lundi 18 juillet 2011


On leur prête tous les défauts. Ils revendiquent toutes les qualités. Les jeunes sont une espèce bien connue et pourtant peu de vérités percent. Comment les Français perçoivent-ils la génération « jeunes » ?

Âge : 15 –30 ans. Activités : lycéen, ou étudiant, ou jeune professionnel, ou encore chômeur. Situation : un peu perdu et souvent désabusé. Des jeunes d’aujourd’hui, on sait tout sans rien savoir : on les décrit désespérés face à une société qui ne les accepterait pas, on les dépeint envahissant la rue à chaque mouvement social, on les voit renfermés sur eux-mêmes écouteurs vissés sur les oreilles, on les sait cherchant la foule des festivals, des rencontres internationales et des soirées arrosées.
On les dit dangereux, on les dit indispensables… « Il y a une vision ambiguë de la jeunesse dans la société française, explique Olivier Galland, sociologue et directeur de recherche au CNRS (1). Dans les enquêtes au niveau européen (2), les Français ont plutôt une bonne image de leurs jeunes, reconnaissant leur qualité, par rapport aux Anglais par exemple qui ont de forts a priori négatifs sur leur jeunesse. Pourtant, quand on demande à nos compatriotes s’ils pourraient être dirigés par une personne de 30 ans, ils sont bien moins confiants que leurs voisins. »
AMOUR VACHE
Cette ambivalence sur la perception des jeunes se retrouve aussi dans les résultats des sondages réalisés depuis trois ans par l’Association de la fondation étudiante pour la ville (Afev)(3). En 2010, à peine plus de la moitié des Français avaient une image positive des jeunes (4).
Pourtant, ils sont vus comme créatifs et inventifs par 61 % des sondés ; pour 65 % d’entre eux, ils s’adaptent facilement ; et les relations qui peuvent être nouées avec les jeunes sont enrichissantes pour plus des trois-quarts des personnes interrogées.
Sympas les jeunes, agréables même. Mais pas fiables. 62 % des Français trouvent qu’ils ne se prennent pas en main et plus de la moitié estiment qu’ils sont irréalistes.
Pour Cécile Van de Velve, so­cio­logue (5), « l’image qui res­sort du sondage est celle d’une jeunesse passive. Sur l’investis­sement so­cial ainsi que sur la capacité à se prendre en main, le doute est marqué ».
En arrivant au pos­te de Haut-commissariat à la jeunes­se, en 2009, Martin Hirsh a pris cette réalité de plein fouet :
« Les gens me demandaient si je n’avais pas peur, me parlaient de leur [ les jeunes ] caractère incontrôlable, revendicatif… Cette attitude de repli disparaît dès que l’on parle des jeunes qu’ils connaissent. […] Ils sont prêts à se mettre en quatre pour leurs propres enfants mais ils ont peur d’eux en tant que “ collectif ”. »

INÉGALITÉS
La guerre des générations est-elle donc pour demain ? La jeunesse fomenterait-elle un soulèvement national pour avoir un toit, un travail et une vie palpitante sans « vieux » grincheux derrière eux dans le bus ?
« Je n’y crois absolument pas ! répond Olivier Galland. Nous venons de réaliser une étude sur la perception des inégalités parmi les Français et celles entre les classes d’âge ne sont pas les plus importantes. Même parmi les jeunes, il n’y a pas le sentiment d’être dans un conflit de génération, ou que les adultes les empêchent de trouver leur place dans la société. Pour eux, c’est le système qui défavorise les entrants sur le marché du travail qui est pointé du doigt. Les inégalités sociales sont beaucoup plus ressenties par les Français. »
C’est ce que confirme l’édition 2011 de l’enquête de l’Afev (6) : 80 % des sondés estiment que les jeunes sont inégaux face à l’insertion professionnelle. Leur réussite dépend de leur origine sociale, de leur lieu d’habitation ou encore de leur établissement scolaire, pour 64 à 68 % des personnes interrogées.
Pourtant, sans sourciller, ils sont presque 9 sur 10 à considérer que le succès des jeunes ne tient qu’à leurs efforts pour surmonter les difficultés. Et si le premier pas pour cette génération était de dépasser les perceptions de ses aînés ? 


(1) Il est l’auteur de la Sociologie de la jeunesse, publié en 2001 et qui vient d’être réédité, chez Armand Colin.
(2) Le Europen social survey (ESS) est une étude comparative menée sur les attitudes des citoyens d’une trentaine de pays européens par différents centres de recherche coordonnés entre eux.www.europeansocialsurvey.org
(3) Enquêtes dirigées par l’Observatoire de la jeunesse solidaire de l’Afev, organe d’analyse des pratiques sociales de l’association, et réalisées par Audirep.
(4) Étude réalisée du 6 au 14 février 2010, par Internet, auprès d’un échantillon national de 1 000 individus représentatifs de la population française d’internautes âgés de 15 ans et plus.
(5) Analyse de la sociologue accompagnant les résultats du sondage, tout comme le témoignage de Martin Hirsh.
(6) Étude réalisée du 19 au 25 janvier 2011, par téléphone, auprès d’un échantillon national de 1 000 individus représentatifs de la population française âgés de 15 ans et plus.

Le jeune, espèce en voie d’expansion

« La jeunesse reste ce moment de transition entre l’enfance et la vie d’adulte. Cette étape arrive de manière de plus en plus précoce – avec des adolescents qui veulent marquer leur indépendance de manière tranchée – tout en s’étalant de plus en plus dans le temps. Ce dernier aspect est autant dû à l’augmentation du temps d’étude que l’entrée dans le monde du travail tardive et l’arrivée du premier enfant. Dans le cycle de la vie, c’est une période bien définie durant laquelle on se prépare à l’exercice des rôles d’adultes. Pour autant, la jeunesse regroupe un certain nombre de situations diversifiées auxquelles s’ajoute le fait qu’à un même âge donné, les jeunes sont très différents les uns des autres. »
Olivier Galland, sociologue.

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