mercredi 14 mars 2012

Rencontre des Amis de l’Huma autour la Guerre de Libération nationale «L’indépendance a commencé par un coup d’Etat», selon le commandant Azzedine

Invité à intervenir, dimanche à Paris, sur le thème «Au fait, pourquoi la Guerre d’Algérie ?», à l’initiative des Amis de l’Huma, le commandant Azzedine a su trouver les mots justes et appropriés, chargés de sens. Comme ce fut le cas ce fameux soir de 1976 où, invité d’Yves Mourousi sur TF1, il était face à son ennemi de 1956, le général Bigeard. Cette fois pour l’écouter, le questionner et comprendre, des sympathisants, des partisans actifs de l’indépendance de l’Algérie, sont venus nombreux. 

Le commandant Azzedine s’apprêtait  à présenter la communication qu’il avait minutieusement préparée lorsque l’animateur de la rencontre, le journaliste de l’Humanité Charles Sylvestre, lui pose une question sur ce qu’il faisait et où il était le 1er Novembre 1954. L’ancien responsable de la Zone autonome d’Alger réplique : «Pourquoi m’avoir fait travailler pendant plusieurs jours pour me poser une question hors du sujet que vous m’aviez demandé de développer ? Mais je suis prêt à répondre à toutes les questions que l’on me posera.»  Le public, présent en nombre dans la salle de cinéma Max Linder, éclate de rire, ne s’attendant pas à ce trait d’humour ; il sera très vite captivé lorsque le commandant Azzedine laissera son texte et parlera avec toute la sincérité dont est capable un combattant de la première heure comme il l’a été, engagé à 17 ans dans la lutte de libération nationale. La salle est acquise, voire conquise. Comme Mostefa Ben Boulaïd à la veille du déclenchement du 1er Novembre 1954, dans le film d’Ahmed Rachedi, dont les 45 premières minutes venaient d’être diffusées, le commandement Azzedine redira : «Notre ennemi n’est pas le peuple français, mais le colonialisme français.» Applaudissements appuyés de la salle.

Il rappellera : «Notre guerre a duré 132 ans et a coûté aux Algériens plus de trois millions de morts, hormis ceux de la Guerre de Libération nationale, de 1954 à 1962…» Et aussi que pour la Première Guerre mondiale, 200 000 Algériens ont été embrigadés dans l’économie de guerre, 26 000 sur 273 000 moururent au front sans savoir pourquoi. Pour dire ensuite que «le 1er Novembre n’est pas tombé comme ça. Avant le 1er Novembre, nous avions nos martyrs». En cette veille de 1er Novembre 1954, le ministre François Mitterand déclarait : «L’Algérie est calme», «la présence française sera maintenue en Algérie». Quant à Mohamed Boudiaf, élu coordinateur du CRUA par ses camarades, «nous espérions sans d’ailleurs être sûrs que les masses entreraient dans le jeu, sans quoi ce serait un suicide».
Nacer Boudiaf, auteur de Boudiaf, l’Algérie avant tout, a développé l’itinéraire de son père, «l’homme au parcours sans fin». Et de rappeler que sa devise était  «le colonialisme est entré en Algérie par la force, il en sortira par la force». «Ceux qui sont à l’origine du 1er Novembre 1954 n’étaient pas des terroristes, c’étaient des révolutionnaires», appuie Nacer Boudiaf.


L’Algérie rêvée par Maurice Audin


«Derrière moi, cette affiche splendide placardée sur les murs d’Alger pour attirer l’attention des jeunes d’aujourd’hui qu’il y avait des hommes, des circonstances dont on avait peu parlé en France et en Algérie… Cette affiche est symbolique de la fraternité qui doit se développer entre jeunes d’hier et d’aujourd’hui et la volonté, chez les Algériens qui ont combattu pour l’indépendance et les jeunes Européens, de demander que la vérité soit dite sur cette guerre et les atrocités commises au nom de l’Etat français», dira Henri Alleg, ancien directeur d’Alger républicain, auteur de la Question, un livre-témoignage sur la torture qu’il a subie en tant que militant communiste indépendantiste. L’affiche en question accrochée au mur derrière les conférenciers représente le jeune militant communiste Maurice Audin, arrêté, torturé et assassiné – mais la version officielle évoque une disparition – au milieu d’enfants algériens souriants. Le titre de ce poster est «Le Rêve algérien de Maurice Audin» avec cette légende : «Le sourire des enfants de l’Algérie indépendante rêvée par Maurice Audin.» «Les gouvernants français n’ont toujours pas fait d’efforts pour que la vérité soit dévoilée. Pour l’Algérie, on aurait souhaité que la vérité soit un objet de lutte politique plus qu’elle ne l’est aujourd’hui», ajoute Henri Alleg.

Quant à Alger républicain, son directeur rappellera qu’il a joué «un grand rôle pour l’indépendance et pour les Algériens de toutes les origines qui se battaient pour que l’Algérie soit indépendante et pour combattre les idées diffusées par les journaux colonialistes». Au cours de cette rencontre, la part prise par les communistes dans la lutte armée pour l’indépendance de l’Algérie a été longuement évoquée par les intervenants et le public. Pierre Pradel, président de l’Association des pieds-noirs progressistes, refuse que ces derniers soient assimilés aux «fachos» et affirme que son association «est tournée vers l’avenir et veut travailler à un renouveau de rencontre entre les peuples algérien et français» et qu’elle pourrait être un «trait d’union».

Le commandant Azzedine est revenu sur la politique de terreur de l’OAS, les attentats, les bombardements au mortier : la «journée des fatmas», la «journée des dockers». Et de rappeler que la mission qui lui avait été confiée par le président Benkhedda était de protéger l’application des accords d’Evian dans la Wilaya IV, de protéger la population. «L’OAS a fait beaucoup de mal aux pieds-noirs ; aussi, la valise ou le cercueil c’était l’OAS. Nous, on savait que le savoir-faire était entre les mains des pieds-noirs, on était inquiets des lendemains de l’indépendance. Le suicide collectif a été créé par l’OAS.» Et tout aussi clairement, il précise que le 27 juillet 1962, la Zone autonome a été envahie par «les comploteurs».

«En août, le sang a coulé à Alger, je m’étais écarté, je ne voulais pas participer à la bataille pour le fauteuil.»Il ajoute que les responsables de la Wilaya IV, c’est-à-dire lui-même et Omar Oussedik, n’ont pas été dans les quotas de la première Assemblée nationale ; toutes les Wilayas, y compris la Fédération de France du FLN, étaient représentées, sauf la zone autonome. «1962 a été la source de tous nos maux, l’indépendance a commencé par un coup d’Etat.» Quant à l’histoire en Algérie, «ils veulent l’écrire avec une gomme et non avec un stylo».
 

Nadjia Bouzeghrane

 

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