mardi 12 avril 2011

Rue89 est allé à la rencontre de jeunes croisés à la sortie de Pôle emploi à Massy, Saint-Denis et Paris.

Saint-Denis - « Il ne reste que les ménages au noir »


Même en plein mois d'août, le Pôle emploi de Saint-Denis ne désemplit pas. Le flux de chômeurs est continu. Parmi eux, de nombreux jeunes.
CV, RIB, formulaire du Pôle emploi, carte d'identité et carte de séjour : dans la pochette, tout y est. Nathalia, 20 ans, vient pour la première fois. Après avoir passé plusieurs mois à chercher un travail en faisant du porte-à-porte dans les supermarchés, elle a fini par s'inscrire à Pôle emploi via Internet.
Titulaire d'un BEP vente, Nathalia signe d'abord un CDD dans un magasin de prêt-à-porter avant de renoncer à cause de ses problèmes de dos. Elle retourne au lycée, en première STG, mais elle arrête après des difficultés familiales.
Depuis huit mois, en attendant de trouver un travail, elle dépend financièrement de son copain qui travaille en intérim :
« Je ne supporte pas de dépendre des autres. Même si, jusqu'à présent, je n'ai pas pu faire autrement. »
Nathalia est venue à l'agence avec la cousine de son copain. Alors que toutes deux rentrent pour le rendez-vous fixé à 14h40, Sandra sort des locaux.

« J'attends un rendez-vous à Pôle emploi depuis deux mois »

Originaire de Vitré en Bretagne, cette jeune mariée vient d'emménager à Saint-Denis. Il y a deux mois, en quittant l'Ouest de la France, elle a dû abandonner son job à l'usine. Elle passe au Pôle emploi en coup de vent, pour prendre des nouvelles de son dossier, transféré de Vitré à Saint-Denis sans problème. Les délais de rendez-vous, pourtant, ne sont pas les mêmes :
« Si à Vitré j'ai eu un premier rendez-vous avec un conseiller en deux semaines, à Saint-Denis, ça fait deux mois que j'attends. »
Après une première année de BEP hôtelier, elle décide d'arrêter :
« Il n'y a pas beaucoup de travail dans l'hôtellerie en ce moment. Et puis ça me coûtait cher : c'était une école privée à 600 euros par mois. »
Finalement, la jeune fille de 19 ans espère beaucoup d'un entretien à la RATP. Elle l'a obtenu grâce à « un piston » comme elle dit : l'une ses amie y travaille déjà. Si cela ne fonctionne pas, elle reprendra une formation par le biais de la mission locale.
Elle prend les choses comme elles viennent, du moment qu'il y a de l'embauche. « Mais tout ça, c'est en septembre. Au mois d'août, c'est mort. »
Elle ne sait pas encore si son installation en Seine-Saint-Denis est définitive :
« Ici, la vie coûte cher. Nous pensons peut-être aller vivre vers Vitré avec mon mari, qui est peintre. »

Adepte de la débrouille

Le piston, c'est également la règle d'or de Cellou. Cet étudiant étranger habite à deux pas du Pôle emploi. Il y passe sans plus rien en attendre, si ce n'est les pages des petites annonces qu'il épluche régulièrement. Comme la plupart des jeunes rencontrés, il estime qu'il n'y a rien de tel que la débrouille pour trouver un job.
A 20 ans, il entre en troisième année de droit à Créteil. Originaire de Guinée, il cherche vainement du travail pour l'été. L'année, il a un contrat de 25 heures avec une chaîne de fast-food.
Le fonctionnement de Pôle emploi le laisse perplexe :
« Au départ, on vous demande cinq documents, genre pièce d'identité, certificat de travail… Puis on vous envoie une lettre pour que vous apportiez encore d'autres papiers. C'est à croire qu'ils veulent retarder votre demande. Il m'arrive de recevoir des convocations périmées de trois jours, par exemple, le 17 pour le 14 aout. Comment voulez-vous venir à un rendez-vous qui a eu lieu dans le passé ? »
Pourtant, il n'a pas hésité à traverser Paris pour trouver du travail :
« On m'a dit qu'à Val d'Europe, à proximité de Disneyland, il y avait de l'embauche. Mais rien. Il ne me reste plus que les ménages au noir. »

Paris - « Difficile de trouver un job en province »

Jérémy dans une rue parisienne, le 17 août 2010 (Audrey Cerdan/Rue89).

