lundi 6 février 2012

Le tissu socioéconomique algérien se meurt

Le nombre d’entreprises recensées hors agriculture privé et public sur le territoire national a été évalué à 1.020.058 entités à décembre 2011, selon les résultats préliminaires du premier recensement économique (RE) effectué par l’Office national des statistiques (ONS).

Selon l’ONS, il existe au 1er janvier 2012, 959.718 entités économiques (94%) et 60.340 entités administratives. Mais fait marquant, cette  enquête montre la faiblesse pour ne pas dire l’inexistence de management stratégique et l’impossibilité de la majorité des entreprises algériennes de faire face à la concurrence internationale. Le gouvernement algérien ayant demandé pour le dégrèvement tarifaire à l’Union européenne dont il est lié par un Accord de libre-échange depuis le 1er septembre 2005 (la réponse de l’UE n’ayant pas encore été donnée) trois années de sursis suffiront-elles pour mettre à niveau un tissu économique totalement délabré. Surtout si l'on sait que l’Algérie est en éternelle transition vers l’économie de marché depuis sa demande d’adhésion à l’OMC qui date de juin 1987 ?

Selon cette importante enquête, les personnes physiques représentent 90,6% contre 9,4 % pour les personnes morales (entreprises) dont sur ces 9,4% reposant essentiellement sur des micro-entités. Sur le plan spatial, 959.718 entités économiques sont implantées en milieu urbain (83,5%) et 16,5% en milieu rural, et la wilaya d’Alger totalise 33,8%% des  entités morales suivie de de Tizi-Ouzou (7,2%) et Beéjaia (6,7%). Le tissu industriel est en déclin, avec seulement  97.202, dont 23,4% dans les industries agroalimentaires, 22,7% la fabrication de produits métalliques et 10,5% dans l’habillement. L’ONS note par ailleurs que pour le secteur de la construction, elles sont de très petites entreprises (TPE) constituées essentiellement de métiers de plomberie, bâtiment et peinture ne disposant pas d’un local fixe et visible et sont donc difficiles à repérer sur le terrain.

Ce sont là des données officielles qui, pour la première fois, montre l’urgence d’une réorientation vers une politique de développement fiable supposant de revoir la gouvernance et d’avoir une meilleure gestion de la dépense publique. Cette analyse corrobore tant les rapports de janvier 2012 de la Banque mondiale et du FMI car il n’existe pas de proportionnalité entre l’importance de la dépense publique et les  impacts économiques et sociaux. La déclaration de la directrice du FMI je la cite "l’Algérie dépense sans compter" veut dire sans gérer par des distributions de salaires sans contreparties productive pour assurer une paix sociale éphémère. En effet, face à une aisance financière de conjoncture pas due au travail et à l’intelligence managériale, le FMI et la BM dans leurs rapports constatent une relative stabilisation macro-économique tout en soulignant que cela est due à la rente des hydrocarbures et la timidité, voire le freinage des réformes micro-économiques et institutionnelles. Cela ne peut que conduire à terme à une impasse économique, sociale voire politique. Car les réserves de change, produits essentiellement des recettes des hydrocarbures sont une richesse virtuelle. Force est de reconnaître que l’Algérie en ce mois de février 2012 est en plein syndrome hollandais. Elle a exporté 98% d’hydrocarbures à l’état brut et semi-brut et elle a importé 70/75% des besoins des ménages (gonflement faramineux de la facture alimentaire entre 2008/2011 alors que le secteur agricole a absorbé des montants faramineux de plusieurs centaines de milliards de centimes algériens dans le programme du PNDA dont aucun bilan n’a été fait à ce jour) et des entreprises dont le taux d’intégration – public/privé - ne dépasse pas 15%.

Du point de vue du développement, que les indicateurs officiels macro -économiques et macro sociaux sont artificiels. Il est clair que la croissance algérienne est volatile tirée par la dépense publique via les hydrocarbures ; le taux de chômage est dominée par les  emplois rentes ; le taux d’inflation est comprimé par les subventions mal ciblées et mal gérées et que la cotation du dinar sans les hydrocarbures s’établirait  entre 30 et 40 dinars un euro. L’affectation des ressources pose la problématique de sa rationalité, l’Algérie dépensant deux fois plus pour avoir deux fois moins de résultat par rapport à des pays similaires selon un rapport récent de l’OCDE concernant la région Mena. Où en est la politique de développement au sein d'une économie ouverte, où nous assistons à un dépérissement du tissu productif malgré l’accroissement de la dépense publique ? Et se pose cette problématique : le gonflement de la facture des importations malgré le passage du Remdoc au Crédoc a été clôturé fin 2011 à plus 46 milliards de dollars auquel il faut ajouter 11/12 milliards de dollars de services soit une sortie de devises de 57/58 milliards de dollars. Exemple la facture du médicament est passée de 1 milliard de dollars en 2006/2007 à 2 milliards en 2012 ; l’ensemble de la facture alimentaire, elle, est estimée en 2011 à 10 milliards de dollars, et extrapolée à plus de 14 milliards de dollars horizon 2015 en cas de léthargie du tissu économique. Paradoxalement, l’Algérie exportatrice d’hydrocarbures  est importatrice de gasoil et d’essence super sans plomb pour plusieurs centaines de millions de dollars.

D’une manière générale, l’on peut établir une règle de l’évolution des réformes de l’Algérie durant ces trois dernières décennies plus les cours des hydrocarbures sont élevés plus les réformes structurelles qui forcément déplacent des segments de pouvoir, les gagnants d’aujourd‘hui ne sont pas forcément ceux de demain, sont freinés et vice versa alors que la logique économique verrait l’inverse, l’aisance financière permettrait d’atténuer les ajustements sociaux douloureux de ces réformes. Ainsi, l’économie est sous perfusion de la rente des hydrocarbures, sachant qu'il existe des liens  dialectiques entre la logique rentière et l’extension et la sphère informelle, entre le niveau des réserves de change et l’évolution du cours des hydrocarbures déterminés essentiellement par des facteurs externes. Il y a urgence d’une transparence dans la gestion des réserves de change pour éviter les pratiques occultes posant la problématique de la démocratisation de la gestion des hydrocarbures, une transparence dans la gestion du système financier lieu de distribution de cette rente afin de lutter efficacement contre la corruption, les lois et la création d’institutions bureaucratiques inefficientes étant contredits par les pratiques sociales.
Abderrahmane Mebtoul

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