samedi 14 décembre 2013

Entretien avec Réda Hamiani, président du FCE « Il y a une espèce d’incertitude et d’inconnu liés au contexte politique »

Entretien avec Réda Hamiani, président du FCE ::« Il y a une espèce d’incertitude et d’inconnu liés au contexte politique »
Réda Hamiani a été réélu, ce jeudi 12 décembre, pour un quatrième mandat à la tête du Forum des chefs d’entreprises (FCE). Dans cet entretien, l’ancien ministre des PME-PMI revient sur le sommet algéro-français prévu les 16 et 17 décembre, l'impossibilité pour les patrons algériens d'investir à l'étranger et le contexte politique qui semble nourrir les craintes des chefs d'entreprises en Algérie.
Qu’attendez-vous du premier sommet algéro-français qui se tiendra les 16 et 17 décembre ?

C’est la septième rencontre qu’on organise avec le Medef. Nous recevons des délégations d’affaires pour approfondir les relations et faciliter la prise de décisions en matière d’investissements. Il faut que les chefs d’entreprises français connaissent un peu mieux le pays, qu’ils rencontrent des partenaires et qu’ils se familiarisent un peu plus avec nos us et coutumes. Et cette fois-ci, il y a près de 80 entreprises françaises qui vont venir à l’occasion du sommet. Une douzaine d’accords de partenariat selon la règle 49/51 seront signés. D’autres accords avec de grands groupes sont également prévus et seront pilotés par le ministère du Développement industriel et de la Promotion de l’investissement.

Les entreprises algériennes sont sollicitées, aujourd’hui, pour investir en France…

Elles ne peuvent pas. La réglementation algérienne est très restrictive dans ce domaine et exige des investisseurs algériens un accord préalable du Conseil de la monnaie et du crédit (l’autorité monétaire). Et cet accord préalable pose problème parce qu’on ne l’a jamais eu. Concrètement, les dossiers déposés n’ont jamais eu un écho favorable.

Doit-on lever cette interdiction ?

Bien évidemment ! En ce qui concerne le marché français, il y a certainement des opportunités pour racheter des entreprises et pour placer des produits algériens de l’agroalimentaire qui sont maintenant aux normes internationales comme le sucre de Cévital ou les pâtes et les couscous de Benamor. Et je pense également aux flux d’échanges avec les pays africains. Cévital exporte de l’huile et du sucre. Il aurait besoin de créer des structures relais en Côte d’Ivoire ou en Afrique du Sud, par exemple, pour vendre ses produits et constituer des relais commerciaux.

Mais le groupe Cévital arrive à investir à l’étranger en rachetant des entreprises et des usines en France et en Espagne…

Il faut lui poser la question. Ce que je peux vous dire, c’est qu’il ne le fait pas avec des capitaux algériens.

La règle 49/51 semble toujours constituer un obstacle pour les investisseurs étrangers…

Nous avons eu l’occasion de constater, avec un peu de recul, que cette règle ne constituait pas un frein pour les grands investisseurs sachant qu’ils auront le management. Des investisseurs qui savent trouver des parades. Pour les PME et PMI, oui. Et cette crainte fait perdre à l’Algérie son attractivité. En fait, la règle 49/51 est, de notre point de vue, trop générale. On devrait au préalable définir les activités dites stratégiques pour l’économie algérienne comme le pétrole, la téléphonie et les banques.

Généraliser le 49/51 à toutes les activités me semble pénalisant. On devrait essayer de donner un coup de pouce à l’entreprise qui assure la formation, celle qui transfère sa technologie et celle qui aide à l’exportation. L’objectif serait de la différencier de celles qui ne s’intéressent qu’au commerce. Dans l’absolu, cette loi est trop rigide.

L’État a finalement décidé d’exercer son droit de préemption sur Michelin Algérie…

Il exerce une prérogative qui lui est reconnue par la loi. Je crois savoir que c’est l’aspect foncier qui a été mis en avant dans cette affaire. Le gouvernement algérien veut récupérer la grande surface sur laquelle était installée l’usine de Michelin. Maintenant, il y a un contexte juridique parce qu’il s’agit d’une augmentation de capital à laquelle Cévital a souscrit et pas d’une vente directe.

Quel signal pourrait envoyer ce genre de décision à l’étranger ?

Un mauvais signal ! Les investisseurs étrangers n’ont pas suffisamment d’éléments d’analyse. Donc, ils ont tendance à conclure que l’État algérien est contre les étrangers et l’investissement privé. C’est contradictoire de les solliciter, de les inviter, d’organiser des séminaires et des rencontres et de prendre des décisions de cette nature sapant ce qui a été fait dans ce domaine.

Le baromètre des chefs d’entreprises a enregistré une forte baisse en novembre…

Notre baromètre repose sur un niveau de production, un niveau de stock et un niveau de carnet de commandes. La combinaison des trois donne cet indice qui est ressorti à -17 en novembre, après avoir été à -4 en octobre. Nous n’avons jamais enregistré un tel écart. On constate qu’il y a moins d’achat et donc moins de vente. Les stocks se sont accumulés. Même l’industrie agroalimentaire est concernée.

Comment expliquez-vous cette situation ?

Nous sommes dans une conjoncture morose. Aujourd’hui, il y a une espèce d’incertitude et d’inconnu liés au contexte politique. Il y a une hausse des prix et un malaise social, car on n’arrive toujours pas à offrir suffisamment d’emplois à nos jeunes. Peut-être que ces quelques semaines à venir vont pouvoir dissiper les doutes si, par exemple, le président Bouteflika annonce sa candidature, si le jeu politique s’installe, si cette période de vote est assez claire pour tout le monde. Mais ce sont là des hypothèses. Pour l’instant, on fait le constat. On essaiera, par la suite, de mieux comprendre. 
 
Est-ce que cela pourrait pousser les chefs d’entreprises à être plus prudents et donc à investir moins ?

Je ne sais pas s’ils prennent en compte le baromètre lors de la prise de décision. Mais le contexte politique a, généralement, peu d’emprise sur le monde économique. Sauf quand il s’agit de décisions concernant l’investissement.

Est-ce que les chefs d’entreprises nourrissent des craintes après les derniers changements au sein de l’armée effectués par le président Bouteflika ?

On n’a pas les outils d’évaluation nécessaires pour apprécier la valeur de ce changement. On a l’impression que c’est un jeu interne. Ça n’a pas de relations directes avec le monde économique. Donc, cela n’a pas d’influence et les chefs d’entreprises n’ont pas de préoccupations dans ce sens.
TSA

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