jeudi 12 avril 2012

La jeunesse française maltraitée


LE CERCLE. Chronique du livre "Rajeunissement et vieillissement de la France" par Jean-Hervé Lorenzi, Jacques Pelletan, Alain Villemeur (Descartes & Cie. 179 pages.17 euros). La France traite mal ses jeunes et trop bien ses retraités. En répertoriant les transferts financiers entre générations, ce livre le prouve de façon éclairante


Ce n'est pas parce que les vieux ont de moins en moins l'âge de leurs artères qu'il faut délaisser les jeunes. Il est au contraire temps de profiter d'un atout que la France, grâce à son taux de natalité, partage avec les Etats-Unis. Tous deux se distinguent en effet des autres pays mûrs qui vieillissent à la fois par le « haut » grâce à l'allongement de la durée de vie mais aussi par le « bas » puisqu'ils manquent d'enfants à cause d'un renouvellement insuffisant de leur population. Or, sa forte natalité permet à la France de ne vieillir que par « le haut ».
Comment faire de ces caractéristiques une richesse ? C'était l'objet des travaux de la chaire de Dauphine « Transitions démographiques et économiques » aujourd'hui rassemblés dans un livre « Rajeunissement et vieillissement de la France ». Pour répondre à cette question, les auteurs ont voulu mettre au jour la réalité des transferts financiers entre les générations opérés par l'intermédiaire des pouvoirs publics et, c'est leur originalité, examiner ces redistributions à l'aune européenne.
Et c'est une spécificité tricolore peu flatteuse qu'ils révèlent : la France est le pays européen le plus chiche avec sa jeunesse. Le Royaume-Uni et la Suède dépensent bien davantage que la France pour leur jeunesse. Les jeunes français ne bénéficient que de 4,3 % du PIB (comme en Allemagne), contre 6,4 % en Suède, 5 % aux Etats-Unis et 6,1 % au Royaume-Uni.
Il en va autrement pour les plus âgés. La France consacre chaque année 3 points de PIB (soit environ 60 milliards) de plus pour les retraités que la Suède, et 1,7 de plus (soit 34 milliards) de plus que l'Allemagne. Qui paie ? Sans surprise, ce sont, dans tous les pays, les actifs qui sont contributeurs nets aux dépenses sociales et d'éducation. Mais les actifs français tiennent la corde avec un taux d'effort de 16,6 % du PIB (Suède : 16,1 ; Allemagne : 14,5).
Au total, les plus de 60 ans en Italie et en France sont les grands bénéficiaires des transferts financiers : les seniors français reçoivent 12,1 % du PIB quand les vieux allemands se contentent de 9,1 % du leur et les suédois de 6,8 %. Enfin, cerise sur le gâteau les prélèvements obligatoires sont plus lourds sur les jeunes que sur les vieux ! « Servis », comme on dit au poker.
L'intérêt de l'ouvrage, clair et concis, réside dans l'avalanche de données fournies sur un sujet souvent évoqué mais rarement aussi approfondi. La dizaine de propositions qui le conclut mérite d'être examinée et pourquoi pas mise en oeuvre.
SABINE DELANGLADE

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