Les investissements réalisés par
l'État, dans le cadre de la réhabilitation et de l'extension des infrastructures
et des équipements publics, ont pris la part du lion au cours des quatorze
dernières années. Plus de 500 milliards de dollars ont été ainsi injectés dans
le cadre des plans quinquennaux.
D'après le Premier ministre,
Abdeklmalek Sellal, le gouvernement s'apprête à faire le bilan de toutes ces
réalisations au cours des semaines et mois prochains. Cela entre
vraisemblablement dans le cadre de l'échéance des présidentielles d'avril 2014
où l'action de Abdelaziz Bouteflika à la tête de l'État sera appelée à être mise
en relief d'une façon plus ''visible''. Mieux encore, le gouvernement se prépare
à confectionner un autre plan quinquennal 2015-2019. Les structures et
démembrements de l'État ont été instruits pour identifier les projets à mettre
en orbite dans le cadre de ce futur plan, tout en sachant que des dizaines de
projets inscrits dans le plan quinquennal actuel, n'ont pas encore démarré.
Quelques semaines après sa prise de fonction, Abdelmalek Sellal a commencé à
montrer son inquiétude quant aux retards qui grèvent l'exécution des projets sur
le terrain. Il avait alors instruit les walis de lui fournir des bilans
trimestriels, chiffrés et analysés, de l'avancement des travaux, tout en leur
demandant de constituer des comités de pilotage, afin d'identifier les causes
exactes des retards de lancement (foncier, oppositions, études non maturées,…).
De même, certains projets réalisés et achevés présentent des malfaçons et des
erreurs techniques que les maîtres d'ouvrages sont en train de rattraper, mais
avec des rallonges budgétaires introduites soit par la procédure d'avenant, soit
par de nouveaux contrats portant sur des entretiens et
réparations.
Sans doute, le retard le plus
dommageable, et qui n'a pas fait encore l'objet de grand traitement de la part
des médias, et même du gouvernement, est l'évaluation de l'impact de ces projets
sur la vie de la nation, et plus particulièrement sur l'attractivité des
investissements créateurs productifs, créateurs de richesses et d'emplois. Car,
si les grandes infrastructures (routes, autoroutes, chemins de fer, barrages
hydrauliques, extensions de ports, tramways, métro,…) et les équipements publics
(lycées, collèges, bibliothèques, stades, salles de sport, maisons de la
culture,…) profitent directement aux populations dans leur exploitation
"primaire", une grande partie d'entre ces projets sont considérés comme projets
structurants, c'est-à-dire qu'ils commandent la chaîne des autres
investissements censés être réalisés par les entreprises algériennes et
étrangères dans tous les domaines de la vie nationale (industrie lourde,
industrie légère, pétrochimie, énergie, agriculture, agroalimentaire,
tourisme,…). Dans ce domaine, le bilan n'est pas encore réalisé, même si l'on
sait, comme ont eu à le déplorer les responsables officiels à la tête de ces
secteurs, que l'attractivité n'a pas encore complètement joué en faveur
d'investissements offensifs qui juguleraient la crise de l'emploi et réduiraient
un tant soit peu la facture des importations. Cette dernière atteindra, à la fin
de l'année en cours, un record historique de près de 60 milliards de
dollars.
Est-il normal que, pour un pays
pétrolier comme l'Algérie, on ait recours à l'importation de carburants ? La
facture d'importation d'essence et de mazout a été de 4 milliards de dollars en
2012. Indépendamment de la facture spécifique aux lubrifiants (huiles et
graisses). À l'augmentation du parc automobile- atteignant actuellement près de
7 millions de véhicules-, la croissance en capacité de raffinage n'a pas pu
répondre. Les entretiens qui ont touché les installations de raffinage de Skikda
ont aggravé la situation. Il y a lieu de souligner que le soutien des prix des
carburants a aussi joué dans la balance par une surconsommation générée par des
déplacements ludiques et fantaisistes en voiture ; ce qui contribue à obstruer
également les routes et les villes algériennes.
Rentabiliser les infrastructures
publiques
En tout cas, la fonction de
structuration de l'économie nationale à partir des nouveaux investissements
publics, est loin d'être une affaire isolée, se limitant à des infrastructures
''inertes''. Le climat d'investissement est un tout ; on ne saurait le limiter à
un facteur spécifique. Le gouvernement s'est rendu compte lorsque, après des
efforts immenses pour installer des infrastructures coûteuses, la machine
d'investissement grince toujours. Indubitablement, l'action des pouvoirs publics
est attendue par les populations et les entreprises sur plusieurs "fronts"
devant conduire la politique de l'État en matière de création d'emplois, de
relèvement des revenus et de lutte contre l'inflation. C'est là un cercle
vertueux qui requiert une politique frontale d'investissements productifs,
associant des acteurs nationaux -entreprises publiques et privées qu'il y a lieu
d'inciter par tous les moyens à l'acte d'investir- et des étrangers dans une
optique de partenariat gagnant-gagnant.
