mardi 14 février 2012


Une tempête de neige plonge dans l’isolement des communes entières

Les politiques de développement local désavouées



Au-delà des dégâts matériels et les souffrances qu’endurent les populations locales, la tempête de neige, qui a dévasté la région de Tizi Ouzou depuis dix jours, à l’instar de plusieurs autres wilayas du nord du pays, s’avère un véritable test pour mesurer l’efficacité des équipements socioéconomiques et les politiques territoriales dont les localités devaient être dotées.
Depuis quelques années, en effet, les pouvoirs publics ne cessent d’évoquer « des efforts consentis » pour améliorer les conditions de vie des populations rurales. Qu’en est-il réellement sur le terrain ? «A Abi Youcef, c’est la mobilisation et la solidarité des citoyens qui ont permis de désenclaver quelques villages (…) Les citoyens se sont mobilisés aux côtés de l’APC pour sortir plusieurs villages de notre commune de leur isolement», déclarait samedi dernier à El Watan le P/APC d’Abi Youcef, dans la daïra d’Iferhounène à plus de 1000 m d’altitude et où la neige a dépassé 1,5m d’épaisseur. La population de cette localité attend avec impatience l’ouverture de la route menant au chef-lieu de wilaya pour pouvoir acheminer du gaz butane et du gasoil à partir d’Oued Aïssi, expliquait encore le même responsable qui décrit l’atmosphère dans laquelle se débattent ces milliers de foyers de la haute montagne qui doivent désormais leur survie à l’élan de solidarité populaire mis en œuvre dans la région.
Dans la localité d’Ath Zikki, à 70 km à l’est de Tizi Ouzou, plusieurs villages demeurent enclavés jusqu’à samedi. «Nous saluons la solidarité des populations des communes voisines qui se sont mobilisées pour nous ramener même des produits alimentaires», déclarait le P/APC de ladite commune. Une ambiance identique, pénalisante et morose, plane toujours sur d’autres localités comme Bouzeguène, Iboudrarène, Illilten ou Ath Yenni.
Des communes dépourvues de moyens
Certes, la situation est un cas de force majeure dû aux conditions climatiques qui se gâtent. Mais certaines carences auraient pu être évitées s’il y a eu réellement volonté politique. La première interrogation qui se pose, pourquoi les communes affectées sont dans l’incapacité de prendre en charge elles-mêmes les mesures de première nécessité comme, par exemple, le dégagement des routes pour faciliter l’approvisionnement des citoyens en produits de consommation ? En réponse à cette question, les responsables et élus de ces localités avouent à l’unanimité que leurs communes respectives ne sont pas dotées en matériel nécessaire (engins, tracteurs, camions, etc.).
L’autre lacune qui a fait son apparition au niveau de ces régions sinistrées est la pénurie qui touche désormais l’ensemble des produits de base, notamment les produits alimentaires, le gaz butane et le gasoil au niveau des stations-services. Dès le troisième jour de la tempête, les commerces commencent à entrer en situation de rupture de stock, les produits disponibles étant écoulés et les routes coupées empêchant l’approvisionnement. Cette situation a contraint les populations de Aïn El Hammam, par exemple, à se soumettre au régime de rationnement en semoule, à hauteur de 10 kg/foyer, témoignent les citoyens de la région.
Recherche désespérément du gaz butane !
Pour ce qui est du gaz butane, le centre d’enfûtage sis à Oued Aïssi et l’ensemble des points de vente de ce produit sont pris d’assaut en permanence par les citoyens dont certains ont été contraints à acquérir une bonbonne de gaz à 1000 DA (quatre fois son prix). Cette crise relance aussi le débat sur l’extension du réseau d’alimentation en gaz naturel. Depuis 2006, les autorités de la wilaya affichent une volonté d’étendre le réseau même dans les villages les plus reculés et les communes de montagne. Mais plus de cinq ans plus tard, le taux de pénétration en gaz naturel dans cette région du pays n’atteint pas le seuil des 20%, reléguant Tizi Ouzou au rang des wilayas les moins dotées en ce produit indispensable.
En tout cas, l’acheminement des produits de première nécessité vers les localités demeure toujours impossible tant que les routes y menant ne sont pas encore dégagées. En revanche, s’il y a eu une réelle politique d’orientation de développement local, la situation aurait été moins désastreuse. En effet, il faut noter que, pour la wilaya de Tizi Ouzou, les commerçants de toutes les communes rurales sont dans l’obligation de s’approvisionner en produits alimentaires au chef-lieu de la wilaya où se concentrent les réseaux du commerce de gros.
Or, à la faveur des politiques d’aménagement urbain mises en œuvre, les autorités locales auraient fait mieux en incitant au développement du commerce de gros et autres équipements d’accompagnement des localités. Face à cette situation, l’on se rend compte que les villages et les communes rurales ne sont que des lieux de regroupement de familles toujours vulnérables et dépendantes des centres urbains. Ces localités sont loin d’être dotées de moyens nécessaires permettant de répondre aux besoins des populations. Par ailleurs, les pertes économiques ne sont pas moindres dans la région de Tizi Ouzou où la quasi-totalité de l’activité industrielle et agricole est à l’arrêt depuis plus d’une semaine.
Le complexe de l’industrie électroménager, Eniem, est ainsi à l’arrêt depuis le début de ces intempéries, eu égard à l’incapacité des travailleurs de rejoindre leurs postes. De multiples autres entreprises sont dans la même situation avec toutes les pertes qui en découlent.             
Mohamed Naili

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