mercredi 8 février 2012

Témoignages. Diaspora algérienne dans le monde: "Notre vie est en points de suspension…"


A.B étudiant, établi en France.
Autant que je sache, les termes nous désignant, disons de façon officielle, sont : communauté algérienne en français, et El Jalia El Djazairia en arabe. Ce qui se traduit par émigration algérienne. Cette dernière appellation ayant pour écho le doux sobriquet populaire de zmagra, zmigri …etc. Par contre, si le mot émigré s’applique bien à nous, car nous sommes bien des émigrés, même si l’avouer pour certains d’entre nous est amère, le mot communauté ne s’étend pas plus loin que la simple appartenance au même pays. Je préfère à ces deux termes l’un trop général, l’autre pas tout à fait juste, le mot Diaspora. Je regarde dans un dico le sens de ce mot et je trouve ce qui suit: Etat de dispersion d’un peuple, ou d’une communauté. N’est ce pas le reflet parfait, à mon avis, de ce que sont les algériens à l’étranger…. et même au pays; Dispersés.
Nacer, étudiant en médecine, revenu depuis deux ans de paris.
Tout a commencé par un désir de changement, et pas n’importe lequel, celui qui est convoité par tant de gens, tant de concitoyens, tant d’étrangers aussi. J’avais la chance de pouvoir en profiter, alors j’ai sauté sur l’occasion pour rallier la France.
A la base je suis étudiant en médecine, et quoi de mieux que de faire mes études en Europe, dans un endroit où il y a sûrement plus de moyens, et où je serai mieux considéré. C’était aussi à cause des mentalités et des mœurs que je voulais partir, je voulais voir autres chose, et avoir d’autres expériences. En tout cas, c’était en ces temps là, encore mes objectifs.
Mais après quelque temps passé de l’autre côté de la méditerranée, c’était plus la même chose. Pourtant, j’étais très bien pris en charge, considéré, bien entouré, mais, il y avait quelque chose qui me manquait.
Dans une grande ville comme Paris, j’avais l’impression de faire partie d’un décor. Ça parait bête à dire, mais c’est le cas. J’aurai toujours en mémoire, les sorties de métro. En un laps de temps record, on fait face à une foule immense, surtout en heure de pointe. Une horde de gens pressés, désintéressés de leur environnement proche et aveugles à ce qui les entourent. Je m’y suis fais bousculé deux ou trois fois, et ça me donnait l’impression d’être invisible. Le mal du pays, on l’a tout le temps. Même si vu du bled , ça parait être de l’enfantillage. Voir un comportement d’enfant gâté. Ici, à Alger, je me sens utile, du moins j’en ai l’impression, même si ce n’est pas le cas, je le suis au moins à mon échelle, à ma manière. Je suis passé d’un statut de figurant à un statut d’acteur, depuis que je suis revenu, d’ailleurs je ne pense plus à partir, du tout.”
Lamine, architecte établi en Belgique.
Là où je suis, il faut que je fasse deux fois plus d’efforts que les autres pour arracher ma place, même si ça me revient de droit.
A niveau égal, la préférence est souvent nationale. Aujourd’hui, je n’ai aucune idée de ce que je vais faire, je vis au jour le jour. Je prendrai une décision le moment venu. Ce qui est sûr, c’est que rien pour le moment ne retient mon attention au point de penser faire ma vie ici en Belgique.
A la fin de mon cursus, je pèserai le pour et le contre, mais sauf retournement de situation, je ferai des plans de villas à Hydra et Draria d’ici deux année.
Ici, j’ai appris comme jamais. Non seulement je me suis perfectionné dans mon domaine, j’ai acquis d’autres compétences, mais j’ai surtout appris à travailler. Toute une compétence que je n’aurais jamais soupçonné si j’étais resté en Algérie. Une gestion manageriale, une organisation et des façons de faire dont notre pays ne peut plus se passer. C’est en Belgique, que j’ai compris le casse tête de la fuite des cerveaux. Ce ne sont pas des paroles en l’air. la plupart de mes enseignants à Alger ont eu le même parcours que moi. On ne peut pas rompre la chaine.”
Kamel, électronicien.

