dimanche 31 juillet 2011

“Devoir” de retour au pays : Comment les emigres passent-ils leurs vacances ?


Amokrane Hamiche.
image
Ils sont venus. Les Algériens résidant à l’étranger n'ont pas manqué l'occasion cette année de se rendre, en cette courte période estivale, au bled pour les vacances. Si ces derniers ont choisi le pays qui les a vu naître pour se ressourcer, cela n’est pas sans raison.
«L’Algérie, c’est le retour aux sources, l’origine de notre culture, la destination du cœur qui n'a pas de prix», disent-ils avec une fierté non dissimulée. Reste à savoir maintenant comment ces derniers passent-ils leur temps. Yakouren, commune située à quelque 50 km au nord-est du chef-lieu de la wilaya de Tizi Ouzou, il est 9h en cette journée du vendredi. Le soleil n'a pas encore lâché sa fournaise sur la ville qui se réveille lentement dans la douceur d'une brise matinale. A quelques encablures d’ici se trouve la forêt, autrefois surnommé «la petite Suisse nord-africaine». Pour celui qui arrive pour la première fois, la première impression est celle d'une forêt splendide. Un havre de paix, par excellence. Le site continue de séduire toujours ses visiteurs. Ces derniers viennent des quatre coins du pays pour se ressourcer. Cette fois-ci ceux qui ont succombé à ses charmes sont venus d'ailleurs, de l'autre côté de la Méditerranée.
Rencontré sur les lieux, Samir, un jeune de 25, natif de Bougie, résidant dans la région parisienne, ne cache pas son admiration pour cet endroit. «J’ai tenu à être ici bien que j'habite un peu loin. Après tout, je suis en vacances… Cela fait du bien de prendre l'air de la montagne», dit-il, avant que son ami, au bord d'un véhicule, ne renchérisse : «C'est devenu pour moi une tradition.
Je viens au bled chaque année, et c'est toujours avec un immense plaisir que je découvre mon pays et cette Kabylie aussi splendide que mirifique.» Les Azzizi vivent à Lille depuis 30 ans. Malgré ces années vécues là-bas, cette famille originaire de Béjaïa n’a jamais coupé le cordon ombilical avec la mère patrie. «Notre pays est irremplaçable. C’est la destination du cœur. Rien qu'en retrouvant les miens, je décompresse. Le retour au bled est pour moi une bouffée d'oxygène. Il m'est impossible de passer mes vacances d'été dans un pays autre que l'Algérie», soutient Ahmed. Et d’ajouter : «Notre pays offre toutes les commodités possibles pour un séjour agréable. Certes, il reste encore quelques lacunes à combler, notamment au niveau des ports et aéroports où des lenteurs administratives subsistent toujours, mais cela ne peut en aucun cas constituer un empêchement.» Originaire de Bouzguène, Salem, quadragénaire, résidant à Marseille, abonde dans le même sens. «Cela fait dix ans que je n’ai pas mis les pieds au bled. Le boulot et la situation sécuritaire en sont les causes. A première vue, le bled s'est métamorphosé avec des nouvelles infrastructures, des nouvelles autoroutes, tous ça c’est positif», affirmera-t-il. «Notre pays et beau. Les paysages d'ici n’ont rien à envier à ceux de là-bas. Mère nature est gracieuse. Elle nous offre des tableaux tout autant beaux que somptueux. Sans exagération aucune, c’est paradisiaque», admira-t-il. 
«LA MER ! LA MER ! »Farida et M’hand viennent du Canada où ils résident depuis 10 ans. C’était une première pour eux depuis qu’ils ont quitté le pays en 2000. Farida adore la plage. «Pour moi c’est clair : rien ne remplace une journée au bord de la mer, allongé sur une plage de sable fin», soulignera-t-elle. Un avis pas totalement partagé par son époux. M’hand, lui, préfère plutôt la montagne. «Regardez ces paysages, allusion faite à la forêt de Yakouren, on ne les retrouvera nulle par ailleurs. J'ai sillonné plusieurs pays, mais un lieu comme celui-ci, c’est incontestablement le meilleur de tout ce que j’ai vu. C'est un éden», constatera-t-il.
Natif d’Azazga, Saïd, un quadragénaire, est venu pour la première fois au bled après l’avoir quitté pour l’Espagne en 1995. Premier sensation : il s’est dit émerveillé par la générosité, jamais perdue, des gens d'ici. Tout comme Farida, la femme de M’hand, Saïd préfère de loin le paradis marin pour passer le plus grand temps possible de ses vacances. Sa plage favorite, c’est le Petit Paradis. Pour lui, rien ne vaut la sensation de s'allonger sur la plage pour lézarder au soleil.
Azzefoun, l’heure affiche 12h30 en cette journée du mercredi. Le Petit Paradis est à quelques encablures du centre-ville. A 17 kilomètres environ, pour être précis. Et pour une mauvaise surprise, c’en est vraiment une : l’état de la mer, peu agité, n’incite pas trop à la baignade. «Cela fait maintenant quatre jours que la mer se trouve en cet état», indiquera un maître-nageur. Conseil : pas droit à l'aventure. La prudence doit être de mise. La plage, elle, grouille d'estivaux, essentiellement des familles. Celles-ci sont venues de partout. «Nous sommes ici très tôt le matin rien que pour passer le maximum de temps en mer. Certes, je suis un peu déçu de ne pas profiter de la baignade, il n'en reste pas moins que rien ne vaut une excursion en mer», lancera Kahina, originaire d’azzefoun établie dans la région parisienne. Et sa sœur de poursuivre, qualifiant la plage d’un joyau, même si en matière de prestations de services, il y a matière à amélioration.
