jeudi 8 mars 2012

«Prenez le fauteuil et partez avec. Prenez ce que vous voulez mais laissez-nous tranquilles.»

Un intermède de liberté d'expression sur l’ENTV. Lundi soir sur la chaîne nationale, l’animateur de l’émission « Question d’Actu », consacrée aux législatives 2012, a invité un panel de jeunes algériens à débattre autour des élections de mai prochain. D’ordinaire, ce sont les responsables politiques et autres experts qui trustent l’émission. Mais ce lundi soir, la parole est donnée en direct aux jeunes. Le ton est libre et la franchise de mise. C’est d’autant plus rare sur la chaine publique que cela mérite d’être souligné. Quand les jeunes parlent, ils cognent.

Au cours du débat donc, plusieurs jeunes, dans le studio à Alger, d'autres en duplex d'Oran et de Constantine. Un jeune, un chômeur de 31 ans, deux étudiants, entre autres, prennent la parole. Librement.
Le premier pour fustiger les responsables qui s’accrochent aux fauteuils. Le second pour critiquer ouvertement le président Bouteflika qui a tant fait pour sa région d’origine, Tlemcen. Le troisième pour évoquer un institut en grève et le quatrième pour dire qu'à 31 ans, il n'a jamais voté.
L’un a pris des bus, l’autre des terrains, l’un a pris le pétrole, les tuyaux de pétrole
Un jeune se saisit du micro et dit : «  Nous, nous ne voterons pas. Je m’adresse à ces responsables. Si vous avez une conscience, si vous vous souciez du peuple, le peuple est perdu. Et nous vous disons : le fauteuil, prenez le et partez avec. Prenez ce que vous voulez mais laissez nous tranquilles. Prenez, prenez la moitié du pays et partez. Nous voulons amener un souffle nouveau. Ceux qui craignent Dieu et oeuvrent pour le salut de leurs âmes et non pour leur salut sur terre, ceux qui oeuvrent pour leur salut sur terre, nous leurs disons : prenez ce fauteuil. Le fauteuil veut vous fuir et vous vous y accrochez. Vous ne voulez pas le lâcher. Pourquoi ? (applaudissements…) Barakat, y’en a marre de vous. Nous sommes rassasiés de vous. Vous êtes là (il mime un haut le cœur en ce prenant la gorge ). Le fauteuil vous répugne et vous ne désespérez pas de ce fauteuil. Nous voulons des hommes qui craignent Dieu et qui travaillent pour le bien de ce pays. Vous avez tout pris. L’un a pris des bus, l’autre des terrains, l’un a pris le pétrole, les tuyaux de pétrole, l’autre a pris de l’argent et s’est enfui avec…L’un nous dit que c’est Khalifa, l’autre c’est Mokrane. Mais où est cet argent qu’ils ont pris ? Ils ont trahi…»
Les salles d'études son sales, tellement sales
En duplex d’Oran, Sadek Amina, étudiante en première année master allemand, membre de l'UNEA (organisation nationale des étudiants algériens). Elle parle de la situation à l’université d’Oran.
« Je vous le dis en toute sincérité, elle est catastrophique, dit-elle. On a cette malchance que Monsieur le président soit Tlemcenien. Parce que franchement, je le dis. A l’université de Tlemcen, les étudiants marchent sur du marbre. A l’université d’Oran, ils marchent dans la boue. Tous les jours, nous devons changer de chaussures. Tous les jours, 3000 dinars partent dans l’achat de nouvelles chaussures. Les conditions sont vraiment catastrophiques. Il n’y pas d’électricité, pas de chauffage, les interrupteurs sont cassés, on n’a pas de datashow...Ils disent que le matériel sono ne marche que lorsque vient un diplomate. où une personnalité de qualité. Mais pour nos activités culturelles, ils ne nous le donnent pas. Les salles d'études son sales, tellement sales. Les toilettes? Les toilettes sont dépourvues d'eau... »
Il n’y a aucun responsable qui veut les écouter
Un autre étudiant d’Oran, originaire de Djelfa, assis aux d'Amina, intervient : « L’institut de l’ingénierie maritime est en grève depuis plus de sept semaines. Il n’y a aucun responsable qui veut les (étudiants, NDLR) écouter. Si vous voyez l’institut, vous seriez effacés comment ces étudiants arrivent à encore poursuivre leurs études.
Jamais de ma vie, je n’ai vu un député
En duplex de Constantine, un jeune parle : « J’ai 31 ans. Je suis chômeur. Jamais de ma vie, je n’ai voté. Jamais de ma vie, je n’ai vu un député. Le but d’un Algérien dans cette vie est d’avoir un emploi stable, un toit et fonder une famille…»
C’était un échantillon des interventions diffusées au cours de cette émission du lundi 5 mars, en direct sur la télévision nationale.
Quand la parole est donnée aux Algériens, sans censure, sans coupure, sans langue de bois, ils disent leurs quatre vérités.
Ils disent tout le mal qu’ils pensent de leurs élus, de leurs responsables, y compris de leur « Président Tlemcenien ».

Sihem Balhi DNA

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