vendredi 2 mars 2012

http://associationppru.blogspot.com/

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Le tram-train quotidien du désespoir 

ENQUÊTE Un tram-train pour 2015 ?

Le projet Clichy-Montfermeil est un des importants chantiers de désenclavement des quartiers prévu dans le cadre du plan Espoir banlieue. Mais pour les habitants des cités concernées, aussi sceptiques que désabusés, 2015 c’est loin et ça ne résoudra rien. Par Yann Barte  
‘‘Si vous pensez que les jeunes sont dans les cages d’escalier en train d’attendre le tram…” Pour les Clichois et Montfermeillois, le désenclavement annoncé par Fadela Amara pour 2015 ne résoudra rien. Au “mieux”, il facilitera l’accès à la main-d’œuvre que les entreprises des deux villes vont chercher à l’extérieur. Dans les cités, le problème n° 1 reste l’emploi, et le plan Espoir banlieue qui tarde à arriver est bien loin d’être à la hauteur des attentes dans ce domaine. La secrétaire d’Etat à la Ville attribuait mardi 20 janvier la note de 11/20 au plan Espoir banlieue, accusant un retard pris à l’allumage, mais reconnaissant aussi une “dynamique bien assise”. Pour les premiers con cernés, c’est assurément encore bien payé ! Aux Bosquets de Montfermeil, comme dans les cités de Clichy, où on a déjà vu passer une kyrielle de plans banlieue, tous plus vains les uns que les autres, on a fini par s’intéresser bien plus aux résultats qu’aux dynamiques affichées et aux paroles prononcées. Ici, on se laisse peu impressionner par le vocabulaire volontariste : “dynamique espoir banlieue”, “accélérer la mise en place de l’interministérialité”, “booster le plan”… “Je suis né ici. En vingt ans, rien n’a changé”, dit Kader qui “tient les murs” de son immeuble. Ce vendredi, la cité est vide. Une sortie d’école à proximité, une probable salle de prière en bas d’une tour où pénètrent des femmes en burqa, une estafette de police qui fait le guet, deux chefs de chantier badgés GTM Bâtiment en repérage et un rassemblement familial pour une veillée mortuaire avenue Paul Cézanne constituent les seules animations de cette journée pluvieuse. Kader, 22 ans, est en vacances chez les siens à Montfermeil. Il vit à présent à La Baule. Des vacances aux Bosquets ? Kader ose à peine dire le mot. Pourtant, Montfermeil comme Clichy-sous-Bois étaient bien autrefois des communes de villégiature de l’ancienne Seine-et-Oise. “Y a rien ici pour les jeunes. 2015 ? Jusqu’en 2015 ils vont faire quoi les gens ? Les petits, ils grandissent.” Kader voit bien quelques rénovations, mais pour lui, c’est juste “pour rendre plus accessible le quartier au commissariat”.  

Le tram qui cache les Bosquets “Plus le temps passe et plus ça se dégrade”, renchérit Olfa qui vit dans la partie plus favorisée de la ville, la zone pavillonnaire de Franceville. Pour les jeunes des Bosquets avec qui elle était au lycée, elle sait que ce désenclavement changera peu de chose : “D’ailleurs, ils prennent peu les transports, ou de manière décalée, avec des horaires de serveur par exemple, évitant les horaires de pointe. Les trois quarts de ceux qui bossent sont en horaires décalés”. Pour Olfa, le désenclavement est nécessaire, mais elle ne va certainement pas attendre 2015 : “Je voudrais habiter le 92, une proche banlieue ou même Paris. Je veux partir, vite.” Tous les jours, Olfa prend le bus, le RER, et encore le RER. “C’est le bus qui me tue. Le matin, le soir, faut même pas me parler. J’en ai trop marre. Quatre ans que ça dure.” Depuis son bac exactement. “Lorsque je disais dans mon stage de fin d’études que je mettais une heure et demi-deux heures pour venir, on ne me croyait pas, puisque j’habite la banlieue proche. Ce matin, encore deux trains annulés, j’ai mis deux heures. Et le soir, passé 21 heures, on n’a plus qu’un bus toutes les demi-heures qui met le double de temps parce qu’il mixe deux trajets. Quarante minutes du RER à chez moi !” Franck, 34 ans, vit aux Bosquets depuis 1978. “J’y ai grandi. Mon père y avait acheté notre appart. C’était beau. Même Clichy, c’était nickel ! Y avait des MJC, on allait en colonie de vacances… Et puis tout s’est dégradé. C’est devenu un ghetto pour étrangers, comme La Courneuve, les 3 000 à Aulnay… Le problème, c’est l’emploi, l’éducation, la formation, le cadre de vie.” Les transports ? “Oui, les transports aussi.”  