“Il y a 3 ans, je suis allé en Grande Bretagne. Aussitôt arrivé, aussitôt installé. J’avais mon boulot, mes études, mon appartement. La belle vie quoi.
Je m’étais fixé comme première étape de faire des études, c’est d’ailleurs ainsi que mes parents ont accepté mon départ, sans trop de réticence. Mais au fond de moi, j’étais pratiquement persuadé de ne plus revenir. J’ai vécu en France, dans le nord et en Angleterre. Ce fut d’ailleurs une excellente expérience. La Grande Bretagne, est et restera à mon avis le pays le plus accueillant en Europe. Pas de racisme. Pas d’idées reçues. Pas de préjugés, les anglais sont très faciles à vivre.
J’ai commencé à avoir des doutes au bout d’une année. Ça a commencé par une histoire d’argent. Il est vrai que je vivais correctement, mais il m’était impossible de faire des économies, mettre de l’argent de coté, ou de faire des projets. Avec du recul, en y réfléchissant, c’est sûrement qui me dérangeait le plus: c’est de ne pas pouvoir me projeter pour l’avenir.
C’est un vrai casse tête, surtout quand il n’y a ni grand frère, ni papa ni maman derrière vous. Quand on est chez soi, on peut aller de l’avant, on peut penser à ce qu’on va faire ou devenir dans dix ou quinze ans. On peut même prévoir des plans B voire C au cas où ça ne se passerait pas comme on l’espère. Mais lorsqu’on est de passage, juste des invités de longue durée, ça se corse. Avant de partir, je m’étais entretenu avec des potes qui en avaient fait l’expérience, l’un d’eux m’avait dit un jour, “Ne te prend pas trop la tête, le paradis ne se trouve pas sur terre”. Et il avait bien raison. Aucun endroit ne peut être satisfaisant à 100%. L’engouement que portent les gens pour l’émigration est normal. Ceci existe depuis la nuit des temps et les raisons en sont trop nombreuses pour les citer toutes. J’ai finalement changé d’avis. Et pour cause: une fois sur place, les impressions changent. Les images et idées qu’on se fait de ces pays se transforment en “déjà vu”. On a vite envie d’évoluer. Je pense que les algériens accordent trop d’estime à l’Europe. Au final, je ne me suis jamais senti aussi épanoui qu’à Tlemcen, ma ville natale. J’ai l’opportunité de créer, et ça se ressent assez vite dans la vie de tous les jours. Je me suis spécialisé dans un domaine peu en vogue en Algérie: le biomédicale. C’est grâce à mon expérience en France que je m’en suis rendu compte. Je ne regrette absolument rien et j’encourage les petites expériences à l’étranger, quant à moi, la prochaine fois que je quitterai le pays, ce sera pour des vacances.”
Sihem, informaticienne
Je suis partie le lendemain de l’obtention de mon diplôme. J’avais une envie d’air frais, d’une bouffée d’oxygène. Et je l’ai eu. Tous les moyens étaient bons pour partir. J’ai même fait la bêtise de choisir une formation qui ne me plaisait pas. J’ai opté pour la première université qui m’a répondu favorablement afin d’optimiser mes chances de “débarrasser le plancher” comme je disais à cette époque. Passés les premiers mois, l’installation, la stabilisation, l’excitation laissent place aux tracas du quotidien. Une routine certes plus facile à vivre en France qu’à Alger, avec les loisirs, le cinéma, le métro, les moyens à l’université et tout le reste, mais la routine quand même. L’eldorado était à portée de main; maintenant il est acquis. Que faire après?. Ma formations ne me réjouissait guère. Mes attentes n’étaient plus qu’un fantasme assouvi.
Je suis venue, j’ai vu,…… et alors!!
C’est là que j’ai commencé à penser à rentrer au pays. J’ai au début demandé conseils, mais ça s’est vite avéré être une mauvaise idée. Les goûts et les couleurs ne se discutent définitivement pas. J’ai compris qu’il fallait peser le pour et le contre. Vivre sans métro est-ce si dur que cela?. La différence dans le mode de vie entre la France et l’Algérie est-elle si criante que cela? Jusqu’à quand je vais continuer à hésiter à revenir ou pas, y a t-il une limite? Et si ça devenait trop tard? . Je suis passée ainsi par une longue période de questionnements existentiels. Et un jour, sur un coup de tête, J’ai acheté un billet et je suis rentrée. Je ne suis jamais repartie. Le retour à la vie algérienne a été très dur. J’ai même regretté mon geste à un moment. Mais maintenant que j’ai une situation plus ou moins stable, le placard à fantômes est définitivement fermé. Plus de regrets, plus d’hésitations. En plus, mon expérience en France m’ouvre des portes ici, mes choix sont de tout bénéfices pour moi.
Mohamed, éducateur.
Je suis ce qu’on appelle un beur. Un français issu de l’immigration, même si pour mon compte, je n’ai jamais connu un autre endroit que la France. Bref, issu d’un pays que je ne connais donc pas, j’ai décidé il y a quelques années de le visiter, de voir d’où je venais…
Arrivé en Algérie, j’ai eu tout de suite l’impression de ne pas être algérien. Ça se voit, de toute manière, nous n’avons pas la même couleur …..de passeport. Par contre, malgré cette différence de taille, mon adaptation fut très facile. Les codes ne sont pas si différents de là d’où je viens (France). Confronté à des problèmes de chômage et de discrimination en France, je décide sans trop réfléchir de faire une expérience à Alger et m’y établir une année ou deux. Après m’être heurté pendant longtemps au problème de la disparité des diplômes, je trouve enfin ma voie. Mon père m’a toujours dit, que ce sont les émigrés algériens entre autres qui ont construit les ponts et les autoroutes que nous empruntons aujourd’hui en France. “Si nous nous avons réussi à le faire en France, vous vous réussirez sûrement à faire autant en Algérie” concluait il. ”

Amine, ingénieur software en Allemange.
” J’ai quitté l’Algérie par manque de qualité de vie au quotidien, plus que par raison économique.
Le jour où Alger ressemblera à Genève, i.e. infrastructure et comportement de la population, ce jour là peut être je rentrerai en Algérie.
L’Algérie ne fait pas d’efforts pour nous encourager au retour au bercail. Je penserais plutôt le contraire.
La lumière blanche qu’apporterait cette matière grise dérangerait l’establishment qui aime à se mouvoir dans l’opacité noirâtre et à naviguer en eaux saumâtres. Dans la transparence et la liberté absolue, la diaspora jouera tout simplement son rôle, à coté de la dynamique populaire restée sur place mais effrayée et muselée, de moteur social, et ce tous azimut. On ne peut pas espérer un retour de la diaspora au moment même ou le phénomène de harraga bat son plein!
Je crois que nous sommes loin de cette perspective.
C’est peut être même une utopie, car quand on s’habitue à la qualité de vie qu’offrent les capitales européennes, il est franchement difficile à envisager un retour définitif dans un pays classé parmi les derniers en matière de qualité.
Même ceux à qui on a promis des bureaux, du cuir et du feutre, se sont lassés du système, végétatif et liberticide.
Kh_louna

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