Au lendemain de sa désignation comme candidat socialiste à la présidentielle, François Hollande avait fait de la reconnaissance de la répression sanglante de la manifestation du FLN à Paris le 17 octobre 1961, une de ses promesses de campagne. Mercredi, un an après son déplacement au pont de Clichy pour rendre hommage aux centaines d’Algériens morts ce jour-là, le chef de l'Etat a acté son engagement dans une déclaration sans ambiguïté : "Le 17 octobre 1961, des Algériens qui manifestaient pour le droit à l'indépendance ont été tués lors d'une sanglante répression. La République reconnaît avec lucidité ces faits."
Quelques mots seulement, mais un symbole fort, accueilli avec soulagement en Algérie. Jeudi, la nouvelle faisait la Une des journaux algériens, comme le quotidien "Le Jeune Indépendant" qui titrait "La France fait un pas... de géant". Le Premier ministre algérien Abdelmalek Sellal a salué "les bonnes intentions" de Paris. De ce côte-là de la Méditerranée, l'attente était forte.
Bien qu'aucun politique français n'ait été invité aux célébrations du cinquantenaire de l'indépendance algérienne le 5 juillet dernier, tous les regards sont tournés vers ce nouveau pouvoir, avec l'espoir de tourner la page des années Sarkozy, marquées notamment par le refus d'excuses sur le passé colonial. Dans une volonté de rupture avec son prédécesseur, François Hollande multiplie les gestes positifs sur l’avenir des relations avec l’Algérie, dans l'espoir de faire cesser les discordes régulières entre les deux pays.
Les approches d'Hollande
Dans ce jeu de reconquête, le président de la République a su renforcer son capital sympathie. Favorable aux droit de vote des étrangers aux élections locales, contre la renégociation des accords de 1968 réglementant le séjour, l'emploi et la circulation des ressortissants algériens, il fait figure de bon élève dans sa tentative pour redynamiser les relations bilatérales.
Ainsi, le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, a réservé sa première visite dans un pays arabe, à l'Algérie. Les ministres de la Francophonie, Yasmina Benguigui, du Commerce extérieur, Nicole Bricq, et de l'Intérieur, Manuel Valls, lui ont emboîté le pas. En attendant, une visite de François Hollande prévue en décembre. Le chef de l'Etat avait dans une lettre adressée au président algérien,Abdelaziz Bouteflika, dans laquelle il expliquait qu'il y avait "place désormais pour un regard lucide et responsable" de la France sur son passé colonial en Algérie. "Français et Algériens partagent une même responsabilité, celle de se dire la vérité", avait-il écrit.
Pas assez ?
Passées ces déclarations de circonstance, certaines voix se font entendre pour réclamer davantage et espère que cette annonce ouvre la porte à d'autres : reconnaissance de la répression du 8 mai 1945 à Sétif, ouverture des archives, excuses pour le passé colonial... la liste est longue.
Le MRAP (Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples) ne veut pas se "contenter de la seule reconnaissance des 'faits'" et demande que la répression soit reconnue comme "crime d'Etat", avec un libre accès "effectif" aux archives pour les historiens. Interrogé par le "Nouvel Observateur", l'historien et militant des droits de l'Homme, Gilles Manceron estime que cette reconnaissance "doit marquer le début" avant de continuer : "Il faut encore faire la lumière sur cette période coloniale, et plus particulièrement sur ce qu'elle avait de contradictoire avec les principes de la République.
Une porte sur le monde arabe et africain
Les relations économiques et politiques entre les deux pays sont régulièrement liées au gré des polémiques sur la mémoire coloniale. Dans ce cadre là, François Hollande a en tout cas tout intérêt à continuer sur cette voie. La France tente tant bien que mal de garder une influence dans un pays qui pourrait être un précieux sésame dans le monde arabe et africain.
La crise malienne le montre bien. L'Algérie est la principale puissance dans cette région et elle avait déjà joué un rôle de médiation en 2006 entre les Touaregs et les autorités maliennes. Beaucoup espèrent qu'elle apporte à nouveau son concours à une solution au conflit du Nord malien -où sont maintenus en otage plusieurs Français. François Hollande fera-t-il pression lors de sa visite pour qu'Alger ne reste pas les bras croisés sur le sujet ? Réfractaire à une possible intervention militaire, le gouvernement algérien semble désormais prêt à modérer sa position.
Dans cette bataille mémorielle Abdelaziz Bouteflika, demande toujours des excuses pour la guerre d'Algérie. Un texte déposé par le groupe communiste qui consacre le 19 mars 1962 comme journée du souvenir des victimes, doit être débattue au Sénat le 23 octobre.
Le nouvel Observateur
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