lundi 18 juillet 2011

POINT DE VUE de Farid Bensebaa, professeur associé à la York University de Toronto

Le solaire thermique est loin d'être la meilleure solution pour l'Algérie



Suite à l’article de S. Lyes et les commentaires des lecteurs sur l’inauguration de la première centrale hybride, j’aimerais porter quelques clarifications qui je pense seraient bénéfiques pour stimuler un débat sain et constructif. Il faudrait rappeler qu’il y a deux approches de production d’électricité à partir de l’énergie solaire. L’approche thermique utilisée dans le projet de Hassi-Rmel, et l’approche photovoltaïque qu’utiliseront Rouïba éclairage et Sonelgaz. Contrairement aux idées que le lobby solaire thermique (en particulier Desertec) a pu véhiculer à travers des études floues, le solaire thermique est loin d’être la plus économique des deux approches.
En particulier, le projet de la centrale solaire de Hassi-Rmel ne semble pas être un choix judicieux pour différentes raison en particulier:
1. La filière solaire thermique est plus chère qu’on le pensait. Bien sûr, on nous dit que le prix au kWh est plus bas dans le cas du projet de Hassi-Rmel. Mais ce qu’on oublie de dire (voir qu'on cache), c'est que seulement 5% de l’électricité est d’origine solaire, le reste provient du gaz naturel. L’ancienne équipe du ministère de l'Energie et des mines s’est faite bernée par les lobbies de cette industrie.
2. Comme les autres sources d’électricité thermique, elle demande beaucoup d’eau (jusqu'à 1 million de mètres cubes par tranche de 50 MW). Je suppose que dans ce projet, l’eau vient d’une source non-renouvelable.
3. L’approche clé en main ne facilite pas le transfert de savoir-faire, surtout qu’aucune entreprise privée algérienne n’est impliquée. Les structures ne sont pas mises en place pour recevoir, garder et enrichir ce savoir-faire. Le solaire thermique ressemble beaucoup plus à une centrale au gaz naturel avec en plus les complications liées aux capteurs solaires et l’intermittence solaire. Jusqu'à ce jour on n’est pas capable de construire ou d'entretenir une centrale au gaz naturel, et je ne vois pas comment on pourrait le faire avec une centrale solaire thermique !
4. La technologie solaire thermique est mature, avec très peu de chance de réduction de coût dans le futur. Ce n’est pas le cas du solaire photovoltaïque. De plus, un avantage important du photovoltaïque est son potentiel de développement au Nord et au Sud sans distinction de la taille de production. Pour être économique, les centrales solaires thermiques doivent êtres grandes et surtout localisées dans le sud. En étant décentralisée, l’électricité photovoltaïque pourrait contribuer à la fiabilité et à l’efficacité du réseau surtout dans les régions mal servies par le réseau électrique actuel.
La question que pourrait se poser le lecteur, est de savoir si le train pourrait être remis sur rails. Je pourrais dire oui, si des rectificatifs appropriés incluant une réglementation claire sont mis en place le plus rapidement possible. En particulier, sans essayer de réinventer la roue, il suffit d’analyser ce qui a marché et n’a pas marché dans les différents pays, en tenant compte des réalités locales. Sinon, on risque de s’aliéner les supporters du développement solaire en Algérie, et le pays risque de rater une des dernières chances de développement industriel.
Dans la majorité des autres pays, il y a eu très peu de gain par rapport aux investissements colossaux des fonds publics. En effet, dans de nombreux pays, c’est plus une course pour profiter des subventions étatiques directes et indirectes. Il serait bon d’analyser en détails les deux pays (Allemagne Chine) qui ont bien su tirer leur épingle du jeu du développement de l’industrie solaire mondiale. Les stratégies adoptées en Allemagne et en Chine sont différentes. Dans le cas de l’Allemagne, elle s’est assurée la maitrise technologique avant de lancer un programme d’utilisation de l’énergie solaire. Les Chinois se sont d’abord lancés dans la maitrise des étapes les plus simples (encapsulation de panneaux solaires) que les Allemands, les Japonais et les Américains leur ont laissé dominer. Puis, ils ont remonté la chaine de valeur (les cellules, les pastilles et le silicium dans cet ordre).
En étant hâtif, certains en Algérie surestiment leur capacité en essayant de maitriser tout en même temps, comme si on pouvait faire la compétition aux Allemands en un jour. Même si les intentions sont bonnes, c’est une recette pour le désastre. Dans le cas de l’Algérie, les structures ne sont pas misse en place pour bien cadrer le développement de cette industrie. A moins qu’elles existent mais ne soient pas rendus publiques.

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