Les forces sociales conservatrices et réformistes souvent antagoniques tenant compte du poids de l’histoire sont le moteur de la dynamique ou de la léthargie de toute société. Car, comment ne pas se remémorer les promesses des dirigeants politiques algériens qui ont présidé aux destinés du pays au nom de la légitimité historique encore quand certains évoquent récemment pour ceux qui veulent bien les entendre, la fin de l’Etat de la mamelle, puis celle de la légitimité révolutionnaire. Cela signifie surtout que le pouvoir bienfaisant comme contrat politique implicite par les tenants du socialisme de la mamelle afin de légitimer l’échange d’une partie de la rente contre la dépendance et la soumission politique et qui efface tout esprit de citoyenneté active, ce pouvoir doit céder la place à un pouvoir juste, justicier et de justice. C’est la norme du droit qui doit en principe dans les actes et non les discours, reprendre sa place pour légitimer le véritable statut de la citoyenneté.
Souvenons nous en 1962, de la domination idéologique du communisme, l’hymne à la liberté chantée dans les rues de l’ensemble de l’Algérie indépendante, les espoirs suscités par le socialisme spécifique à l’algérienne, l’autogestion des domaines des colons qui devait élever la production, restituer les paysans dans leur dignité, lutter contre l’injustice sociale, mais aussi les luttes de pouvoir entre l’Intérieur et l’Extérieur des différents clans. En juin 1965, c’est le discours du sursaut révolutionnaire du fait que l’Algérie serait au bord de la faillite. Il fallait la redresser, grâce à un pouvoir fort qui résiste aux évènements et aux hommes, à travers trois axes, la révolution industrielle, la révolution agraire, et la révolution culturelle, en prenant comme base le plan économique du programme de Tripoli qui repose sur la dominance du secteur d’Etat, comme fer de relance de l’économie nationale, à travers les grosses sociétés nationales. Ceux sont les discours triomphants de constructions des usines les plus importantes du monde, du bienfait de la révolution agraire, garantie de l’indépendance alimentaire, de l’école et de la santé pour tous et de la promesse solennelle que nous deviendrons horizon 1980 ,le Japon de l’Afrique avec les lancements du plan triennal 1967-1969,du premier quadriennal 1970-1973 et du second quadriennal 1974-1977. Rappelons nous ces discours de la vertu des fameuses industries industrialisantes et au niveau international l’Algérie leader du nouvel ordre économique international sans sa lutte contre l’impérialisme cause fondamentale du développement du sous développement. Et voilà qu’après la mort du Président après une longue maladie et une lutte de pouvoir qui se terminera par un compromis, et la venue d’un nouveau président, qu’en 1980, nous apprenons que cette expérience a échoué. Du fait de la compression de la demande sociale durant la période précédente et surtout grâce au cours élevé du pétrole, du cours du pétrole, les réalisations porteront sur les infrastructures, la construction de logements et l’importation de biens de consommation finale avec le programme anti-pénurie et la construction sur tout le territoire national des souks fellahs. L’Algérie ne connaît pas de crise économique selon les propos télévisés un d’ex Premier Ministre, qui touchait en ces moments les pays développés avec un baril en termes de parité de pouvoir d’achat 2010, équivalent à 80/90 dollars. C’est alors l’application mécanique des théories de l’organisation, car les grosses sociétés nationales ne seraient pas maîtrisables dans le temps et l’espace. Mais la population algérienne contemple en 1986, l’effondrement du cours du pétrole les listes d’attente et l’interminable pénurie : et c’est toujours la faute de l’extérieur. Et voilà que nous avons un autre discours : les algériens font trop d’enfants, ne travaillent pas assez. L’on fait appel à la solidarité de l’émigration que l’on avait oubliée. IL s’ensuit l’effondrement du dinar dont on découvre par magie que la parité est fonction du cours du dollar et du baril de pétrole et non au travail et à l’intelligence seules sources permanentes de la richesse. On loue alors les vertus du travail, de la terre, l’on dénonce les méfaits de l’urbanisation, du déséquilibre entre la ville et la campagne, la priorité devant être donnée à l’agriculture dont on constate le niveau alarmant de la facture alimentaire. Et c’est le slogan de l’homme qu’il faut à la place qu’il faut et au moment qu’il faut, thème reproduit également aujourd’hui.
Octobre I988 conséquence de la crise de 1986 qui a vu s’effondrer les recettes d’hydrocarbures de 2/3, contredit ces discours populistes, et c’est le début timide d’une presse libre et d’un multipartisme que l’on tente de maîtriser par l’éclosion de Partis (une famille pouvant fonder un parti avec des subventions de l’Etat) avec la naissance d’une nouvelle constitution en 1989 qui introduit des changements fondamentaux dans notre système politique qui avait un caractère monocratique depuis l’indépendance en consacrant l’existence du multipartisme, conférant ainsi à notre système politique un caractère pluraliste du moins dans les textes. Sur le plan économique, entre I989-I99O c’est l’application des réformes avec l’autonomie de la banque centrale, la tendance à la convertibilité du dinar, la libéralisation du commerce extérieur, une tendance à l’autonomie des entreprises et l’appel, très timidement, à l’investissement privé national et international sous le slogan secteur privé facteur complémentaire du secteur d’ Etat, après le socialisme spécifique, de l’économie de marché spécifique à l’algérienne avec la dominance du secteur d’Etat soumis à la gestion privée, des lois portant autonomie des entreprises publiques. Effet de la crise économique, nous assistons à une crise politique sans précédent qui commencera entre 1989/1990, crise accélérée par des élections législatives, coordonnées par un nouveau chef de gouvernement issu des hydrocarbures des émeutes dont l’aboutissement sera la démission de ce Président après plus d’une décennie de pouvoir. Le procès est fait cette fois à la décennie noire de 1980/1990.
Et c’est la liste interminable de chefs de gouvernement et de ministres, changement successif du à la profonde crise qui secoue le pays. C’est la naissance du Haut Comité d’Etat (HCE), la venue d’un historique et figure charismatique qui donnera une première lueur d’espoir, présidera à peine une année le HCE avant d’être assassiné, son remplacement par un autre membre du HCE, avec parallèlement, un Conseil Consultatif faisant œuvre de parlement désigné. L’on rappellera comme chef de gouvernement le père de l’industrie lourde des années I97O qui prônera l’économie de guerre mais avec son départ rapide du fait de la cessation de paiement. Lui succèdera un premier ministre membre du HCE artisan du programme de Tripoli qui signera l’accord de rééchelonnement avec le FMI, démissionnant tout juste après, l’Algérie étant en cessation de paiement n’ayant pas de quoi acheter un kilo de farine, alors que certains responsables politiques clamaient haut et fort à la télévision et dans la presse que l’Algérie n’irait pas au rééchelonnement. Les accords avec le FMI verront une baisse drastique de la valeur du dinar qui sera dévaluée. La période qui suit verra un Chef d’Etat avec un parlement de transition à savoir le C.NT (conseil national de transition) combinaison d’associations et de partis politiques.
Viendrons les élections de ce Président axé sur le rassemblement, pour sortir le pays de la crise et une nouvelle constitution (1996. Elle crée la seconde chambre, dite Conseil de la Nation, et par le truchement de l’article 120, lui donne pratiquement le pouvoir de bloquer un texte de loi voté par l’APN. Mais fait nouveau et important, elle limite le mandat présidentiel à deux étalé sur cinq années. Mais nous sommes toujours dans la même ambiguïté politique en maintenant le caractère dual de l’Exécutif,( ni régime parlementaire, ni régime présidentiel) tout en consolidant le système de Conseils existants dont l’institution d’un Haut Conseil Islamique et d’un Haut Conseil de Sécurité qui est présidé par le président de la République. C’est à cette période que naît le Parti le rassemblement national démocratique (R.N.D) dont le fondement du discours est la lutte anti-terroriste qui raflera presque tous les sièges en 8 mois d’existence tant de l’APN que du Sénat au détriment du Parti FLN et qui provoquera par la suite des protestations interminables et une commission sur la fraude électorale dont les conclusions ne verront jamais le jour. Les parlementaires du fait de la situation sécuritaire de l’époque, auront surtout pour souci de voter pour soi même des rémunérations dépassant 15 fois le SMIG de l’époque alors que la misère se généralise, oubliant naturellement du fait de la généralisation des emplois- rente, qu’un parlementaire aussitôt sa mission terminée retourne à son travail d’origine, et qu’une retraite automatique revient à afficher un mépris total pour une population meurtrie. Dans la foulée, la venue de deux chefs de gouvernement dont le premier technicien pratiquera le statut quo et le second par l’application des accords du FMI qui aura à son actif le cadre macro-économique stabilisé actuellement mais des retombées sociales négatives du fait de la douleur de cet ajustement. Ce président démissionne et des élections sont programmées le 08 avril I999 avec l’élection d’un nouveau président qui promet de rétablir l’Algérie sur la scène internationale, de mettre fin à l’effusion de sang et de relancer la croissance économique pour atténuer les tensions sociales qui sera matérialisé plus tard par le référendum sur la réconciliation nationale avec un vote massif en faveur de la paix.
Qu’en est-il sommairement de 2000 à janvier 2012 ? Un chef de gouvernement est nommé après plus de 8 mois d’attente mais son mandat sera de courte duré à peine une année du fait des conflits de compétences. Un second chef de gouvernement est nommé, plus politique qui s’engage également à redresser la situation mais qui démissionne, tout en se présentant candidat à la présidence avec comme conséquence une dualité dans les rangs du FLN dont il est tissu. Il est remplacé par le Secrétaire Général du RND. Viennent ensuite les élections du 08 avril 2004 qui sont largement remportées par le précédent Président avec trois chefs de gouvernement successifs : premièrement le secrétaire général du RND qui a été chargé des élections de 2004, , puis le secrétaire général du FLN courant 2007 ce Parti avec les élections successives étant devenu majoritaire tant au niveau de l’APN que du Sénat, avec peu de modification dans la composante ministérielle puisque l’ancien chef de gouvernement n’a pu nommé aucun ministres entre mai 2006 et juin 2008, (assistant d’ailleurs de 1999 à 2010 à la même composante à quelques variantes idem pour les walis et les postes clefs de l’Etat ) puis à nouveau courant 2008 le retour du secrétaire général du RND qui précisons a été chargé des élections d’avril 2009. C’est également durant cette période qu’est signé l’Accord avec l’Europe le 01 septembre 2005, pour une zone de libre échange constituant un acte politique e première importance depuis l’indépendance politique postulant ainsi l’irrésistibilité vers l’économie de marché, et courant novembre 2008 qu’est amendée la constitution, non pas par référendum mais à la majorité des deux chambres, les députes et sénateurs se feront comme leurs prédécesseurs voter un salaire de plus de 300.000 dinars par mois. Cet amendement ne limite plus les mandats présidentiels, tout en supprimant le poste de chef de gouvernement en le remplaçant par celui de premier ministre consacrant un régime présidentiel.
