mercredi 20 juillet 2011

Première plage privée à Béjaïa

«La Sablière» prend des couleurs



Trempette et bronzette dans une ambiance de musique, des enfants enthousiasmés par des trampolines et des gonfleurs, déjeuner servi à table, les pieds dans l’eau, de vraies douches et sanitaires à même la plage …
Nous ne sommes pas sur la Côte d’Azur, mais bien sur la côte bougiote, à une quarantaine de kilomètres à l’est de la ville de Béjaïa, à l’entrée de Souk El Tenine, précisément sur la plage La Sablière. Autant vous rassurer, la carrière de sable qui a donné son nom à cet espace n’y est plus. Les lieux ne respirent plus les poussières, mais la joie. La joie de la baignade et du bronzage. Depuis cet été, une nouvelle ambiance, de nouvelles couleurs s’y  sont installées avec la concrétisation du projet pilote de concession donnant un avant-goût d’une privatisation. Qu’est ce que peut être une plage privée ? Qu’offre-t-elle de plus ? Pour y voir clair, il fallait faire le déplacement. Bienvenue à Beach Club, la première et unique plage «privée» de Béjaïa.

Vendredi 8 juillet, 10h, en haut du poste de secours de la Protection civile flotte un fanion vert. La grande bleue est plate. Les premiers baigneurs sont déjà là, moins nombreux que sur la plage voisine, Lota 2. Dans l’eau, des enfants barbotent sous l’œil vigilant des parents rassurés par la faible profondeur du plan d’eau que l’on présente ici comme un précieux atout naturel et un motif de quiétude qui s’ajoute à la sécurité de la plage réservée, depuis cette année, pour les familles. 200 parasols plantés dans un alignement parfait, un plancher sur lequel sont disposés des tables et chaises, et bien d’autres moyens, les attendent. Trois douches et des sanitaires pour femmes et autant pour les hommes ont été construits avec raccord à une fosse septique. Des commodités jusque-là étrangères sur nos plages. Un parking à l’ombre a été aménagé sur une aire débroussaillée, qui a fait place à de petits «salons», de simples tables et chaises, et où des arbres procurent un ombrage frais. Proposés aux amateurs de courtes retraites en compagnie d’amis autour d’un thé ou d’un café, ils n’accrochent pas encore. Les lieux ont nécessité de gros travaux de débroussaillages pour dégager un espace profitable aux estivants. En tout, ce sont quelque 70 000 euros investis sur cette plage dont l’accès est à 400 DA pour une famille, parasols, parking et jeux pour enfants compris.

PLATES-BANDES

Changement de décor, le temps de nous permettre une petite comparaison. Virée sur une plage de la grouillante ville de Tichy. Tarifs appliqués : parking : 100 DA, parasol : 150 DA, petite table : 100 DA, chaise : 50 DA, soit une dépense moyenne de 550 DA pour une famille de quatre personnes. Le tout servi dans une promiscuité couplée à l’anarchie, avions nous constaté sur place. Des jeunes loueurs de parasols et de mini tentes délimitent chacun ses plates-bandes. Des concessions de la commune?  «Non», nous répond, tranquille, un jeune plagiste, entre deux encaissements. «Nous nous sommes tout simplement partagé la plage entre jeunes de la région», nous explique-t-il. «Vous pouvez le faire par exemple du côté de Saket, sur la côte ouest, mais plus ici.
C’est complet», répond-il à notre question, enveloppée de naïveté, de savoir s’il y a  de la place pour un nouveau «collègue». Deux pas plus loin, c’est un autre jeune qui nous apostrophe pour nous proposer un parasol à la location. A notre étonnement, il est coiffé de la casquette rouge, du sigle de la Protection civile, de …surveillant de baignade. Ici, le commerce bat son plein. La mercuriale aussi. Les dernières manifestations, qui ont viré à l’émeute, ciblant des hôteliers, semblent  loin et finalement chasser le spectre d’une saison déficitaire.
Du moins pour les restaurants alignés les uns à côté des autres au centre-ville. Petit tour dans l’un d’eux. L’accueil est plutôt aimable. Autour d’une table, une famille bougiote s’est fait servir cinq plats de purée avec autant de parts de poulet et du jus. «Purée !» s’est exclamé le chef de famille, fonctionnaire, au moment de passer à la caisse. Ce sera 1550 DA le tout.
Retour à Souk El Tenine. En attendant la grande foule, une dizaine d’employés, dont de jeunes plagistes, veillent au grain sur l’étendue du sable de la Sablière.
Lydia, une jeune bougiote, qui vient tout juste de décrocher son bac, s’occupe, sous son parasol, à proposer des glaces et des boissons et à servir le menu : un sandwich à 100 DA, la bouteille d’eau minérale à 35 DA, une glace à 40 DA… Abdenour, un jeune de Lota, lui, fait un peu le chef d’équipe. Parmi l’équipe, un homme au chapeau blanc, le contact facile avec les baigneurs, sillonne la plage. C’est Samir Mokrani, le patron.

FORMULE NOUVELLE

Ses «clients» l’appellent déjà Sam, comme les intimes. Sam est un émigré de Paris qui est parti de sa natale Tala, un village de Barbacha, depuis de longues années. Il a laissé tourner ses restaurants mexicain et marocain au IXe arrondissement et son riad, une vieille maison de la médina de Marrakech, transformée en une sorte de maison d’hôtes (et qui constitue un élément incontournable du tourisme marocain), pour venir «offrir du rêve», comme il nous le dit. Depuis cet été, contre une soumission de 260 000 DA l’année, sa société s’occupe de la gestion d’un demi hectare de plage donné en concession, en vertu d’un bail commercial de 3-6-9, c’est-à-dire renouvelable chaque trois ans et qui va au-delà de la saison estivale. De l’animation presque en continu au bord d’une plage, la formule est toute nouvelle. «Nous sommes là pour toute l’année. A part l’hiver, le restaurant, la cafétéria, la grillade, l’espace de jeux pour enfants resteront ouverts le reste de l’année», nous dit Sam. Comme ils le sont d’ailleurs, pendant cet été, jusqu’à 22h pour accueillir des familles installées dans les camps de vacances voisins. Il «n’invente rien», c’est juste qu’il a importé un modèle qui «existe sur les plages du monde», précise-t-il. Sauf que la transposition de ce modèle sur nos côtes doit compter avec le point noir que constituent tous ces détritus qui jonchent nos plages.

«La bande de 10 m n’entre pas dans la concession, il est convenu (au terme du contrat) donc que son nettoyage n’est pas de notre ressort», explique notre interlocuteur. Pour le reste, «le nettoyage ne peut se faire à 100%», ajoute-t-il. La raison est que l’espace, bien que concédé, est partagé par des estivants occupant des mini tentes plantées là et proposées en location par des jeunes de la région. Comme partout ailleurs, sur le reste du littoral de Béjaïa. Délabrées, celles-ci tranchent avec l’air «occidentalisé» des lieux. La plage résiste ainsi au changement.
«L’idée m’est venue, il y a deux ans, alors que je me baladais en hiver sur la côte de Tichy et d’Aokas. Je suis entré par hasard à la mairie de Tichy, je me suis présenté et expliqué au maire mon projet. Ça n’a pas abouti. J’ai discuté par la suite avec l’Office du tourisme qui a consenti à lancer une espèce de projet pilote. Il y a eu des réticences au départ avant d’être orienté vers Souk El Tenine, où j’ai eu une bonne écoute. Il y a eu un cahier des charges, une adjudication en bonne et due forme et ma soumission a été retenue» nous explique Samir, le patron de Massyl Event. «Sollicité par trois maires», il promet du nouveau pour l’année prochaine,
 
Kamel Medjdoub

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