Mon inscription à Pôle emploi

Depuis la fusion de janvier 2009, impossible de se présenter
spontanément en agence, l'inscription se fait désormais par le biais de services dématérialisés, par Internet ou au 3949.
Rythmé par le jingle désespérément enjoué du Pôle emploi, un répondeur vocale vous accueille : « La communication sera facturée 11 centimes d'euros la minute ». Certains jours, l'attente peut atteindre quinze minutes.
Après un long sommaire, enfin une voix humaine. Mais jamais la même d'un coup
de fil à l'autre. Au bout du combiné, un télé-opérateur se charge de remplir un formulaire, complète votre identité civile et vous interroge sur la raison de votre perte d'emploi.
A aucun moment le mot
« chômage » n'est employé. En moins de trois minutes, vous êtes enregistré. On vous indique une prochaine convocation en agence.
« Ce matin, nous avons travaillé non-stop », explique un agent du Pôle
emploi. « Plus de 91% de l'aboutement des appels ont pu être résolus en moins de cinq minutes. » Les performances sont enregistrées statistiquement : c'est une question de rationalisation. « Nous avons pas
le temps pour nous occuper des problèmes », répond une voix anonyme du 3949. C.V.
Au cœur du mois d'août, l'agence Spectacles du canal de l'Ourcq (XIXe arrondissement de Paris) est déserte. Ce mardi, les demandeurs d'emplois sont tout au plus une dizaine à pousser la porte d'entrée. Jérémy arrive autour de 17 heures, une demi-heure avant la fermeture.
A 29 ans, constructeur de décor pour le théâtre et statutairement intermittent du spectacle, il a décidé d'élargir ses compétences. A partir de septembre, l'Afdas lui finance une formation en décoration métallique :
« Pour le moment, je ne travaille que sur les constructions en bois. Savoir travailler le métal, ça me permettra d'avoir plus de savoir-faire. Beaucoup de constructeurs sont compétents dans les deux domaines, il vaut mieux être polyvalent. »
Pendant sa formation, il ne touche pas d'Assedic. A l'issue des six mois, il doit se réinscrire.
Le Pôle emploi est une étape ordinaire dans le quotidien d'un intermittent du spectacle, même si les offres d'emplois y sont rares :
« C'est à nous de nous débrouiller et de trouver du travail. Je travaille depuis quatre ans et je ne suis passé au Pôle emploi que pour des raisons administratives. Une formation, une inscription… De temps en temps, il y a une annonce mais ce n'est pas comme ça qu'on travaille. »
Son premier job, Jérémy l'a décroché au culot. Originaire de Franche-Comté, il débarque à Paris en 2005 sans contacts, ni expérience. Il n'en tire aucun orgueil :
« C'est comme ça qu'on fait dans ce métier. Je suis passé dans plusieurs ateliers pour voir s'il y avait du travail. Au début, j'étais surtout dans l'événementiel et les salons professionnels puis petit à petit, j'ai réussi à trouver des choses dans le théâtre.
On arrive, on demande s'il y a du travail, on nous répond : “Oui, tu reviens mercredi à 8 heures”. A partir de là, on reste une semaine, deux, parfois trois. C'est de l'improvisation. »
Au début, sans grande expérience, Jérémy était affecté à des fonctions de bases, pas forcément passionnantes. Surtout, on ne le rappelait pas. Pour lui, ce n'est pas tant une question d'âge que d'expérience - un de ses supérieurs était plus jeune que lui.
En deux ans, il réussi à tisser son réseau et à travailler pour la Comédie-Française et le Théâtre de la Colline. Un de ses chantiers dure trois mois, une « chance ».
Il accumule les 507 heures de travail nécessaires à l'obtention du statut (ouvrant droit aux Assedics), mais sait qu'il peut le perdre à tout moment :
« C'est surtout au début que c'est dur. Sans expérience, 507 heures, c'est énorme. Là, ça commence à le faire pour moi, même si j'ai commencé relativement tard.
Je sais que les intermittents plus âgés s'inquiètent parce que notre statut se dégrade depuis plusieurs années mais si j'ai le choix, je préfère quand même mon job d'intermittent à celui d'un salarié. Je peux travailler sur des ateliers différents et rencontrer des gens. »
Si l'ancien étudiant des beaux-arts de Dijon juge « quasi impossible » de trouver du travail en province, sauf dans les grandes villes comme Lyon et Toulouse, il pense à quitter Paris :
« Dans la construction de décor pour le théâtre, il n'y a qu'à Paris qu'on a autant d'opportunités, mais j'aimerais bien bouger. D'abord parce que je ne suis pas d'ici et parce que Paris, c'est super mais spécial. C'est très cher. A bientôt 30 balais, j'ai envie d'autre chose. »

Massy - de la mode à McDo

Jessy à Massy, le 17 août 2010 (Céline Vigouroux).
En période de pré-rentrée scolaire, à Massy, où près de 15% des jeunes de moins de 25 ans sont au chômage, les bureaux de la mission locale Vita Cité se remplissent surtout de jeunes en quête d'orientation.
Dans le bureau d'un conseiller, Jessy Cytadin, 21 ans, essaye de voir clair dans ses projets d'avenir. Après son bac pro métiers de la mode en poche, la jeune fille veut se réorienter. Elle pense à une carrière sociale.
C'est son premier rendez-vous. Le responsable la rassure : « La balle est dans ton camp, nous sommes à tes côtés pour trouver la meilleure solution. »
Elle raconte :
« Je voulais devenir styliste. Les professeurs m'avaient pourtant prévenue des faibles débouchés de la formation. »
L'expérience amère de l'accumulation des lettres de refus a fini par la décourager. Pendant deux ans, elle travaille à mi-temps chez McDonald's pour 500 euros par mois. Elle économise pour passer le permis.C'est après un passage au Centre d'information et d'orientation (CIO) et un test de carrière qu'elle décide de s'orienter vers le social, un domaine plus porteur d'emploi.
Après avoir échoué trois fois au concours d'entrée à l'école des moniteurs-éducateurs, Jessy a fait le choix de quitter Nancy et ses parents pour s'installer à Paris. Ici, elle espère trouver des stages qui lui permettront de réussir ses examens qu'elle va passer pour la quatrième fois.
En parallèle, elle cherche un emploi d'appoint pour partager les frais de son oncle, chez qui elle loge. Elle attend une réponse de Pôle emploi pour un job d'assistante de vie scolaire.
Zineb Dryef, Caroline Venaille et Céline Vigouroux

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire