mardi 17 avril 2012

Retour sur le Colloque d’Evian. «Sortir de la guerre d’Algérie : regards croisés, regards apaisés» Une séquence réussie d’échanges entre historiens, témoins et acteurs


Pour les organisateurs  du colloque «Sortir de la guerre d’Algérie : regards croisés, regards apaisés » qui s’est tenu les 17 et 18  mars derniers à Evian, il s’agissait de comprendre et d’aider à comprendre  les enkystements mémoriels, les idées reçues, les non-dits ou dits erronés, de  replacer les faits dans leur contexte et dans leur véracité.

Certains thèmes comme celui des harkis (dont un petit groupe était devant le Palais des festivités pendant la durée du colloque, ndlr) ont déjà été abordés à  Chambéry l’an dernier. Ce présent colloque en est la suite. Nous savons que les plaies ne sont pas refermées », « comprendre l’histoire est aussi une thérapie pour ceux qui en ont souffert et pour passer à quelque chose de plus constructif», a affirmé Claude Mégevand, président de la Salévienne (société d’histoire régionale de Savoie). Eugène Blanc, représentant l’Association des professeurs d’histoire et de géographie de Grenoble et  Jean-Philippe Aoudia, président de l’association Les amis de Max Marchand, Mouloud Feraoun et leurs compagnons, n’en ont pas dit moins.  
Ce colloque se voulait «apaisé» et «en  dehors de la politique».  «Place aux historiens, aux témoins pour offrir  des regards apaisés et apaisants, aux regards des spécialistes sur des événements douloureux pour construire une paix démocratique, une paix définitive, totalement nourrie d’un respect mutuel tendu vers le développement humain», a affirmé, pour sa part, Eric Brunat, vice-président de l’université de Savoie, chargé des relations internationales. Gilles Manceron, historien et président  d’honneur de la Ligue des droits de l’homme (co-organisatrice) a fait une mise au point à propos du 19 Mars comme date de la fin de la guerre : «Un certain nombre de gens disent qu’il ne doit pas y avoir de commémoration car le conflit a continué au-delà de cette date. C’est le cas de nombreux conflits, qu’on prenne l’exemple du 11 Novembre  ou du 8 Mai 1945, la guerre s’est poursuivie, notamment dans le Pacifique. L’argument est biaisé et quand le secrétaire d’Etat annonce qu’il n’y aura pas de commémoration officielle, c’est une manière de céder à des arguments fallacieux.»
L’historien avance qu’on ne peut pas évacuer le rôle de l’OAS ; quant à la question des supplétifs, elle  fait partie de l’histoire, mais il faut la «contextualiser», ce sont «des gens enrôlés, instrumentalisés par l’armée, victimes d’abandon par le pouvoir politique français». Et comme l’écrit l’historienne Raphaëlle Branche  dans son dernier livre Guerre d’Algérie, une histoire apaisée ?, qui a servi de fil conducteur à ce colloque :  «Assumer la part coloniale de l’histoire nationale est encore un chantier politique à construire. Il apparaît comme un préalable  à un changement de regard sur la guerre d’Algérie. Sans cette prise en compte élargie, on continuera à voir  cette séquence historique comme le début d’une histoire sociale et politique française marquée par la perte, la douleur, la défaite, alors qu’elle n’est qu’un moment dans les relations entre la France et l’Algérie, un moment marqué par la fin d’une relation politique inégale et la délégitimation de l’idéologie coloniale.» Il a été question de la dimension savoyarde des Accords d’Evian avec l’évocation du maire d’Evian, Camille Blanc, assassiné par l’OAS le 31 mars 1961 ; de l’archevêque d’Alger Mgr Duval ; de la diplomatie helvétique ; du regard des Allemands sur la guerre  d’Algérie ; du point de vue des Algériens au titre des regards croisés, d’autres regards croisés avec un gros plan sur l’enseignement de la guerre d’Algérie de chaque côté des deux rives de la Méditerranée, enseignement qui évolue dans le temps mais qui pose la question préalable fondamentale sur les objectifs de l’enseignement de l’histoire.
Concernant l’écriture de l’histoire en Algérie, Gilbert Meynier note qu’elle reste une histoire officielle, marquée par quelques évolutions, avec toutefois une impasse sur la berbérité. Faisant référence au récent colloque à Tlemcen sur l’Emir Abelkader auquel il a pris part, «j’ai eu l’impression que la mentalité changeait, que les esprits s’ouvraient». Et l’historien de noter que sur la commémoration du cinquantenaire des Accords d’Evian les deux Etats, algérien et français  sont absents. De toutes les communications, témoignages, débats denses de ces  deux jours d’échanges nous ne pouvons, faute de place, rendre toute la teneur. Nous proposons toutefois une synthèse de quelques-unes des communications. Les organisateurs se chargent pour leur part d’en éditer les actes dans un proche avenir.   

 
Nadjia Bouzeghrane
 
 
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