Belges, un groupe de supporteurs algériens se réjouissait de ce sang neuf tout en apportant un bémol. « C'est une bonne chose pour nous, avec deux millions d'Algériens qui habitent de par le monde », assurait l'un d'entre eux, Belkacem Houcini. Et d'avertir : « Si l'on veut rejoindre le deuxième tour, il faudra jouer avec le coeur d'un vrai Algérien. » En amateur éclairé et en montrant ses cuisses sculptées d'ancien footballeur, ce moustachu de 54 ans regrette cependant le temps où l'Algérie possédait de « belles écoles de football » : « On a formé de grands joueurs tels que Belloumi ou Madjer. Il y a eu un changement de politique en la matière. Aujourd'hui, on essaie de recréer cela. »
Optimistes avant le début du Mondial, Belkacem Houcini et ses amis s'apprêtent à suivre avec encore plus de passion et d'enthousiasme la rencontre la plus importante du football algérien, contre la Russie. « Si on va en huitièmes de finale, l'Etat prend en charge le reste du voyage », soulignent en choeur les courageux supporteurs, qui effectuent les trajets en bus. Buteur contre la Belgique au premier match, Sofiane Feghouli réalise parfaitement le poids de l'attente que font peser sur ses épaules et celles de ses coéquipiers les 5 000 supporteurs algériens qui ont fait le déplacement au Brésil. « C'est un honneur de porter ce maillot. On veut montrer qu'on est une nation de football et qu'à l'avenir il faudra compter sur nous, affirme le milieu du club espagnol de Valence. Mais pour avoir cette reconnaissance mondiale, ça passe par la qualification au deuxième tour. »
Qu'ils soient algériens ou franco-algériens, cette génération talentueuse a été élevée dans la mémoire des Rabah Madjer, Mustafa Dahleb ou Lakhdar Belloumi, tombeurs de la RFA (2-1) et du Chili (3-2), éjectés de la Coupe du monde 1982 par le funeste match nul arrangé entre Allemands et Autrichiens. « On touche du bout des doigts le second tour, c'est extraordinaire. En Algérie, on parle toujours de cette génération de 1982. Nous, on est là, on est la nouvelle génération et on veut faire mieux qu'eux », assure Feghouli. Jeudi 26 juin, à Curitiba, un résultat nul face aux Russes pourrait suffire à assouvir la nouvelle ambition des Fennecs.
Le Monde.fr
La joie des « Fennecs », de Porto Alegre à Alger
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