Héritant de la loi de finances
complémentaire de l'année 2009, un certain nombre de repères destinés à encadrer
les investissements étrangers en Algérie- singulièrement, la règle des 51/49 %,
le crédit documentaire,…- le gouvernement Sellal n'a pas chamboulé complètement
la donne. Dans le nouveau plan "doing business" algérien, préparé par le
ministère de l'Industrie sous Cherif Rahmani et continué par Amara Benyounès, il
est question de favoriser davantage le climat des affaires pour permettre un
afflux conséquent d'investisseurs. La Tripartite, (gouvernement, patronat,
syndicat), tenue le 10 octobre dernier, a permis au gouvernement d'exposer les
grands traits de cette nouvelle politique d'incitation à l'investissement
productif. Car, si toutes les parties concernées- patrons privés, entreprises
publiques, syndicats, autorités financières du pays- font de la diversification
de l'économie nationale leur crédo, la voie à suivre pour sortir de la
dépendance par rapport aux hydrocarbures, n'est pas une ligne droite
reconnaissable par tout le monde. Ceux qui ne comptaient que sur les routes, les
chemins de fer et les barrages hydrauliques, ont eu le loisir de constater qu'il
manque encore des éléments importants pour former le puzzle. Les nouvelles
technologies de l'information et de la télécommunication, et à leur tête les
performances du débit d'internet et de la téléphonie mobile, les handicaps
structurels de l'administration algérienne (dont le déficit de formation et la
bureaucratie ne sont pas des moindres), le régime du foncier (avec ses flous en
matière de propriété et de cadastre, et les spéculations qui l'obèrent), la
rigidité du système bancaire national, ainsi que d'autres facteurs aussi
déterminants pour l'installation de réseaux d'entreprises, exigent encore des
efforts considérables de la part des pouvoirs publics et des autres acteurs
versés dans le créneau des investissements.
L'amélioration du climat des
investissements est le leitmotiv de l'actuel gouvernement. Reste à savoir
comment traduire cette volonté politique sur le terrain de l'action.
Apparemment, les difficultés dont se sont longtemps plaintes des dizaines
d'entreprises en matière de zones d'activités et de zones industrielles- manque
de viabilisation et de raccordements aux réseaux- sont appelées à s'estomper peu
à peu, vu l'ambitieux programme du gouvernement de réaliser des zones
industrielles aux normes internationales.
Des zones industrielles aux normes
internationales
En octobre dernier, lors de
l'adjudication des nouveaux sites devant recevoir les futures zones
industrielles, un groupe espagnol a obtenu, pour un montant de 7 milliards de
dinars, le marché de réalisation de la zone industrielle de Hassi Abdellah à
Ouargla, qui s'étend sur 500 hectares. Dans la même opération, un groupe
algéro-égyptien, avec un bureau d'études espagnol, a obtenu le marché de
réalisation de la zone industrielle de Aïn Oussara, dans la wilaya de Djelfa,
sur une superficie de 400 hectares, avec un montant de 4,6 milliards de dinars.
Ces deux grands projets font partie d'une série de zones industrielles modernes
que l'État algérien, via l'Agence nationale d'intermédiation et de régulation
foncière (Aniref), compte lancer dans l'immédiat. 10 d'entre elles sont
considérées comme prioritaires et devront être réceptionnées au courant de
l'année 2015. "Nous allons lancer les travaux au niveau d'une dizaine de sites
implantés à l'Est, au Centre, à l'Ouest et au Sud, en tenant compte du respect
de l'équilibre régional", avait déclaré, l'année passée, Mme Hassiba Mokraoui,
directrice de l'Aniref.
En plus de la fonction purement
industrielle, ces zones seront dotées de toutes les commodités de vie à même de
stabiliser les personnels des entreprises qui y éliront domicile.
En tout, ce ne sont pas moins de 42
unités que lancera l'Aniref à travers 34 wilayas du pays, totalisant une
superficie de 9 572 hectares. L'Agence a estimé le coût global de réalisation à
quelque 88 milliards de dinars.
Sachant que le foncier demeure un
facteur-clef dans l'attractivité et la stabilité des investissements, et ce,
quel que soit le créneau choisi par le promoteur du projet, un observatoire du
foncier a été installé l'année dernière, et a pour mission de "collecter les
données sur le foncier industriel disponible au niveau national et sur la
mercuriale des prix du foncier dans chaque wilaya", selon Mme Hassiba Mokri. Il
est fondamental, selon elle, de travailler à "équilibrer l'offre et la demande
de terrains industriels pour réduire la formidable pression sur les wilayas du
centre du pays". Pour rentabiliser les nouvelles infrastructures du pays, y
compris les futures zones industrielles, et insuffler une nouvelle dynamique
dans les investissements productifs hors du traditionnel créneau du bazar
commercial ou de la sphère des hydrocarbures, une nouvelle culture devrait être
enclenchée au niveau de l'administration publique. Cette dernière ne se limite
pas aux maîtres d'ouvrage (qui peuvent être des directions de wilaya, des APC ou
d'autres structures), mais elle va au-delà pour toucher le Centre national du
registre de commerce, les auxiliaires de justice (principalement les notaires),
les services fiscaux, le cadastre, les domaines,…etc. S'il y a lieu de prolonger
la procédure du guichet unique par l'Agence nationale de l'investissement
industriel (Andi), les mécanismes devraient êtres huilées et les procédures
simplifiées. Car, ne l'oublions pas, un grand nombre d'entreprises algériennes
et étrangères ont été dissuadées d'aller plus loin dans la constitution de leurs
dossiers d'investissement, rien que par la bureaucratie et les tentations de
corruption qui tiennent en otage les structures administratives du
pays.
Les Débats
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