VILLAGE QUAND TU NOUS TIENS…Natif d'Azazga, Hamid, la trentaine, établi dans l'Hexagone depuis un peu plus d’une décennie, est rentré au bled mi-juin en compagnie de sa femme et de ses deux fils. Interrogé sur son séjour au pays natal, il dira : «Si nous avons décidé de passer nos vacances au village, c'est avant tout pour des raisons familiales. Le mariage de ma sœur est pour bientôt. Bien sûr, cela permettra aussi à mes deux fils de connaître les gens du bled. On aura fait ainsi d’une pierre deux coups», indiquera-t-il.
Fait remarquable : le pays d’origine des parents n’a pas pour autant perdu la cote chez leurs enfants. Les preuves, ce n’est pas ce qui manque : Aït Bouhini, localité située entre la commune de Yakouren à l'est (4 km) et Azazga à l'ouest (5 km), il est 22h30 en cette soirée du mardi 19 juillet. Bonheur au village.
C'est la fête. Brahim, un fils d’émigré, célèbre son mariage parmi les siens. L'ambiance est bon enfant. Des youyous fusent de partout. Les gens dansent, chantent au rythme d’ idebalen, groupe folklorique traditionnel de Kabylie. Un fait qui n’a pas laissé de marbre les habitants, d’autant que Brahim n’est qu’un cas parmi d’autres : «Célébrer leurs mariages avec les gens du village dénote de l'attachement sans faille que ces enfants d'émigrés ont pour leur pays d’origine, pour leurs us», lance, tout heureux, un homme d'un certain âge.
«C'est la première fois que je suis venu en Kabylie. C'est mon père qui a insisté pour me faire visiter mon pays d'origine. Etant donné que je suis né en France, je ne connais de l’Algérie que le nom. Pas plus. Je dirais que je suis très heureux d’être ici parmi les miens. Les gens sont bien, les paysages sont paradisiaques. Je suis comblé», dira Khaled 13 ans. Sa sœur, plus âgée que lui, enchaînera : «Moi, c'est la deuxième fois que je viens au bled. Ici, je me sens chez moi. Je suis contente de rencontrer mes amis d’enfance. C'est toujours un immense plaisir de les rencontrer». Sur la question de savoir comment passent-ils leurs journées ? Khaled répondra : «En fait, notre journée est divisée en deux phases. La journée, nous la consacrons pour aller, soit à la plage, soit à la montagne, alors que le soir est consacré aux visites familiales.
C'est sacré.» Ali, un autre Algérien résidant en France originaire de Fréha préfère, lui, son village natal pour passer son séjour. Il expliquera : «La ville, j’en ai assez ! C'est mieux en village. Nous avons besoin de calme pour mieux se ressourcer et recharger les accus. Je suis si fatigué de vivre en ville.»
BONNES AFFAIRES… POURQUOI PAS ?Les vacances au bled pour les émigrés, ce n’est pas uniquement pour profiter du soleil et des plages de sable fin. L’attraction est également… affaires. Est-ce la fin d'une époque ?
Difficile de répondre. Ce qui est sûr, le temps où l'émigré ramenait dans ses valises des vêtements pour toute la famille est bel et bien révolu, du moins pour certains. Fini le temps où le fils, pas tous, parti gagner sa vie et faire vivre la famille revenait avec de l'argent dans les poches. La donne a changé. Témoignages : «Résider à l'étranger, la France où partout ailleurs, ne veut, en aucun cas, dire qu’on est riche. On est très modeste et parfois le niveau de vie d’une famille algérienne ici est nettement meilleure que le nôtre», confira Souad, avant de poursuivre : «La vie est devenue très chère en France. Beaucoup de familles ont mis, pour cause de difficultés financières, un trait sur les vacances.»
Cette femme originaire d’Azazga résidant en France depuis 7 ans a déjà son idée quant aux produits qu’elle compte acheter. «L’'électroménager, c’est moins cher ici, ajoutez au fait que vous pouvez négocier tout ce que vous achetez. Et puis, il y a des choses bien de chez nous qu'on ne peut trouver qu'au pays», dira-t-elle. Les objets d'artisanat, vêtements, chaussures, et même les portables sont les produits qui attirent les émigrés en cette période et qui fait le bonheur des commerçants ? Au centre commercial d'Azazga, les produits électroménagers attirent l’attention de cet émigré. Les tarifs, estime-t-il, sont abordables. A titre d’exemple, les prix des téléviseurs oscillent entre 37.000 et 39.900 dinars TTC. Un mixeur expert robotic s’affiche à 8.550 DA alors qu’une centrifugeuse clotronic est cédée à 4.850.00 DA.
Un vendeur tout heureux nous dira : «Nous avons ici des appareils qui n'ont pas bougé depuis leur exposition. Aujourd’hui, avec la présence des émigrés, nos produits se vendent». C’est la même frénésie pour les fruits et légumes. Un détaillant indiquera que ses produits, sans exception aucune, ont été écoulés en l’espace d'une journée alors qu’avant, ce n’était pas le cas.
C'est également la même chose chez les bouchers. «Ils achètent tout sans compter. Nous sommes heureux pour notre activité en cette période qui coïncide aussi avec les fêtes de mariage. Les affaires marchent bien», dira l’un d’eux. Autre exemple édifiant, les vendeurs d'articles d’artisanat à Fontaine Fraîche, à 2 km du chef-lieu de la commune de Yakouren, ont vu leurs chiffres d'affaires passer du simple au double en cette période. Pas besoin de promptes enquêtes pour claironner les raisons de cette augmentation… les émigrés sont passés par là.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire