Les participants aux journées d'études sur le «Patrimoine villageois
amazigh», ouvertes samedi dernier à la Maison de la culture de Tizi Ouzou, ont
insisté hier, sur l'importance de préserver la microtoponymie villageoise, une
des facettes du patrimoine immatériel aujourd'hui en déperdition. Mustapha
Tidjet, enseignant à l'Institut de langue et culture amazighes de l'Université
de Béjaïa, premier chercheur à s'être intéressé à la toponymie villageoise en
tant que patrimoine immatériel, a indiqué que «la richesse onomastique est un
patrimoine immatériel inestimable, dont l'intérêt aussi bien économique que
social est indéniable.» Le conférencier a estimé que la microtoponymie, qui fait
référence aux noms des lieux-dits, des champs, des placettes, entre autres, est
«le maillon faible de cette richesse onomastique». «S'il est difficile de perdre
le nom d'une localité d'une certaine importance physique, le nom d'une toute
petite entité est, au contraire, très vulnérable et, aujourd'hui déjà, les
jeunes générations de villageois ne connaissent pas les noms d'une grande partie
de ces lieux», a-t-il expliqué. Selon M.Tidjet, plusieurs de ces noms peuvent
pourtant constituer des indices importants sur le village, du point de vue,
notamment, de son activité principale, sa composante humaine et matérielle, sa
géographie, ses vestiges, et sur sa faune ou sa flore. Pour souligner
l'importance de la persévération de noms des lieux, il a rappelé l'affaire de la
coulée de boue de la commune d'Illilten, tout en précisant que «si des gens ont
construit leurs maisons sur le lit de l'Oued Ichkar, c'est parce qu'ils n'ont
pas pris en considération la toponymie de ce lieu.» La toponymie fait appel au
génie populaire qui donne des noms à des endroits en fonction de leurs
particularismes, a-t-on affirmé lors du colloque. C'est le cas par exemple de
«Trig Chdjour», ou («la rue des arbres»), «Tiplakine», un lieudit, situé sur la
route de Tala Athmane et qui fait référence à la présence de nombreuses plaques
signalétiques au niveau de ce carrefour, ou plus récemment, la placette de «La
Bougie» à l'entrée ouest de la ville de Tizi Ouzou, par référence au monument en
forme de bougie, qui y est érigé, place qui est pourtant officiellement baptisée
«Place des 20.000 martyrs de la Wilaya III historique». L'ouver-ture, ces deux
dernières années, de nouvelles lignes de transport à Tizi Ouzou ou à Béjaïa a
été l'occasion au génie populaire de s'exprimer de nouveau en donnant des
appellations aux différents arrêts, tels que l'arrêt du «virage», «La piste» et
«El qahwa» («le café»). «Ces appellations sont acceptées et adoptées par le
citoyen et quand l'administration intervient pour les changer, la population n'y
adhère pas», a-t-on observé. M.Tidjet qui a entamé la constitution d'une base de
données toponymiques, a insisté sur l'importance de collecter ces appellations
au niveau des villages, par le biais des associations qui pourront, dans un
premier temps, placer des plaques pour indiquer les noms des lieux. Youcef
Merahi, secrétaire général du Haut commissariat à l'Amazighité (HCA), a annoncé,
pour sa part, l'organisation en décembre prochain, à Tizi Ouzou, d'un colloque
sur la toponymie.
L'EXPRESSION
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire