dimanche 10 juillet 2011

Ouverture des journées cinématographiques d’Alger jeudi dernier à la cinémathèque

Quelques jours de répit de Amor Hakkar ouvre le bal en beauté


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 Fodhil Belloul
«Assez nombreux», pour reprendre l’expression rassurée de Salim Aggar. Si la cérémonie d’ouverture semblait patiner entre la présentation des membres du jury, les pannes surréalistes du micro et tout un folklore finalement assez amusant de discours de remerciements, le cinéma était au rendez-vous. Et autant le dire, celui de Amor Hakkar avait de quoi en séduire plus d’un. Quelques Jours de répit, réalisé en 2010, est le quatrième long métrage du cinéaste franco-algérien. Après la Maison jaune en 2002, tourné en berbère dans les Aurès, Amor Hakkar a choisi de prendre comme toile de fond sa région d’accueil, la Franche-Comté. Il y plante l’histoire tragique de Hassan, interprété par Samir Guesmi que l’on a notamment vu dans Hors-la-loi, et de Moshen, interprété par le réalisateur, deux homosexuels iraniens, menacés de pendaison dans leur pays et qui entrent clandestinement en France par sa frontière avec la Suisse. Désirant rejoindre Paris, les deux hommes s’arrêtent pour quelques jours dans un village, Saint-Claude. Moshen fait la connaissance de Yolande, interprétée par Marina Vlady – qui a tourné avec Godard et Wells, excusez du peu ! La sexagénaire propose à Moshen de repeindre son salon, espérant atténuer sa propre solitude et sauver le clandestin, lequel se fera finalement arrêter et reconduire chez lui. Il seront pendus, lui et son compagnon. La trame est certes minimaliste, mais Amor Hakkar réussit à tirer de ce triangle amoureux une vision touchante de la complexité des rapports humains et du poids des vicissitudes de chaque personnage. Le film ne penche jamais dans la sensiblerie, tout y est présenté en retenue. Les acteurs parlent peu, mais s’observent beaucoup. L’imposante nature de la région, superbement filmée, accentue cette impression d’errance chez les deux hommes. Leur différence marquée de génération laisse planer entre eux une distance presque infranchissable, faite de reniement chez Moshen, de peur de l’abandon chez Hassen. Amor Hakkar met en scène des personnages totalement pris dans leur présent. Le passé, parce que sans doute trop dur à évoquer, confère aux personnages, à Moshen en particulier, une profondeur marquée dans chaque geste et une sorte de dignité dans chaque parole, si rare fut-elle. Il y a donc une poésie particulière chez Amor Hakkar. L’approche d’une réalité contemporaine, l’intolérance, le poids des frontières, à des lieues de tout slogan. On serait tenté de dire que le réalisateur dépasse la simple dénonciation, et réussit à produire une œuvre prenante. Il y a même dans cette histoire malheureuse, dans l’incommunicabilité de la souffrance, une place pour un certain bonheur ou, en tout cas, à des moments d’allégresse. Pensons à la scène où Yolande traverse le village en mobilette à la recherche de Moshen, parée comme une jeune fille. Cela aurait pu être ridicule. Si ce n’était la musique, si ce n’était que Amor Hakkar en fait un moment comme seul le cinéma peut en offrir, une vision de rêve, où l’attente amoureuse, l’espoir transcendent une solitude finalement universelle, sans frontière aucune. Il est rare de voir un «cinéma d’auteur» rejoindre par moments les meilleures joies d’un cinéma populaire. Amor Hakkar l’a fait. 

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