mardi 27 mars 2012

"Normal !" : pas de printemps à Alger

Voici belle lurette que le cinéaste algérien Merzak Allouache s'est replié en France, où sa comédie Chouchou a fait un tabac en 2003 et contribué à le faire connaître du grand public. Mais le réalisateur du mythique Omar Gatlato (1976), chronique douce-amère du désarroi de la jeunesse algérienne, n'en a pas pour autant jamais oublié son pays natal, où il tourne régulièrement, prenant le pouls d'une société algérienne où la menace de la guerre civile le dispute à la stagnation autocratique du régime.

Son nouveau film, Normal !, se veut ainsi une radiographie de la jeunesse algérienne à l'heure du "printemps arabe". Il met en scène un jeune cinéaste, Fouzi, qui sous le coup de l'effervescence révolutionnaire qui traverse le monde arabe, décide de montrer à ses comédiens les rushes d'un film de fiction tourné deux ans plus tôt, dont il n'a jamais achevé le montage.

But de l'opération : confronter ce matériau, qui évoquait déjà les difficultés d'un jeune créateur face à la censure, au regard que porte sur lui ceux qui ont participé à l'aventure et qui se retrouvent, peu ou prou, dans la même situation, alors que s'embrase la rue arabe.

Normal ! se partage ainsi entre de longs extraits du film avorté et les débats contradictoires qu'il suscite quant à l'usage qu'il convient d'en faire. L'urgence consiste-t- elle à le terminer coûte que coûte ou à descendre dans la rue pour manifester ? On sent bien que ce débat imaginé par Merzak Allouache, et filmé de manière à nous en faire ressentir l'urgence, trahit des préoccupations et un désarroi qui lui sont profondément personnels.

On le sent d'autant mieux que l'histoire qu'il nous raconte est autobiographique, le film inachevé étant ni plus ni moins que le sien, relancé à nouveau frais dans Normal ! par la mise en abyme de la question de son impossible achèvement.

A cette complexité structurelle, répond un geste cinématographique qui tient un peu de la bricole et du pari, mêlant allégrement fiction et documentaire. Mais le côté "voyons voir ce que cela donne" du dispositif, l'espérance d'enlever le film en montrant précisément ce qui se ligue pour le défaire, trouve ici, hélas, ses limites. Resterait la beauté du geste.

Par Jacques Mandelbaum

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