Le casse-tête T4 “Vous ne voulez pas du T4 sur la RN3, mais vous êtes prêt à avoir un TCSP. Sachant que le tramway est plus étroit que la voie réservée au BHNS… Faut être cohérent !” Xavier Lemoine, maire UMP de Montfermeil, tente de me faire comprendre d’où viennent les retards. Des autres, évidemment. Pour un non-initié, c’est un peu du chinois. Le désenclavement réside en un décrochage du train T4 Bondy-Aulnay en tram en direction de Montfermeil et Clichy. On parle de tramtrain, une sorte de train mutant qui a les capacités de circuler en voirie. Reste à trouver à quel niveau se fera le décrochage. Et là, ça coince ! Le projet de désenclavement qui a peut-être dix-douze ans a été repris il y a près de quatre ans, sans qu’on ait vraiment avancé. Pour résumer, personne ne montre vraiment d’enthousiasme à voir la “racaille” traverser sa ville. Alors, on multiplie les tracés. Six en tout ! Certains passant par le Nord, alors même que le flux principal se dirige vers le Sud (Paris). Il faut trouver un compromis. Laisser passer la “racaille” mérite bien une compensation. Et cela pourrait être ce “deal” d’aménagement de la Nationale 3, bien qu’on jure partout que la demande existait antérieurement au projet.

Le clivage n’est cependant pas gauche-droite. Pour résumer en caricaturant à peine, on peut dire que les gens d’en bas (Livry-Gargan, Pavillon-sous-Bois) ne veulent pas voir défiler la racaille des plateaux (Clichy-sous-Bois, Montfermeil). Approcherait-on enfin d’un accord ? “Je le souhaite, explique Xavier Lemoine, mais à chaque fois, on a des accords, puis des demi-accords et après, ce n’est plus ce qu’on avait dit, et l’objection A levée, on a droit à l’objection B. Faut être sérieux et commander des études.” Le 19 janvier dernier, à la mairie de Montfermeil, un point presse est organisé suite à une réunion avec tous les maires concernés. Quelques journalistes courageux – des localiers essentiellement – sont là, bravant les transports et la pluie. Le trajet jusqu’à la mairie est déjà en soi un premier contact direct avec le sujet. Plus d’une vingtaine de stations de bus après la station RER Chelles ou Raincy-Villemomble pour atteindre l’hôtel de ville ! Face au plan de désenclavement, Fadela Amara rappelle l’engagement de l’Etat, les 500 millions d’euros prévus pour le désenclavement (dont 270 pour l’Ile-de-France) et annonce le calendrier : une mise en marche en 2015. Elle regrette cependant l’absence du Stif (Syndicat des transports d’Ile-de-France) et d’un représentant de la Région. Un nouvel échec puisque le tracé ne peut dès lors être décidé. Certains accusent une bouderie du Stif suite à des propos tenus par la ministre sur le Bondy Blog, d’autres y voient une façon un peu lâche de se défausser. “Qu’il y ait des timidités, des frilosités au niveau local, c’est certain, mais ça ne doit pas devenir un prétexte pour le Stif et la Région pour ne pas poursuivre les études. Ce n’est pas très courageux. Les désaccords locaux posent des questions auxquelles il faut répondre par des études. Le Stif répond ‘je suis transporteur, pas urbaniste’, mais lorsqu’on réalise un TCSP (transport en commun en site propre), cela a des répercussions urbaines. Ça commence à sentir le prétexte !”, s’impatiente le maire de Montfermeil.

