lundi 6 février 2012

Diaspora algérienne futur pétrole du pays ?

Avec ses 98% d’exportations en hydrocarbures, l’Algérie est un pays rentier par excellence. Les études les plus optimistes prévoient l’épuisement de ses réserves en pétrole d’ici 2030. Le pays devra alors se tourner vers sa richesse inépuisable, en l’occurrence la compétence des hommes et des femmes ; et sur ce point la diaspora algérienne pourra apporter énormément à l’économie du pays. Beaucoup disent que les richesses naturelles de l’Algérie sont la cause de tous ses problèmes économiques. Elles ont réduit le pays à un système rentier, couvrant toutes les insuffisances et les échecs des différentes politiques appliquées depuis l’indépendance.
«La bonne nouvelle», c’est que la principale ressource naturelle du pays, le pétrole, va vers un épuisement prompt. Cet épuisement interviendra alors que l’économie mondiale est en train de changer radicalement. C’est ce que pense M. Ahmed Benbitour économiste algérien et ancien premier ministre, il affirme que «nous sommes en train d’aller vers un monde où le savoir va devenir la variable la plus importante du développement.
On parle déjà de l’économie de savoir. Demain la puissance des pays ne se mesurera pas par leurs ressources naturelles, ni même par rapport à leurs ressources humaines. Elle va se mesurer par la compétence de leurs cadres et l’excellence de leurs systèmes de formation». Dans le même sens, M. Abderrahmane Mebtoul, expert international et ancien conseiller à la présidence, affirme que « c’est l’investissement immatériel qui manque aujourd’hui cruellement à ce pays et l’émigration peut y contribuer fortement. Nous pouvons investir autant de milliards de US$ dans le matériel (vision dépassée des années 1970 du modèle des industries industrialisantes) en délaissant l’immatériel sans connaître de développement voire régresser». Mais tout le problème est là : le retour de la diaspora algérienne est loin de constituer un phénomène.

L’investissement étranger
Quand M. Benbitour parle de l’investissement de la diaspora algérienne, il ne le dissocie pas de l’investissement étranger, dont il explique le manque par l’absence «des textes de loi pérennes et stables, une possibilité de prévision à moyen et long terme et un gouvernement qui définit clairement sa politique de développement, pour que les investisseurs puissent s’inscrire dedans. Dans un volet plus social, il affirme, concernant les compétences algériennes qui veulent revenir, que «les conditions d’accueil ne sont pas réunies» pas seulement au niveau de leur travail, mais aussi le niveau de vie de leurs familles.
Si leurs familles vivent à un certain niveau avec une certaine liberté et certaines perspectives pour leurs enfants, il faut qu’ils les trouvent ici sinon ils ne viendraient pas ! «Si des algériens ont quitté leur pays pour des raisons sociales et professionnelles, il faudrait au moins que leur retour ne les renvoie pas au point de départ. Surtout qu’ils sont très attentifs à tous les aspects politiques et socio-économiques du pays.
Avant de parler de leur retour ne faut-il pas d’abord parler de leur départ ?
Un taux de chômage élevé qui va augmenter davantage en considérant l’évolution démographique du pays, un indice de développement humain (IDH) qui a beaucoup de progrès à faire, un système éducatif qui se dégrade, une politique économique qui ne prend pas compte des données du nouvel ordre économique mondial, une dépendance avérée des hydrocarbures et une gouvernance qui a démontré ses limites.
Tous ces points contribuent à la dissuasion des émigrés de revenir d’après M. Mebtoul. Mais avant de parler de leur retour ne faut-il pas d’abord parler de leur départ ? Selon le Conseil national économique et social (Cnes), la période allant de 1994 à 2006, a connu le départ de pas moins de 71 500 diplômés !
L’expert international résume les causes du phénomène par «la dégradation de la situation sécuritaire, les conditions socioprofessionnelles, l’absence d’un climat propice à la recherche et la formation des élites, les entraves à la liberté d’initiatives, les relations de clientèles dans la promotion défavorisant le mérité, l’absence de débouchés, tout cela aggravé par la corruption qui le rend pareil à un cancer qu’il faut traiter avec une forte chimiothérapie».
Il s’agit d’un véritable drame pour le pays, mais si la situation venait à changer, l’Algérie pourrait se retrouver avec des centaines de cadres hautement qualifiés grâce aux expériences acquises à travers le monde, ce qui constituerait un atout majeur pour réorienter l’économie du pays.

Des valeurs fortes et nobles
Une réorientation qui doit se faire pendant que les ressources financières la permettent. A ce propos, M. Benbitour prévoit une baisse des exportations d’ici l’année 2020, pour lui des réformes doivent débuter avant la fin 2012, afin que le pays soit prêt à faire face à la nouvelle situation.
Il considère que «les secteurs sur lesquels il faudra investir sont : les services qui gravitent autour des TIC, le tourisme, l’agriculture et l’industrie. et ce sont tous des secteurs où notre diaspora peut beaucoup apporter que ça soit en assurant la distribution à l’étranger ou en partageant son savoir-faire».
Mais le plus important c’est que cette relance soit construite sur des valeurs fortes et nobles : «on construit une économie d’abord sur les valeurs morales d’une société, l’éducation civique, le code de l’honneur, la tolérance, la discipline, la rigueur, la performance, le sens du devoir, l’ordre de mérite, la loyauté, le goût de l’effort, la déontologie et la connaissance», estime M. Mebtoul qui a par ailleurs précisé que ni l’âge d’un pays ni ses ressources naturelles ne font son développement.
L’Algérie a de grandes potentialités. Grâce à sa richesse en ressources humaines, elle peut aspirer à un avenir meilleur, où émigrés et nationaux travailleraient ensemble pour le développement et la prospérité de leur pays. Ceci doit passer par des réformes profondes qui touchent tous les domaines, afin que les algériens puissent accueillir l’après-pétrole dans les meilleures conditions.

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