Dans la foulée l’élection présidentielle s’est tenue le 09 avril 2009 où l’ancien président est réélu pour un nouveau mandat de cinq années (2009/2014) en promettant la création de trois millions d’emplois durant cette période et d’augmenter le pouvoir d’achat des Algériens. Aussi, la période de 2004 à 2009 devait être consacrée à asseoir un Etat de droit avec la réforme des institutions, du système financier poumon des réformes, du secteur agricole et l’accélération des privatisations. L’objectif était une dynamisation de la production et des exportations hors hydrocarbures. Le pré programme de soutien à la relance économique reposant sur les dépenses publiques (plus de 7 milliards de dollars US) ayant eu lieu avant 2004, celui programmé entre 2004/2009 clôturé en principe à 200 milliards de dollars US mais dont le bilan n’a pas été rendu public. Durant cette période, comme durant la période 1980/1985, du fait de la compression de la demande sociale durant la période du terrorisme, demande qui a explosée depuis 2000, la priorité a été accordé aux infrastructures, logement qui ne sont qu’un moyen du développement et non au management stratégique de l’entreprise seule source permanente de la richesse. C’est durant cette période que nous assistons à des déballages sur la corruption qui a d’ailleurs toujours existé mais qui prend des proportions alarmantes avec une corruption socialisée de la BADR, de Khalifa, de la BCIA, BNA ,BEA ,BDL bon nombre d’agences du CPA et d’autres banques et d’entreprises publiques dont Sonatrach, le projet du siècle autoroute Est-Ouest , et bien entendu qui touche presque tous les autres secteurs de l’économie nationale ce qui a fait dire aux observateurs que le risque est de passer de l’ancien terrorisme à un autre – entendu la corruption- plus mortel pour le pays . Entre 200/2012 nous assistons à deux politiques économiques contradictoires. La première période de 200o/2006 a vu la signature de l’Accord d’association avec l’union européenne, l’adoption de la loi sur les hydrocarbures, des mines, de l’électricité et du gaz et une volonté de faire appel à l’investissement privé international mais sans vision stratégique. La deuxième période de 2007 à 2012 est caractérisée, outre par l’amendement de la loi des hydrocarbures de 2006,( loi qui selon les déclarations des responsables en 2011 serait à nouveau amendé car n’ayant attiré aucun investisseur potentiel) , par le retour au tout Etat gestionnaire avec une dépense publique sans précédent depuis l’indépendance politique. Mais sans que l’on ait mis au préalable les mécanismes de contrôle tant politiques qu’économiques comme le gel de la Cour des Comptes, la loi budgétaire au niveau des assemblées (APN et Sénat) qui vient d’être seulement adoptée fin 2011. Ainsi , a été programmé une nouvelle enveloppe de 280 milliards de dollars entre 2010/2014 que j’aurai l’occasion d’analysera l’impact et se pose été question : l’Algérie aura t- elle cette capacité d’absorption de cette importante masse monétaire et ne risque t- on pas d’assister avec le divorce objectifs ambitieux, moyens de réalisation limités surtout par la ressource humaine dévalorisée et la faiblesse d’une régulation claire , faute d’institutions adaptées à la transition à l’accélération de la mauvaise gestion pour ne pas dire corruption ?
Le constat à travers ce cheminement historique est que durant cette période de transition difficile d’une économie étatisée à une économie de marché concurrentielle et l’Etat de droit et la démocratie tenant compte de notre anthropologie culturelle est que les réformes sont timidement entamées malgré des discours apparemment libéraux, et moralisateurs que contredisent journellement les pratiques sociales. Les banques, lieu de distribution de la rente, continuent de fonctionner comme des guichets administratifs, et du fait des enjeux les réformes souvent différés s’attaquant plus aux aspects techniques qu’organisationnels, alors qu’elles sont le moteur des réformes, la privatisation et le partenariat comme moyens d’investissement et de valeur ajoutée piétinent faute de cohérence et de transparence ; la facture alimentaire continue d’augmenter malgré le fameux programme agricole ( PNDA) dont il conviendra de faire le bilan du fait plusieurs de milliards de dollars de dépenses , la bureaucratie et la corruption continuent de sévir. Comme conséquence, résultats de la pratique de plusieurs décennies et non seulement de la période actuelle, nous assistons à des tensions à travers toutes les wilayates contre la hogra- la corruption, la mal vie, d’une jeunesse dont le slogan « nous sommes déjà morts » ce qui traduit l’impasse du système économique rentier à générer une croissance hors hydrocarbures, seule condition d’atténuation des tensions sociales pour faire face à ce malaise social. Nos responsables ont –ils analysé le désespoir des harragas, ces jeunes souvent avec la complicité de leurs parents qui bravent la mort et l’impact de l’exode des cerveaux et vus les longues filles d’attente auprès des ambassades pour le visa, depuis l’aube du jour au crépuscule ou le rêve est de s’enfuir du pays. Pourquoi ces séminaires sur la diaspora à coup de millions de dollars , un opérateur, un cadre ou intellectuel étant surtout au sort de ses con concitoyens, devant retenir le peu qui existe déjà.
A suivre…
Dossier élaboré par des Experts de l’Association Algérienne de Développement de l’Economie de Marché –ADEM
Partie 1 : L’évolution politique et économique de 1963 à 2012
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