Au Stif, on préfère ne pas trop parler et on souhaite, dans la mesure du possible, ne pas être cité : “Vous comprenez, c’est un sujet extrêmement sensible parce qu’il est question de désenclaver un quartier lui-même sensible et que le tracé est aussi une question sensible.” A écouter l’interlocuteur, c’est de la vraie dynamite ! Le Stif nous rappelle cependant la genèse du projet, les différentes études lancées en 2005, puis 2006-2007. Le choix de deux tracés proposés dans le DOCP (dossier d’orientations et de caractéristiques principales) et le retour à la case départ après la saisie par Livry-Gargan de la Commission nationale des débats publics (CNDP) en novembre 2008. Depuis, le flou. Mais un possible accord se dessine avec la requalification de la RN3 et un probable bus en site propre (BHNS) sur cette même RN3 et en superposition au fameux tram-train. Ce qui a toutes les apparences d’un arrangement donnant-donnant entre les quatre communes et la Région est préférablement présenté au Stif comme “deux projets complémentaires bénéfiques pour tous qui améliorent le maillage du réseau”. Quant à l’absence de la Région et du Stif, l’organisme accuse une annonce un peu trop tardive de la réunion (vendredi pour le lundi) pour mobiliser un élu et rappelle l’engagement financier de la Région au même titre que l’Etat. Prochaines échéances ? La désignation du garant et l’étude du contexte d’ici la fin du trimestre. Reste à ne pas politiser le projet durant les élections régionales au risque de voir à nouveau tout capoter. Pour le Stif, 2015 reste une date très ambitieuse. Il mise plutôt sur un 2016 “jouable”, voire 2017.  

Il ne faut pas désespérer Montfermeil

“C’est un peu le foutoir !”, résume laconique Naïma Iratni, secrétaire de l’association Promouvoir le programme de rénovation urbaine (PPRU) à Montfermeil. La militante associative dénonce des projections trompe l’œil pour “donner de l’espoir”. Elle tente d’intervenir partout où elle peut, sollicitant en vain une entrevue avec Fadela Amara, échangeant, comme cette semaine sur Radio-Orient, avec le maire de Montfermeil. “Vous ne pouvez pas dire aux jeunes d’attendre dix ans ! Les jeunes voient les démolitions des bâtiments. Il y a un potentiel à exploiter tout de suite. On voit du travail, mais on ne le touche pas. Ce sont des entreprises extérieures avec une main-d’œuvre extérieure.”  

Du travail d’abord ! Pour l’association, “Fadela Amara se plante dans la stratégie. Qu’elle travaille avec ce qu’il y a sur le terrain, sur le marché de la rénovation urbaine, le bâtiment et de l’environnement, plutôt que de rester fixée sur ses contrats d’autonomie qui consistent pour l’instant à balancer des jeunes de Clichy-Montfermeil au Havre. Elle n’a pas de vision globale ni de terrain. Si elle travaillait rien qu’avec le PRU, elle serait la championne de tous les ministres de la Ville qu’on a eus !” L’association PPRU proposerait aux jeunes de 18 à 25 ans en grande difficulté et au niveau de qualification insuffisant, un programme d’insertion à la vie professionnelle comprenant un parcours de formation aboutissant à un contrat de pré-professionnalisation dans les métiers du bâtiment et de la protection de l’environnement avec des artisans. Un projet qui s’intègre dans le cadre de la convention signée entre la Capeb (Confédération des artisans et petites entreprises du bâtiment) et l’Anru (Agence nationale pour la rénovation urbaine).

“Le coût du jeune dans notre pôle jeune, c’est 3 800 euros pendant six mois et des résultats. Pour Fadela Amara, c’est 7 500 euros par jeune et où sont les offres ? Même les gens qui ont des qualifications ne sont pas recrutés, alors vous pensez que les entreprises vont embaucher des gens sans qualification ? Demandez aux jeunes si c’est du tram-train qu’ils veulent ! Ce qu’ils attendent, c’est du travail, tout de suite. Qu’on continue à attendre et ça sautera avant six mois !


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