mardi 7 février 2012

Algérie, 1954-2011. Histoire et espérances

Algérie, 1954-2011. Histoire et espérances
« Manière de voir » n° 121 — Février-mars 2012

Cinquante ans après une indépendance particulièrement traumatisante, la bourrasque de la révolution balaie à nouveau tous les clichés. Paradoxalement, l’Algérie, à l’avant-garde dans les années 1960, semble préservée de ces espérances. Illusion

I. Rêves, espoirs et mirages

A la fin d’une lutte qui aura duré plus de sept ans, de 1954 à 1962, l’Algérie dévastée, meurtrie, affaiblie par le départ de centaines de milliers de pieds-noirs, accède à l’indépendance, fière de sa victoire et animée d’une flamme révolutionnaire. Elle veut bâtir un ordre socialiste nouveau, liquider le sous-développement, mettre en œuvre une réforme agraire, construire un enseignement de masse. Dans les années 1960 et 1970, Alger devient la capitale du tiers-monde et abrite les mouvements de libération qui luttent, souvent les armes à la main, de l’Afrique australe à la Palestine.
La récupération par l’Algérie de ses ressources pétrolières constitue un premier pas dans le combat pour un ordre international nouveau, dont le fer de lance est le mouvement des non-alignés qui cherche, après l’indépendance politique, à arracher l’indépendance économique. C’est le temps des mobilisations, mais aussi celui des illusions. Car, sur le terrain, les projets se heurtent à des difficultés inattendues et, surtout, à l’ordre politique instauré par le Front de libération nationale, qui étouffe la société et freine un développement économique équilibré.

Un printemps qui se fait attendre
Jean-Pierre Séréni
Vocation socialiste et autogestion ouvrière
Robert Gauthier
En 1971, la reconquête du pétrole
Sid-Ahmed Ghozali
Alger, capitale des révolutionnaires en exil
Claude Deffarge et Gordian Troeller
Shéhérazade, une femme à part
François Bouchardeau
Le cinéma, miroir de la société
Mouloud Mimoun
Enfin, le tiers-monde...
Mohammed Bedjaoui
A marche forcée, l’industrialisation
Marc Raffinot


II. Douloureux réveil

Les émeutes d’octobre 1988 voient s’effondrer les dernières illusions qu’avait soulevées l’indépendance et dévoilent les carences du système autoritaire mis en place depuis. Le régime consent alors à s’ouvrir : acceptation du multipartisme et naissance d’une presse indépendante.
Malgré cela, le Front de libération nationale (FLN) doit faire face à la montée des islamistes regroupés dans le Front islamique de salut (FIS). Sclérosé et corrompu, il est incapable de répondre à cette mobilisation, qui se concrétise par une victoire du FIS au premier tour des élections législatives en décembre 1991. L’armée décide alors de mettre fin au processus électoral et engage le pays dans une guerre civile qui va durer près de dix ans et fera des dizaines de milliers de morts.
Exsangue, mais disposant de la manne pétrolière, l’Algérie se remet difficilement de la « décennie noire ». Le système reste bloqué, mais arrive à faire face à la montée des contestations sociales, de plus en plus vives depuis le début des révoltes arabes. Jusqu’à quand ?

Révolte d’une jeunesse sacrifiée
Ignacio Ramonet
Poussée islamiste
Lahouari Addi
Folies exterminatrices
Thierry Parisot
L’embellie créative
Isabelle Avran
Au pays des cousins
Thierry Michalon
Divisé, le Maghreb se marginalise
Francis Ghilès
Analyse de la contestation islamiste
Eric Rouleau
Arabisation et démagogie
Gilbert Grandguillaume
Une capitale se défait
Allan Popelard et Paul Vannier
Jours tranquilles à Tlemcen la dévote
J.-P. S.

III. Le poids de la mémoire
Pendant longtemps, les « événements d’Algérie » ont été enfouis dans la mémoire française, les autorités voulant « tourner la page » et oublier une histoire sinistre qui remontait aux origines d’une colonisation dont le bilan est loin d’être « positif ». La terrible répression de Sétif, en mai 1945, au moment même où l’Europe célébrait la victoire contre le nazisme, soulignait la faillite d’un système qui avait fait de l’Autre un moins qu’humain.
Bien que connu de l’opinion au moins depuis le milieu des années 1950, l’usage de la torture par l’armée française restera longtemps un sujet tabou, et les manuels scolaires seront étrangement silencieux sur la question. La difficulté de la France à parler de cette « guerre sans nom » et celle du pouvoir algérien, enfermé dans une « histoire officielle » qui sert avant tout à légitimer un régime sans légitimité, empoisonnent les relations entre les deux pays. Pourtant, les avancées des études historiques créent les bases pour relancer des relations bilatérales fondées sur l’égalité.

La colonisation telle qu’on l’enseigne
Maurice T.Maschino
La guerre a commencé à Sétif
Mohammed Harbi
Pourchassés par le malheur
Marina Da Silva
La torture en miroir
Nicolas Bancel, Pascal Blanchard et Sandrine Lemaire
17 octobre 1961, la fin de l’oubli
Claude Liauzu
Pour le droit à l’insoumission, « Manifeste des 121 »
Jean-Paul Sartre et la guerre d’Algérie
Anne Mathieu
Une amnésie morbide
Ghania Mouffok
Des footballeurs entre Paris et Alger
Dominique Le Guilledoux

Iconographie
Le photographe Bruno Boudjelal, membre de l’agence Vu, parcourt régulièrement l’Algérie depuis 1993. « Jours intranquilles. Chroniques algériennes d’un retour », paru aux éditions Autograph ABP en 2009, rassemble ce travail.
Cartographie
Philippe Rekacewicz

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